Chapitre 3 - Sortir du libre-échange et relocaliser

Introduction

« L’activité économique n’a de sens qu’au service d’autre chose qu’elle-même. »

André Gorz

Malgré les grands discours sur la « relocalisation » et le « protectionnisme européen », la Commission européenne s’obstine plus que jamais dans le libre-échange. L’Union européenne a déjà des accords de libre échange en place avec 79 pays. Elle est en train d’en adopter deux nouveaux (Chili, Kenya) et négocie actuellement des accords avec 11 autres pays dont celui avec le Mercosur.

C’est pourtant une folie tant en matière d’écologie – les coûts climatiques des accords de libre-échange sont bien souvent supérieurs aux soi-disant avantages économiques – que de droits humains, en encourageant le dumping social et l’exploitation de travailleurs dans des conditions catastrophiques. Ces accords tuent notre industrie et notre agriculture en les soumettant à une concurrence déloyale : il n’y a pourtant aucun sens à importer des quatre coins du monde des marchandises et produits alimentaires que nous produisons déjà ici. Notre engagement est donc clair : nous sommes le seul groupe à avoir voté contre tous les accords de libre-échange destructeurs et nous y mettrons fin.

Nous voulons passer au protectionnisme écologique et social. Il faut garantir la protection des biens communs en les sortant du marché. Il faut relocaliser l’industrie et garantir notre indépendance sur les ressources clés, en partant des besoins. Nous appliquerons un principe de non-régression pour qu’aucune décision européenne ne réduise les protections sociales ou environnementales.

COMBATS

Mettre fin aux accords de libre-échange

Mettre un terme aux accords de libre-échange pour relocaliser l’économie et encadrer strictement le commerce international

Mesure-clé

Bloquer l’ensemble des accords de libre-échange en cours de négociation, de signature, ou de renouvellement et abroger ceux en vigueur

Toutes les mesures

  • Bloquer l’ensemble des accords de libre-échange en cours de négociation, de signature, ou de renouvellement et refuser notamment les traités avec le Mercosur, y compris révisés, le Chili, le Mexique, l’Inde, l’Indonésie, le Kenya, l’Australie, les Philippines, la Thaïlande, etc.
  • Abroger les accords de libre-échange en vigueur (comme avec la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Japon) et mettre en place de nouvelles formes de coopération commerciale fondées sur l’équité et le respect d’objectifs écologiques et sociaux communs
  • Soumettre l’ensemble de la politique commerciale à l’impératif de réduction des flux internationaux de marchandises pour lutter contre le changement climatique et à l’ambition de relocalisation
  • Instaurer une taxe contre le dumping écologique et social aux frontières de l’Europe pour lutter contre les délocalisations et favoriser la relocalisation, s’appliquant à tous les secteurs d’activité, incluant à la fois les matières premières, les produits finis et semi-finis, à la place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Permettre aux Etats membres d’imposer une telle taxe à leurs frontières nationales si ça n’est pas possible aux frontières de l’Union européenne
  • Utiliser tous les outils (taxes, normes, quotas, interdiction…) pour protéger l’industrie européenne de la concurrence déloyale, notamment chinoise et états-unienne, en particulier dans les secteurs stratégiques (énergie, télécommunications, santé, transports, numérique, spatial…)
  • Interdire sur le sol européen la fabrication et l’export hors de l’Union européenne des produits phytosanitaires interdits par l’Union européenne, conformément à une promesse de la Commission européenne
  • Renforcer la traçabilité et les contrôles sanitaires sur les produits agricoles importés en Europe pour éviter, par exemple, que du boeuf aux hormones se retrouve dans nos assiettes malgré l’interdiction théorique
  • Refuser les accords de partenariat économique inégaux et les accords de pêche qui pillent les ressources halieutiques des pays les moins développés
  • Mettre en œuvre dans les États une clause de sauvegarde sanitaire interdisant l’importation de produits mettant en cause un norme sanitaire nationale, à comprendre comme une clause de non régression

Faire primer le droit social et environnemental sur les droits des multinationales

Mesure-clé

Mettre un terme à la contradiction des pratiques commerciales délétères de l’Union européenne avec ses propres règles visant à protéger les droits humains et l’environnement, notamment les législations européennes sur le devoir de vigilance des entreprises, le travail forcé, la déforestation et la restauration de la nature

Toutes les mesures

  • Étendre le devoir de vigilance des entreprises adopté au niveau européen à l’ensemble des grandes entreprises, y compris dans le secteur financier, durcir les sanctions administratives pour les entreprises qui violent les droits humains ou détruisent l’environnement dans leur chaîne de production, et faciliter l’accès à la justice pour les victimes en donnant la possibilité aux ONG ou aux associations de les représenter
  • Exiger le respect des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail (OIT) pour tout accord de coopération économique
  • Refuser les tribunaux d’arbitrage privés qui permettent aux grandes entreprises d’attaquer des États devant une justice privée lorsque des décisions publiques favorables à l’intérêt général s’opposent à leurs intérêts économiques
  • Refuser les dérogations au droit social et environnemental accordées à des investisseurs privés et qui constituent du dumping déguisé
  • Assurer la mise en œuvre de la sortie coordonnée de l’Union européenne et de la France du traité sur la charte de l’énergie et refuser de payer les compensations qui pourraient être exigées par les grandes entreprises fossiles
  • Renforcer les sanctions et la responsabilité civile et pénale du chef d’entreprise et des administrateurs d’entreprises en cas d’infractions sociales ou environnementales dans l’ensemble de leur chaîne de sous-traitance et d’approvisionnement, y compris hors UE
  • Imposer le partage de la richesse et les droits des travailleurs sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des matières premières critiques, nécessaires à la décarbonation de notre industrie

Réindustrialiser et relocaliser grâce au protectionnisme national et européen

Mesure-clé

Interdire l’accès au marché européen aux produits ne respectant pas des normes sociales et environnementales suffisantes ou violant les droits humains dans leur chaîne de production et renforcer les contrôles

Toutes les mesures

  • Favoriser la production nationale dans les marchés publics lorsqu’elle répond au besoin, puis la production européenne. Cela permettra par exemple un approvisionnement local des cantines ou bien l’utilisation de panneaux solaires français et européens aujourd’hui laminés par le dumping asiatique
  • Faire primer, via une clause de proximité, les critères sociaux et écologiques et de proximité sur le critère de prix dans les appels d’offres publics
  • Réviser la directive sur la passation des marchés publics et refuser l’attribution de marchés publics aux entreprises qui ne respectent pas le droit du travail et les conventions collectives dans l’ensemble de leurs pays d’implantation
  • Garantir le recours aux ressources essentielles à la bifurcation écologique indisponibles en Europe (cobalt, cuivre) dans le respect des droits et conditions de travail des populations des pays détenteurs

Passer au protectionnisme écologique et social pour garantir notre indépendance

Mesure-clé

Mettre un terme à la concurrence libre et non-faussée qui empêche la constitution de pôles publics (énergie, transports, etc.) et la sortie des biens communs du marché

Toutes les mesures

  • Développer des filières publiques, à l’échelle de la France ou de l’Union européenne, pour la production de l’ensemble des biens et services nécessaires à la planification écologique et qui remplissent des besoins essentiels (médicaments, produits alimentaires, biens de consommation courants) pour retrouver notre souveraineté
  • Créer un pôle public minier pour limiter les incidences environnementales de l’extraction minière en Europe, assurer des conditions de travail optimales aux travailleurs et travailleuses du secteur, tout en donnant au peuple le choix des orientations stratégiques du secteur
  • Faire de la sobriété matérielle et de la réduction de la demande un levier de réduction des importations, de relocalisation et de réindustrialisation au service de l’emploi et de la réduction de l’empreinte écologique
  • Autoriser les États membres à nationaliser les grandes entreprises industrielles et commerciales à intérêt public (ferroviaire, ferroutage, gestion des milieux…) ou dont la bifurcation est d’intérêt public pour appliquer la Règle verte (cimenteries, aciéries…)
  • Réformer le cadre des aides d’État pour subventionner directement des secteurs stratégiques clefs, notamment dans le cadre de la planification écologique
  • Proposer des formes de coopération entre États membres sur des projets d’infrastructures nécessaires à la bifurcation écologique et de relocalisation de productions sur le sol européen
  • Coordonner le développement des industries nécessaires à la bifurcation écologique, plutôt que le plan industriel du « Pacte vert » européen qui renforce les guerres de subventions entre les États membres
  • Réindustrialiser les territoires ruraux grâce à un programme européen de soutien à la modernisation et la décarbonation des TPE / PME afin d’éviter la concentration des soutiens dans les grandes métropoles innovantes et les filières d’excellence
  • Renforcer le contrôle des investissements directs étrangers afin d’empêcher la captation ou la participation d’entreprises étrangères à des industries stratégiques pour notre souveraineté (énergétique, médical, militaire)
  • Généraliser la logique des achats groupés coordonnés au niveau européen pour négocier ensemble nos approvisionnements en ressources rares ou matériaux stratégiques et établir des accords équilibrés avec les pays en développement en garantissant des normes écologiques et sociales élevées
  • Instaurer un protectionnisme européen sur la filière de l’éolien maritime et du photovoltaïque incluant la construction des panneaux solaires et des éoliennes ainsi que des navires et activités d’installation et maintenance
  • Permettre les aides d’État pour les investissements dans les navires construits en Europe et infrastructures portuaires et industrielles pour construire une base industrielle et technologique des énergies renouvelables

Sortir du marché européen de l’électricité 

Mesure-clé

Sortir du marché européen de l’électricité et créer un pôle public de l’énergie, remettre en place des tarifs réglementés pérennes calculés à partir des coûts de production, pour les particuliers comme pour les entreprises, les collectivités locales et les bailleurs sociaux. Y inclure des objectifs sociaux, comme la gratuité des premiers kilowattheures, garantissant le droit à l’énergie pour les usages de base.

Toutes les mesures

  • Établir une planification publique européenne et nationale adaptée aux potentiels des différents territoires pour décupler la production d’électricité renouvelable au niveau européen
  • Remettre en place un service public national de l’électricité hors du marché tout en maintenant les interconnexions au niveau européen afin de garantir la solidarité entre États membres et ainsi assurer la sécurité d’approvisionnement sans passer par le marché
  • Revenir à une exploitation 100% publique des barrages hydroélectriques, mettant fin à certaines rentes privées et au risque de prise de contrôle privé et étranger. Combattre la volonté de la Commission européenne de privatiser les barrages
  • Garantir un contrôle citoyen sur ce service public par la mise en place d’un organisme de contrôle indépendant, une obligation de transparence et la publication d’indicateurs définis démocratiquement dans le cadre d’un contrat de service public
  • Mettre en place une coordination des investissements énergétiques par une planification publique européenne, nationale et territoriale, multi-énergies, adaptée aux potentiels des différents territoires
  • Développer et protéger les filières industrielles européennes nécessaires à la bifurcation écologique, (éolien terrestre et maritime, solaire, batteries, hydrogène, réseau, rénovation) afin de limiter notre dépendance aux importations dans ce secteur
  • Garantir que le prix payé par le consommateur final reflète uniquement les coûts de production plutôt que la spéculation pour que la facture des usagers n’alimente plus les dividendes des actionnaires et que les marges soient uniquement réinvesties dans la qualité du réseau et le développement des énergies renouvelables

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