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Le 14 septembre 2018, Bastien Lachaud est intervenu sur l’article 13 du projet de loi agriculture et alimentation. Il a montré que le projet de loi ne va pas sensiblement améliorer la condition animale, et fait un état des lieux du résultat produit par la course aux profits, au gigantisme et à l’industrialisation. Il a énoncé l’idée que le point de vue des animaux et de l’environnement devrait être exposé, et qu’il faudrait inventer un système afin qu’il soit pris en compte.

Voir ici le reste des débats sur le projet de loi.

Voir ci dessous le texte du discours :

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,

Nous arrivons à la question dite du respect du bien-être animal. Laissez-moi vous dire que nous en sommes loin, et même très loin, et que ce projet de loi ne va pas y changer grand-chose. Quelques mesures d’affichage, ici et là, pour montrer qu’on prend en compte marginalement la question de la condition animale dans les élevages. Mais sinon, un seul refrain « il faut faire confiance à la filière ». Or, les filières d’élevage intensif n’ont comme seul objectif la rentabilité. Ce sont des entreprises comme les autres, dont la caractéristique spécifique est de produire des aliments à partir d’êtres vivants, et non de matière inerte, mais pour le reste il n’y a pas de différence.

L’industrialisation et la marchandisation d’à peu près tout a mené à des projets déments, de ferme des 1000 vaches, de 17 000 porcs, des 200 000 poules, sans compter les projets de ferme d’un demi-million de porcs en Chine. Le gigantisme et l’automatisation, la course au profit transforment ces pauvres bêtes en machines à produire. Certaines sont élevées pour leur lait. D’autres se produisent elles-mêmes.

Avoir des petits ne fait plus partie du cycle de la vie, mais d’un procès de production rationnel et profitable. On produit du jambon comme on produit des voitures ou des cornets à piston. Les porcelets ne sont pas de petits êtres sensibles, mais de la matière première comme de l’acier ou du ciment. Leur chair n’est pas de la chair sensible, semblable à la nôtre, sensible aux caresses comme aux coups, mais d’ores et déjà de la chair à saucisse, avant même d’avoir vécu. Ces animaux ne reçoivent pas davantage de considération que les tomates avec lesquelles ils vont finir par être broyés pour faire de la sauce industrielle. Un ingrédient parmi d’autre. Inerte et végétal ou mort, quelle différence ? La vérité crue, c’est que la viande n’est rien d’autre que des morceaux de cadavres que nous avons produits, par une naissance et une mise à mort industrielles.

Les abattoirs sont parmi les pires cauchemars produits par notre société capitaliste. L’argent et la cupidité pourrissent tout. Ils pourrissent les conditions de vie des hommes. Il n’y avait aucune raison à ce que cela ne pourrisse pas aussi la « vie » de animaux, si on peut encore appeler cela une vie.

Les abattoirs de Chicago, première industrialisation de ce secteur, maltraitait déjà considérablement les employés en plus des animaux mis à mort. Dans ces lieux, il n’y a que de la souffrance. Je veux rendre ici hommage à Mauricio Garcia Pereira, lanceur d’alerte, ancien employé des abattoirs de Limoges, qui a osé révéler le scandale de l’abattage des vaches gestantes. Il raconte comment des vaches presque à termes étaient abattues. Leurs petits auraient pu naître, et être des petits veaux en parfaite santé, mais leurs mères étaient tuées juste avant terme. Il dit que ces veaux étaient considérés comme du déchet. La raison : le maintien des prix de la viande bovine industrielle.

Cet exemple, malheureusement parmi tant d’autre, est le plus significatif selon moi, d’à quel point notre humanité s’est perdue. En autorisant ça, nous avons perdu tout sens de ce qu’est simplement la vie.

Oh, nous avons bien tenté dans cet hémicycle, un dimanche à 23h, d’interdire les pires pratiques de l’élevage. La caudectomie et la castration des porcelets, à vif.

C’est-à-dire que comme les cochons sont élevés sans possibilité de jouer, de fouiner, ce qui correspond à leur caractère enjoué et intelligent, la seule chose qu’il leur reste à faire est de mordre la queue des autres cochons enfermés. Or, les plaies s’infectent. Plutôt que de leur donner quelque chose pour jouer, on préfère leur couper la queue et leur limer les dents. Aucune confiance à la filière.

Les lapins, placides et peureux herbivores, deviennent cannibales à force d’être entassés les uns sur les autres, en ayant comme place pour vivre que l’équivalent d’une feuille A4. Aucune confiance à la filière.

Les poules pondeuses, sont évidemment toutes des femelles, mais que faire des poussins mâles éclos en même temps ? Plutôt que d’utiliser les techniques pour déterminer avant l’éclosion le genre, le plus économique pour la filière, est d’attendre l’éclosion, puis de broyer vivants les poussins mâles, parce qu’inutiles au système industriel. Je ne sais même pas comment on peut, ne serait-ce qu’imaginer broyer vivants de oisillons, mais malheureusement, cela est réel. Aucune confiance à la filière.

Nos amendements de première lecture étaient déjà réduits au minimum, ciblant les pires pratiques. Non par crainte, ou manque de volonté d’aller plus loin, mais à cause du mode de débat en temps législatif programmé, qui contraint les groupes d’opposition à restreindre leurs amendements du fait du temps de parole très limité pour pouvoir les défendre. Mais je voudrais dire solennellement, qu’il faut aller beaucoup plus loin. Nous devons entièrement repenser notre rapport à notre environnement, et donc aux animaux.

Parce que la façon dont ils sont traités actuellement est une honte absolue. Non pas dans tous les élevages, mais dans beaucoup trop. Nous devons radicalement changer notre agriculture vers un modèle biologique et paysan. Nous devons recréer les conditions d’une vie humaine en harmonie avec notre environnement, avec les animaux, afin de faire cesser la déstabilisation des écosystèmes et du climat du fait d’actions irresponsables et irréversibles.

Pour ce qui est de la condition animale, il faut réfléchir à la façon dont la voix des animaux peut être représentée dans les débats.

Car les animaux ne parlent pas, nous ne parvenons pas à communiquer avec eux dans un langage articulé. Mais ce sont, comme nous, des êtres sensibles. Par exemple, on m’a raconté que des vaches deviennent aphones à force de meugler en réclamant leur petit qu’on leur avait enlevé. Jusqu’à ne plus pouvoir meugler. Comment ne pas comprendre la détresse d’une mère séparée de son petit, enfermée, dans l’impossibilité de le chercher et de le retrouver ?

Nous sommes capables de comprendre cela. Nous devons donc réfléchir à un système qui permettrait de faire entendre le point de vue des animaux, comme lors d’une tutelle par exemple, où le point de vue et les intérêts de la personne sous tutelle est représenté par quelqu’un d’autre. Ainsi, il serait souhaitable, que lorsque nous votons une loi qui a un impact quelconque sur l’environnement, et les animaux, que leur point de vue soit exprimé. Sur cet article, au-delà des amendements que nous défendrons pour améliorer, au moins un peu, le sort des animaux, il fallait que leur point de vue soit, et c’est la moindre des choses, exposé.

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