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La braderie continue

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C’est un des gros sujets industriels du moment. Pas seulement industriels d’ailleurs, stratégique pour le pays. Il s’agit de la vente des chantiers navals de Saint-Nazaire. L’actionnaire majoritaire coréen STX s’en va. Et le gouvernement tortille depuis plus de deux ans sur ce qu’il faut faire. Et comme d’habitude c’est la méthode Hollande. Laisser le sujet pourrir sur pied en espérant qu’il se règle tout seul… L’actuel ministre de l’Industrie Christophe Sirugue donne donc l’impression de découvrir ce cadavre laissé dans le placard par Macron en partant. Qu’a fait Montebourg, encore ministre à l’annonce de la vente ? Rien. Qu’a fait Macron, ministre deux ans ? Rien. Depuis mai 2014, Hollande et ses ministres de l’Économie Montebourg puis Macron n’ont rien fait pour ce chantier.

À force de mépriser l’économie maritime, ils ont mis en danger un fleuron industriel florissant et stratégique pour l’indépendance nationale. La vente de STX pourrait être finalisée avant la présidentielle. Nouveau pillage en vue si rien ne change. Ça suffit ! Je répète ici ce que j’ai écrit à ce sujet dès 2014 dans une tribune : « le départ de STX pourrait être l’occasion de retrouver une participation majoritairement publique et nationale dans ce groupe ».

L’actionnaire coréen STX cherche à vendre le chantier de Saint-Nazaire depuis mai 2014. Et désormais, c’est la justice coréenne qui choisit le repreneur. En effet, le groupe STX va mal. Mais sa filiale française est, elle, très florissante. C’est d’ailleurs la seule partie bénéficiaire du groupe coréen. La justice coréenne prévoit une reprise par le constructeur italien Fincantieri. Elle a choisi celui-ci le 3 janvier et la décision finale doit intervenir mi-février. Ce serait une lourde menace pour les savoir-faire et l’emploi à Saint-Nazaire ainsi que pour l’indépendance nationale.

Pourtant l’État est actionnaire à hauteur de 33%, avec une minorité de blocage. Pourtant, le chantier STX de Saint-Nazaire n’est pas n’importe quel chantier naval. Il était hier connu sous le nom de « chantiers de l’Atlantique ». Puis il a appartenu au groupe Alstom, alors Alsthom-Atlantique. C’est un fleuron technologique et industriel. Le savoir-faire des ouvriers, ingénieurs et techniciens a été prouvé depuis des décennies. C’est de ce chantier que sont sortis les paquebots Normandie et France. C’est aujourd’hui le chantier naval qui construit les plus gros navires de croisières du monde. Plus de 2 000 salariés de STX travaillent sur ce chantier auxquels s’ajoutent des milliers de sous-traitants et d’emplois induits. Mais ce n’est pas tout.

C’est aussi un enjeu stratégique. Pas à cause des croisières évidemment. Mais à cause de son autre spécialité : les navires militaires, construit en coopération avec l’entreprise DCNS issue de l’ancienne Direction des constructions navales du ministère de la Défense. C’est à Saint-Nazaire que sont construits parmi les plus gros vaisseaux de la marine nationale. C’est à Saint-Nazaire qu’ont été construits les deux porte-hélicoptères Mistral que la France avait vendu à la Russie avant que Hollande ne renie cette parole. C’est à Saint-Nazaire que serait très probablement construit un éventuel porte-avions pour remplacer ou épauler le Charles-de-Gaulle. Ce chantier naval est donc d’intérêt général pour le pays. C’est d’ailleurs seulement depuis 2006 que le capital n’est plus français. C’est la Commission européenne qui avait imposé cette vente, acceptée par Nicolas Sarkozy, lors du plan de « sauvetage » d’Alstom.

En cas de reprise par l’italien Fincantieri, le risque est multiple. Car Fincantieri dispose de plusieurs chantiers en Europe et en Asie. Le risque numéro un est évidemment une fuite du carnet de commandes. Aujourd’hui, les chantiers de Saint-Nazaire ont un carnet de commandes plein jusqu’en 2026 avec 14 navires commandés. De quoi faire rêver tous les concurrents ! Qui garantira que ces navires seront bien construits à Saint-Nazaire si l’actionnaire majoritaire a d’autres chantiers en manque d’activité ? Le deuxième risque est du même ordre. Construire des navires de cette taille représente des quantités très importantes de savoir-faire, de brevets, de bureaux études. Qu’en sera-t-il demain ? Seront-ils toujours à Saint-Nazaire ? Rien ne le garantit aujourd’hui.

L’État doit s’opposer à cette reprise. Il doit empêcher que Fincantieri ne mette la main sur les commandes, les brevets, etc. Il le peut. Les décrets sur les industries de souveraineté permettent de bloquer la vente. L’État peut aussi purement et simplement préempter l’entreprise lors de la vente, c’est-à-dire la racheter avant le repreneur envisagé. Toutes les options doivent être activées à commencer par la nationalisation du chantier.

Mais, je l’ai dit, depuis bientôt trois ans, le gouvernement n’a rien fait. En novembre, le ministre de l’Industrie déclarait que « l‘objectif du gouvernement n’est pas de devenir actionnaire majoritaire de la société STX France mais il est de peser dans le choix du repreneur ». Désormais, devant les réticences des syndicats mais aussi de nombreux sous-traitants et industriels du secteur, le même ministre dit que l’italien Fincantieri pourrait ne pas être « majoritaire seul ». Personne ne serait donc majoritaire ? Comprenne qui pourra. Le ministre cherche à inventer en catastrophe un montage entre plusieurs parties. Que de temps perdu ! Que de bricolage ! Pourquoi être obligé d’improviser dans l’urgence alors que la situation est connue depuis 2014 ? Si on m’avait écouté à l’époque, nous aurions gagné deux ans.

Aujourd’hui, tout le monde convient de la solution que je proposais à l’époque. L’entreprise DCNS semble prête à entrer au capital à la demande de l’État. Et même Bruno Retailleau, le très libéral président LR de la région Pays-de-La-Loire, et proche de François Fillon, se dit prêt à ce que la région participe au tour de table ! Si même un ancien proche de Philippe de Villiers défend le capital public, c’est qu’on doit pouvoir avancer non ? Évidemment, la nationalisation n’épuise pas le sujet. Mais le site est bien portant. La nationalisation permettrait donc d’enclencher la diversification industrielle nécessaire à l’avenir à long terme des chantiers, aux besoins de nos industries maritimes et à l’indépendance nationale.

Il est hors de question que les chantiers de Saint-Nazaire soient abandonnés. L’ignorance pour les industries maritimes a déjà coûté assez cher pendant ce quinquennat. Arnaud Montebourg et Emmanuel Macron ont aussi déjà abandonné Alstom Energie à General Electric. Depuis, on a appris que General Electric renonçait à développer les hydroliennes sur lesquelles Alstom travaillait. Emmanuel Macron a aussi sabordé Adwen, la filiale d’Areva dans l’éolien en mer. Pour renflouer le cœur nucléaire d’Areva, il a préparé la vente d’Adwen à l’Espagnol Gamesa et l’Allemand Siemens. On voit une fois de plus combien ceux qui prétendent incarner l’économie de demain doivent être écoutés avec circonspection…!

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