Intervention de Jean-Luc Mélenchon le 19 mars 2020 en Commission des Finances de l’Assemblée nationale dédiée aux mesures sur le coronavirus.
Voici la retranscription de cette intervention (seul le prononcé fait foi) :
L’état d’esprit général dans lequel on va présenter des amendements. D’abord je commencerai par dire qu’il a fallu travailler vraiment très vite. Je forme le souhait qu’on puisse si c’est possible prévoir mieux et qu’on décide de la cadence à laquelle se tiendront nos rencontres de manière à contraindre, sous doute aussi, le gouvernement à déposer plus en amont ses prévisions et nous permettre de travailler utilement.
Alors pour le reste, dans une situation de péril commun et universel, la défense de l’intérêt général humain ne doit pas rencontrer de limites, ne doit pas rencontrer de limites, ne doit pas rencontrer de limites, ni celle de la propriété privée ni celle des intérêts particuliers ici ou là. Le facteur humain est premier, nous sommes des animaux sociaux et par conséquent même une épidémie est d’abord un fait social.
Notre première préoccupation, une fois que la ligne de front est en place au niveau sanitaire et alimentée correctement pour qu’elle puisse faire son travail, c’est la protection et la sécurisation matérielle des gens. Il est très important qu’on ne crée pas, ou ne soit pas créé, de facteur de panique ou de désorganisation parce que les gens auraient une incertitude sur leurs lendemains : incertitude sur leurs ressources, incertitude sur leur logement, en plus des incertitudes sur leur santé.
C’est la raison pour laquelle les salariés et le monde du travail porte sur son dos toute la situation et c’est lui qu’il faut aider. D’abord, en permettant qu’ils se réunissent sur les lieux de travail pour définir au mieux les conditions dans lesquelles, là où c’est nécessaire, le travail pourra continuer sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes. Ensuite, qu’ils soient protégés socialement. Une série de nos amendements viennent sur ce thème comme le 100% de remboursement pour le chômage partiel, etc., etc. ou… le chômage technique pardon.
Deuxième remarque, elle concerne le fonctionnement de l’économie. On règlera quelques comptes le moment venu. Mais la preuve est faite que c’est bien la demande qui crée l’offre et pas l’inverse. Et dans les conditions dans lesquelles nous sommes placés, on voit qu’il n’y a pas d’autre, compte tenu de ce que l’économie telle qu’elle est aujourd’hui, je ne dis pas l’économie en général ou telle que nous la rêverions. La seule solution, la solution en tout cas que tout le monde a l’air de comprendre, c’est qu’il faut faut injecter massivement des liquidités pour que la circulation continue à se faire. Alors évidemment le monde vit déjà dans une masse de dettes, mais elles n’ont pas grande importance. Ce qui importe c’est que l’activité humaine puisse continuer. Et pour qu’elle puisse continuer il faut beaucoup de liquidités. Nous ne somme pas d’accord avec vous, Monsieur le ministre. Les mesures que vous annoncez - 45 milliards dont à peine 6 sont réellement des liquidités nouvelles - ne nous semblent pas à la mesure de la situation. On votera sans doute votre plan parce qu’on ne veut rien bloquer et on veut montrer qu’on est de parfait esprit de coopération.
Mais ça, ça ne fait pas la maille. Regardez où on en est aux États-Unis d’Amérique. Vous me direz : « eux ont le droit d’imprimer des billets tant qu’ils veulent », mais enfin on en est à la thèse qui semblait être la plus farfelue du keynésianisme, à savoir l’argent hélicoptère. On distribue 1000 à 2000 dollars, c’est ce qui est demandé, par tête de pipe pour que la machine fonctionne. La Banque européenne, la BCE, se limite une nouvelle fois à sa routine, qui consiste à avancer de l’argent pour acheter des dettes aux banques privées, avec l’espoir qu’elles prêtent ensuite aux particuliers. Je ne sais pas quel genre de particuliers, à part les entreprises, sont en état de contracter des dettes aujourd’hui ou d’aller solliciter leur banquier pour faire leurs achats. Ce n’est pas raisonnable. Je termine en vous disant que les amendements que nous présentons ont pour objet de donner les moyens demandés par l’Organisation Mondiale de la Santé. Je ne vous cache pas que nous avons été perturbé par ce qui a été dit tout à l’heure à propos des tests qui ne seraient pas nécessaires. Deuxièmement les moyens de la protection sociale, garantie des salaires, les précautions pour les précaires, sécuriser la situation sociale des gens, notamment de leurs indemnités de chômage et le fonctionnement des délais pour l’extinction des droits au chômage, pour les intermittents du spectacle, pour les métiers d’arts. Voilà, je finis d’un mot. Ayez confiance dans le fait que c’est en nous réunissant et en misant sur le collectif qu’on sera plus intelligents.