Retrouvez l’intervention de Michel LARIVE dans le cadre de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.
« Nous analysons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à « démocratiser le sport en France ». Dès la première lecture, j’ai exprimé ma déception pour ce texte, tant l’écart entre son titre prometteur et la réalité, était important. Les avancées proposées me paraissaient déjà loin des enjeux et ô combien lacunaire.
Ce texte, limité par son intérêt, compte désormais 90 articles au lieu de 12, après un passage au Sénat et en commission à l’Assemblée nationale la semaine dernière. Une disposition particulièrement controversée y a été ajoutée. Il s’agit de la possibilité pour les ligues professionnelles de créer une société commerciale, ce qui accentuera forcément la financiarisation du sport. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements.
Cette nouvelle version du texte est vidée du peu d’avancées qu’il contenait, en raison d’amendements issus de la majorité présidentielle. Je pense notamment à la suppression de la proposition d’installation de vestiaires et de douches dans les nouvelles constructions de bâtiments destinés à être des lieux de travail, pour favoriser l’usage du vélo sur les trajets domicile/travail, entres autres. Je pense également à la suppression de l’extension de la retransmission en accès libre des évènements sportifs des compétitions masculines comme féminines.
Malgré ces 90 articles, votre texte ne prévoit :
- Rien pour garantir une meilleure retransmission des événements sportifs d’handisport.
- Rien pour garantir la rémunération des sportives au même niveau que leurs homologues masculins.
- Rien pour limiter les effets de l’argent dans le sport.
- Rien sur la représentation des supporters et de leurs associations.
- Rien sur le remboursement du sport sur ordonnance.
- Rien enfin pour simplement permettre au plus grand nombre de suivre à la télévision les grandes compétitions sportives sans souscrire à une multiplicité d’offres.
Bref, rien pour « démocratiser le sport en France ».
Le bilan de votre majorité en matière de politique sportive est catastrophique. Le ministère des Sports est encore plus soumis aux intérêts du privé qu’en 2017, notamment avec la création de l’Agence nationale du sport. Ce groupement d’intérêt public implique le MEDEF dans sa Gouvernance avec comme pour seul financeur… L’État ! Les pouvoirs publics ont délégué une partie de leurs compétences à cette agence, qui mène une politique ultra-élitiste, visant à obtenir des résultats à court terme, au détriment de la structuration d’un ensemble diversifié de disciplines sportives, ce qui est portant l’ADN du sport en France.
En conséquence, les constats de 2017 sont toujours valables aujourd’hui : Les équipements sportifs de proximité, lorsqu’ils existent, sont vétustes, inadaptés, ou en fin de vie pour la moitié d’entre eux. L’engagement bénévole n’est pas reconnu et le manque de moyens financiers empêche les embauches nécessaires à la pérennité des associations. Les besoins des populations en situation de handicap sont insuffisamment pris en compte.
Pourtant, en plus des enjeux de santé, le soutien au sport porte un enjeu d’intérêt général ! Le mouvement sportif est la seconde plus grande force associative française avec ses 16 millions de licenciés, ses 286.000 emplois, son réseau de clubs, ses 3,5 millions de bénévoles investis dans 317.000 associations, soit 24 % des associations françaises.
Je plaide pour une politique sportive à rebours de votre logique libérale, qui renvoie le sport à la culture de la compétition poussée à son paroxysme. Je considère le sport comme relevant d’une mission de service public. Sans sport amateur, il n’y aurait pas de championnes, ni de champions. Il est donc temps de sortir le sport des logiques de marché, de concurrence et de marchandisation extrême, afin de permettre à chacun de développer ses capacités créatrices et son estime de soi dans le respect des autres.
L’accès au sport et à l’activité physique de son choix doit être garanti à toutes et tous, et ce, tout au long de la vie, quel que soit ses revenus, son sexe, son âge, sa couleur de peau, sa religion, ou même son handicap ! Il est temps de faire du « sport santé » un élément essentiel du bien-être de l’humain, en soutenant le sport sur ordonnance et la rénovation d’équipements sportifs.
Ces grandes ambitions ne sont pas au rendez-vous de ce texte. Cette loi ne rompt absolument pas avec la situation actuelle du mouvement sportif. Vous considérez l’accès au sport et aux activités physiques, davantage comme une « chance », qu’un droit véritable. Tout cela n’est qu’un immense gâchis, 5 ans de perdus pour le service public du sport… »