Annonces du président : nos corps ne sont pas des armes

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Un article du groupe thématique Égalité Femmes-Hommes

Emmanuel Macron a annoncé ce mardi 16 janvier 2024 son plan de lutte contre l’infertilité, prônant un « réarmement démographique ». Contrairement à ce que laissent entendre ses injonctions militaires et virilistes, nos corps et nos enfants ne sont pas des armes à sa merci. En mettant en avant la nécessité de lutter contre la baisse de la natalité, Emmanuel Macron reprend le vocabulaire et l’obsession de l’extrême droite. Un choix éminemment politique, en pleine montée du fascisme menaçant directement les droits des femmes et des enfants et alors que la « grande cause du quinquennat » n’était qu’un coup de communication, sans volonté ni résultats politiques. 

Nos corps, nos choix, nos droits

La rhétorique du « réarmement démographique » et la mise en place de politiques natalistes ne peuvent que nous inquiéter. Elles menacent les droits et la santé reproductifs et sexuels des femmes et personnes LGBTQI et représentent une régression politique et sociale préoccupante, contraire à l’autonomisation des personnes. Le gouvernement propose ainsi d’assigner les femmes cisgenres au travail reproductif pour servir un enjeu capitaliste aux relents militaires, objectivant leurs corps, déjà de plus en plus contrôlés et violentés. 

Cette déclaration est encore plus choquante à la veille des 49 ans de la loi Veil, dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), et du vote en Commission des lois de la constitutionnalisation de l’IVG. Ces propos démontrent encore plus fortement la nécessité d’une telle constitutionnalisation face aux menaces qui pèsent sur le droit des femmes à disposer de leurs corps. Un combat porté par nos député·es insoumis·es et que nous continuerons à mener dès le 24 janvier prochain en hémicycle.

Les mères : grandes oubliées des politiques publiques 

Si Emmanuel Macron souhaitait réellement soutenir la parentalité, il devrait d’abord commencer par la rendre matériellement possible. Or, d’après la Fondation des Femmes la maternité et la natalité sont socialement valorisées, mais les normes patriarcales nous conduisent à invisibiliser et minimiser les difficultés spécifiques et coûts qui pèsent sur les femmes et les pénalisent davantage. Un coût à la fois professionnel, physique, psychologique et économique : discriminations au travail, frais de santé peu remboursés, garde-robe adaptée à la grossesse, congé maternité court et peu indemnisé, dépression post-partum, jours de congé pour enfant malade, travail domestique gratuit, etc. 

Les femmes sont également les plus touchées par les politiques anti-sociales du gouvernement, notamment les mères, et davantage encore les mères isolées. La précarisation des femmes et des familles porte atteinte à leurs conditions de vie matérielles et aux droits des enfants. Elles sont ainsi confrontées à une multitude de difficultés économiques et sociales qui viennent s’ajouter au coût de la maternité : inflation, baisse du pouvoir d’achat, chômage et temps partiel subis, mal-logement, inégalités d’accès aux modes de garde, etc. L’appauvrissement de la population, la diminution du montant de certaines prestations sociales et le durcissement des conditions d’éligibilité ne sont pas de nature à encourager les familles à accueillir les enfants qu’ils souhaitent. Or,  les macronistes ont rejeté, sabordé ou se sont abstenus de voter toutes nos propositions pour soutenir les familles, notamment monoparentales et lutter contre la précarité. Ils et elles ont par exemple voté contre la déconjugalisation de l’allocation de soutien familial et saccagé notre commission d’enquête sur les dérives des crèches privées. Ils et elles ont également rejeté nos propositions visant à augmenter le SMIC ou encore indexer les salaires sur l’inflation, et n’ont pas inscrit à l’ordre du jour celle visant à revaloriser les métiers féminisés.

Les femmes racisées subissent une double peine

Le discours du Président encourageant à faire plus d’enfants est pourtant hypocrite et ne concerne en réalité pas toutes les femmes. On se rappelle en effet de sa réécriture raciste et imaginaire de la démographie africaine  : « quand vous avez sept ou huit enfants par femme, vous ne sortez jamais de la pauvreté » (2018). D’un côté, la natalité est un problème dans les pays dits en voie de développement, mais en France il faudrait l’encourager ? On peut noter aussi le durcissement des conditions d’obtention de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers dans le projet de loi Darmanin.

Emmanuel Macron, rappelant les révoltes urbaines suite à la mort du jeune Nahel, a aussi ciblé dans son discours les mères des quartiers populaires, qu’il faudrait « responsabiliser ». Il stigmatise ainsi de nouveau les familles défavorisées, alors qu’elles sont les grandes oubliées des politiques publiques et travaillent majoritairement dans les métiers de la petite enfance, un travail du lien féminisé très dégradé mais essentiel à l’accueil et au soin des enfants. 

La santé des femmes : un enjeu primordial

Une autre hypocrisie du gouvernement réside dans la casse organisée du service public de la santé. Réduction des moyens, démantèlement des services publics, développement de la concurrence : un choix politique qui aboutit à la fermeture croissante de maternités, services pédiatriques et gynécologiques, rendant de plus en plus difficile aux femmes et aux enfants la possibilité de se soigner. Comment le gouvernement peut-il prétendre lutter contre l’infertilité sans moyens supplémentaires pour la santé, notamment des femmes, impactées par des maladies sous-diagnostiquées et méconnues comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques ? La macronie n’a pourtant donné aucune suite aux propositions que nous avons portées pour reconnaître l’endométriose comme une maladie longue durée ou pour inscrire dans la loi les violences obstétricales et gynécologiques qui portent atteinte au droit à la santé des femmes. 

Enfin, Emmanuel Macron aurait pu choisir de lutter contre certaines causes de l’infertilité : la pollution de l’air, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les insecticides, etc. Mais à Bruxelles, il a préféré soutenir le renouvellement du glyphosate pour dix ans. 

Encore une fois, le gouvernement choisit donc de s’aligner avec les préoccupations de l’extrême droite et de cibler le corps des femmes, plutôt que de se saisir des vraies préoccupations des française·es, lutter contre la précarité et promouvoir la santé pour tous et toutes. Les raisons de faire des enfants sont nombreuses, elles sont à la fois intimes et politiques. Mais l’intime est politique. Nos corps nous appartiennent et personne, ni État ni Église ni patron, n’a à nous dire quoi faire de nos utérus !

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