Édito de Matthias Tavel publié le 6 janvier 2020 dans l’Heure du peuple.
Le macronisme clarifie le paysage. La réalité apparaît clairement aux yeux de beaucoup, et une formule la résume simplement : l’oligarchie, voilà l’ennemi ! L’attaque du pouvoir contre le droit à la retraite s’accompagne d’une légion d’honneur pour le PDG de l’un des principaux fonds de pension. Chacun choisit son camp : les financiers ou les grévistes !
La grève porte évidemment la défense de l’intérêt social des salariés pour un régime de retraite solidaire, par répartition, offrant des garanties collectives en terme d’âge de départ, de durée de cotisation, de montant des pensions. Il y a bien des progrès à apporter comme le propose le contre-projet de la France insoumise pour rétablir la retraite à 60 ans, réduire la durée de cotisation de 43 à 40 ans et augmenter les petites pensions. Mais l’intérêt populaire est là. Cet intérêt va d’ailleurs bien au-delà des seuls salariés : c’est aussi celui des retraités, des indépendants soumis à des régimes parfois peu protecteurs, des jeunes qui refusent de voir leur avenir sacrifié par cette réforme comme par la scandaleuse inaction contre le changement climatique.
Mais la promotion de la légion d’honneur montre que la bataille est aussi démocratique. Les amis du pouvoir, récompensés par cette distinction clientéliste, forment une caste dorée. Le patron de BlackRock France, Jean-François Cirelli, n’est pas seulement l’un des dirigeants de fonds de pension gérant 6 840 milliards de dollars soit trois fois la richesse annuelle produite en France. Il n’est pas seulement l’un de ceux qui appelle à « combler les lacunes structurelles des régimes d’épargne retraite volontaire existants ». C’est aussi l’ancien PDG de GDF, artisan de la privatisation de cette entreprise lorsqu’elle a fusionné avec Suez. Il était aussi membre du Comité Action publique 2022 mis en place par Emmanuel Macron pour sabrer les services publics au nom de la rentabilité et du new public management. Il résume bien comment ce petit monde déconstruit l’État social et sacrifie l’intérêt général aux exigences de la finance.
Dans la promotion de la légion d’honneur, on trouve aussi Grégoire Chertok, banquier d’affaires chez Rotschild, artisan de la braderie d’Alstom à General Electric. Mais également Serge Weinberg, PDG du groupe pharmaceutique Sanofi qui empoche l’argent du crédit d’impôt recherche et supprime des postes dans la recherche en France, et qui était membre de la Commission Attali en 2007 dont un certain Emmanuel Macron était le rapporteur. Ou encore Christian Dargnat, président de l’association de financement d’En Marche, grand argentier de la campagne présidentielle du même Macron, et ancien de la BNP. On trouve aussi la directrice déléguée du magazine libéral Challenges. La liste est longue. Haute finance, destructeurs d’industries, médias officiels, dirigeants politiques. La nature oligarchique du régime saute aux yeux. Si la révolte du peuple veut garder le régime de retraite, elle devra changer de régime… politique !