Article rédigé par le groupe thématique « Contre le racisme et les discriminations, faire vivre l’égalité » de La France insoumise. Vous aussi, rejoignez un groupe thématique.
Dès le début, cette épidémie de coronavirus a été l’occasion de l’expression massive d’un racisme décomplexé. Des milliers de personnes asiatiques ou d’origine asiatique, sous le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus, avaient témoigné et répondu aux nombreuses insultes reçues. Le premier front dans cette bataille contre le racisme ouverte par la crise du coronavirus est donc le racisme anti-asiatiques.
Un deuxième front s’est ouvert plus récemment : le déchaînement raciste contre les habitant·es des quartiers populaires. Marine Le Pen parle de « zones de non-droits […] où le confinement n’est pas respecté et particulièrement le soir ». Valeurs Actuelles pointe du doigt « Barbès, Château Rouge, La Chapelle : ces quartiers où l’on se fiche des règles de confinement ». Le Parisien, alors qu’il rappelle à l’ordre gentiment les Parisien·nes insouciant·es qui prennent le soleil sur les quais de Seine, adopte un ton beaucoup plus sévère vis-à-vis des habitant·es de Seine-Saint-Denis, coupables d’indiscipline.
Un troisième front raciste est relatif à la fermeture des frontières et à la mise à l’index des migrant·es considéré·es comme des agents infectieux. Face au discours raciste ou xénophobe du Rassemblement National, qui stigmatise les étranger·es, les migrant·es, les sans-papiers et qui instrumentalise cette crise sanitaire pour imposer ses idées, il est plus que jamais nécessaire de porter un autre discours. Les migrant·es ont vu le nombre de bénévoles qui les aident à survivre (maraudes, distributions de nourriture) diminuer dans la foulée du confinement. Ils se retrouvent particulièrement vulnérables en cette période. Sans compter le fait que les gestes barrières sont absolument impossibles à respecter quand on est sans-abri (absence d’eau, de douches, voire de toilettes). Nous saluons à ce propos l’initiative exceptionnelle de reloger les 732 personnes du camp d’Aubervilliers dans des gymnases et chambres d’hôtel avec respect des normes de protection contre le coronavirus. Ce type de mesures d’urgence devrait être une norme d’accueil minimale.
Nous pensons également aux sans-papiers intérimaires. Bénéficieront-ils, eux aussi, du chômage partiel ? Et quid de celles et ceux qui sont obligé·es de continuer à travailler, comme les éboueur·ses, dans des endroits et avec des conditions de travail contraires aux normes sanitaires pour le coronavirus ?
Plus généralement, cette crise sanitaire révèle le racisme systémique de nos sociétés. Les populations racisé·es sont en première ligne du combat, parce qu’elles sont maintenues en bas de l’échelle sociale. Ils et elles sont caissièr·es, livreur·ses, ouvrièr·es, logisticien·nes, chauffeur·es, ou préparateur·ices de commandes, aide-soignant.es et continuent de travailler malgré l’épidémie de Covid-19. Très souvent, les racisé·es, en particulier les femmes, sont cantonné·es dans ce qu’on appelle le travail du care, qui consiste à accorder des soins à autrui. Ils et elles accompagnent les enfants des autres (crèches, assistantes maternelles), les personnes âgées (dans les EHPAD), de la société en général, qu’ils nettoient et approvisionnent.
Alors que faire ? Rappeler ce qui est absent des discours médiatiques et gouvernementaux : nous ne sommes pas égaux face au coronavirus et au confinement.
Si les jeunes des quartiers ont parfois du mal à rester confinés, c’est parce qu’ils et elles habitent très souvent de petits appartements surpeuplés. Les travailleur·ses sociaux·les, les associations de quartier qui sont sur le terrain et qui tentent de convaincre les jeunes de rester chez eux font part aussi d’une grande défiance par rapport à la police, avec laquelle les contacts se multiplient en cette période de contrôles renforcés, du fait de l’état d’urgence sanitaire. Cette défiance est alimentée par le mépris et les discriminations racistes systématiques qu’ils subissent. Le respect du confinement n’est pas qu’une affaire de police, mais aussi de conditions de vie acceptables chez soi : salubrité, intimité, espaces de rangement ou d’activités collectives. Le monde d’après ne peut se reconstruire qu’en affrontant ces problèmes.
Donner à la police tous les pouvoirs pour faire respecter le confinement, c’est prendre le risque de multiplier les violences policières : les contrôles au faciès, les clés d’étranglement, les placages ventraux. Il serait nécessaire d’élaborer un vade-mecum des droits des personnes en cas de contrôles abusifs pour que les personnes puissent saisir la justice si elles veulent porter plainte. Le défenseur des droits, le syndicat de la magistrature, toutes les associations antiracistes et celles qui défendent plus généralement les droits humains doivent pouvoir être vigilants dans l’application d’une législation d’exception et être aux côtés des populations discriminées pour être des relais et des soutiens à chaque fois que des actes de discriminations sont avérés.
L’état d’urgence sanitaire ne doit pas nous faire renoncer aux actes et aux discours barrières face au racisme. Le danger dans cette période est le repli sur soi, le chacun pour soi, le sauve-qui-peut. Forts de nos solidarités, de notre soif d’égalité et de notre espoir de construire une société débarrassée du racisme, nous étudions cette crise avec attention et vigilance pour préparer le monde d’après.
Pendant ces jours de confinement les groupes thématiques de la France insoumise ont décidé d’apporter leur contribution à travers des réflexions sur la situation actuelle. Chaque jour, un ou plusieurs articles d’analyses seront produits par un des groupes thématiques. Retrouvez ces productions sur la page de l’espace programme.