Avec le RIC c’est le peuple qui décide ! - discours du rapporteur en hémicycle

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Le 21 février 2019, Bastien Lachaud a défendu la proposition de loi de la France insoumise visant à instaurer des référendums d’initiative citoyenne.

Il a resitué la proposition de loi dans son contexte, et l’urgence démocratique démontrée par les Gilets Jaunes. Puis il a montré que le RIC était une réponse démocratique et républicaine, et la seule façon de sortir par le haut. Le peuple est souverain, il n’a pas à demander l’autorisation.
Il a enfin montré que les arguments de refus du RIC émanaient d’une profonde peur du peuple, qui avait déjà été utilisée pour refuser aux pauvres et aux femmes le droit de vote.

Voir ici toutes les informations sur la proposition de loi.

Voir ici le dossier législatif avec le compte rendu des débats.

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de son discours :

 

Monsieur le Président, Madame la ministre, Mes chers collègues,

Depuis trois mois maintenant des hommes et des femmes se rassemblent sur des ronds-points ou sur des places publiques, pour revendiquer ce qui leur a été confisqué pendant trop longtemps : une voix et une dignité.

Ils ne sont pas là par plaisir ou par provocation. Ils sont là parce qu’ils n’ont pas d’autre choix, parce que c’est la seule façon pour eux de se faire entendre.

Que veulent-ils ? la fin des inégalités qui gangrènent notre société. La politique fiscale et sociale de ce Gouvernement les a aggravées. De sociale, leur revendication est rapidement devenue démocratique. Ils veulent la possibilité pour les citoyennes et citoyens de décider eux-mêmes des règles qui nous gouvernent. La majorité des français se reconnait dans cette exigence. Que l’on porte ou non un gilet jaune, le constat est partout le même :  nos institutions sont verrouillées, et notre société profondément inégalitaire.

 Comment accepter que même en travaillant, on puisse se retrouver à la rue ? Comment accepter que les jeunes comme les retraités n’aient aucune place dans notre société ? Comment accepter que rien ne soit fait contre le dérèglement climatique ? Et il faudrait que dans ces conditions, les citoyens se contentent de voter une fois tous les 5 ans, puis rentrent chez eux.

Quel élu, local ou national, ne constate pas que le lien avec les citoyens s’est érodé ; qu’avec bon nombre, il est même complètement rompu. Faute d’alternative politique et à cause de promesses non tenues, l’abstention lors des élections s’accompagne désormais d’un rejet profond de l’ensemble du personnel politique. Plus grave encore, ce rejet est manifesté principalement par les jeunes. La crise de la représentation est aiguë. Désormais, ce ne sont plus les représentants qui sont accusés de mal représenter, mais l’idée même de représentation qui est mise à mal. Les gens n’ont plus confiance.

Ils considèrent que tous les programmes politiques ne sont que de vaines promesses.

Entendez ce que vous disent les citoyennes et citoyens rassemblés. Leur volonté est claire, et nul besoin de fumeux grand débat pour l’apprécier. Ils veulent retrouver le goût du bonheur et le pouvoir de gouverner leurs propres vies. C’est un vaste mouvement de dignité humaine qui a lieu en ce moment dans ce pays. Vous avez tort de le traiter avec mépris et suffisance comme vous le faites.

Car le souverain, c’est le peuple.

Et le souverain n’a pas à demander d’autorisation à qui que ce soit ! Nul n’autorise le souverain, car c’est lui qui décide. Si le peuple le veut, alors il faut le faire.

Aussi il est parfaitement logique que le peuple veuille instaurer des mécanismes pour prendre l’initiative. Décider de la loi est par excellence l’exercice de la souveraineté.

Le RIC, c’est la fin de la résignation face aux combines électorales. Le RIC, c’est la souveraineté retrouvée. Le RIC, c’est le peuple qui prend en main son propre destin.

 Notre République est pourrie par des institutions qui ont progressivement dépouillé le peuple des moyens d’exercice de sa souveraineté. Le mouvement des Gilets jaunes aura réussi à imposer le débat, non seulement sur la condition sociale, mais aussi sur l’urgence de la question démocratique. Seuls les riches et leurs alliés peuvent se satisfaire d’un tel système qui prive le peuple de ses droits. Que le peuple participe directement à la vie politique par le biais du référendum d’initiative citoyenne, que celui-ci soit législatif, abrogatoire, révocatoire ou constituant est juste et légitime.

Vous avez grand tort de mépriser la voix du peuple. Une nouvelle fois dans notre histoire, c’est la peur du peuple qui vous guide. Celle qui a déjà, à de nombreuses occasions, cherché à exclure une partie du peuple des instances politiques. Déjà Maximilien Robespierre a dû lutter pour que les juifs et les comédiens aient le droit de vote. Ensuite ce sont les pauvres qu’on a cherché à exclure, avec le suffrage censitaire. On disait que les pauvres, n’étant pas propriétaires, n’étaient pas responsables, et ne défendraient pas le bien public.

Ensuite ce sont les femmes qu’on a voulu continuer d’exclure du vote. La République qui établit le suffrage universel masculin.

Mais il a fallu attendre 1945 pour que les femmes puissent enfin voter. Des arguments dignes de ceux des opposants actuels du RIC ont été avancés, sur les femmes influencées, inaptes à prendre des décisions.

Encore les mêmes préjugés, toujours les mêmes préjugés sur le peuple !

N’importe quoi pour justifier l’exclusion du peuple ou d’une de ses parties. On nous a affirmé en commission que le peuple aurait refusé plusieurs fois le droit de vote aux femmes. Quelle mauvaise foi ! Qui a refusé le droit de vote des femmes au début du XXe siècle ? Le Sénat ! Voilà les hordes réactionnaires dangereuses pour les droits nouveaux : les sénateurs, pas le peuple.

Toutes les catastrophes annoncées avec le RIC ne se vérifient nulle part dans les pays qui le pratiquent ! Nulle part !

C’est par référendum que les irlandaises ont enfin obtenu le droit à l’IVG.

Le RIC est pratiqué dans une quarantaine de pays sous des formes diverses. Lequel parmi eux a rétabli la peine de mort suite à un RIC ? Aucun ! Pensez-vous que les peuples italien, suisse, japonais, allemand, portugais, et tant d’autres encore soient injustes, impulsifs ou obscurantistes ? Le diriez-vous donc de notre peuple ? Vos faibles arguments ne sont que des prétextes nourris par la peur profonde du peuple et la volonté de l’écarter de la politique.

Le peuple est, selon vous, suffisamment responsable pour élire un président de la République, le monarque républicain qui a tous les pouvoirs ! Mais le peuple ne pourrait pas trancher des questions simples, parce qu’il serait trop impulsif. Incohérence totale. Vous voulez bien du peuple pour vous élire, et ensuite vous en débarrasser le plus vite possible.

C’est l’absence des citoyens des grandes décisions publiques qui justement fragilise notre République ! pas sa trop grande présence !

Vous qui vous faites les chantres opportunistes de la défense des droits fondamentaux, que disiez-vous lorsqu’en juillet dernier nous voulions les inscrire dans la Constitution pour les protéger d’une assemblée réactionnaire ? « pas maintenant, pas comme ça, pas ces droits ».

Qui a voté des lois sécuritaires, attentatoires aux libertés publiques ? Vous, ici même, il y a une semaine. Vous avez inventé qu’il était urgent d’attenter au droit constitutionnel de manifester ! Vous avez inscrit l’état d’urgence dans le droit ordinaire !

Vous jetez les enfants en centre de rétention !  vous avez démantelé le droit social ! vous avez décidé de saboter l’éducation nationale et le service public du rail…

Voilà les réactionnaires, ils sont ici dans cette assemblée, et refusent le contrôle du peuple.

C’est tout l’objet de cette proposition de loi que La France insoumise a déposée et voulu inscrire à l’ordre du jour. Nul opportunisme là-dedans : ce débat est opportun, parce qu’il est sur toutes les lèvres. Nous soutenons ces mesures de longue date.

Nous considérons, en effet, que nous ne pourrons résoudre les grands défis auxquels nous devons faire face, qu’ils soient démocratiques, sociaux, économiques ou environnementaux, sans passer par une nouvelle Constitution écrite par le peuple.

Le régime, déjà gravement déséquilibré en 1958, a considérablement dérivé au fil des réformes vers une monarchie présidentielle : le quinquennat crée de petits roitelets, l’inversion du calendrier des législatives réduit le Parlement à l’état de chambre d’enregistrement docile.

Vous essayez de nous renvoyer au référendum plébiscitaire et à notre propre critique de la Ve République. Renversement rhétorique vaseux. Le référendum n’est plébiscitaire que s’il émane de l’exécutif, et sert en fait à justifier le pouvoir présidentiel. C’est l’usage césariste de Bonaparte, de Napoléon III, du Général de Gaulle qui a fait du référendum un instrument de légitimation de leurs personnes.

Mais le RIC est tout le contraire. Le RIC permet l’intervention du collectif dans les institutions. Et le peuple tranche !

Certains essayent d’inventer des verrous à l’intervention populaire. Pourquoi mettre un quorum pour les référendums d’initiative citoyenne, et pas pour les autres référendums ? Je vous rappelle que le quinquennat a été adopté avec 70% d’abstention. Mais personne n’a parlé de quorum à ce moment-là !

Le renouvellement de la confiance dans la vie politique que la majorité pensait pouvoir décréter en début de législature s’est heurtée à une rude réalité.

Car rien n’a changé. Le pouvoir est toujours concentré entre les mains d’un seul homme.

La majorité parlementaire est aux ordres. Les propositions de l’opposition sont à peine discutées pour être systématiquement rejetées. Voyez cette journée ! des motions de rejet ou de renvoi déposées sur presque tous les textes ! belle preuve d’ouverture !

Alors vous allez chercher à enterrer notre proposition de loi sous prétexte de Grand Débat ? Vous présentez une motion de renvoi en commission : ridicule, vous n’avez pas présenté le moindre amendement en commission, ni témoigné de la moindre volonté de travailler quoi que ce soit. Pur autoritarisme !

Les français ne veulent pas se prononcer par  un référendum à la main du seul Président de la République, qui il décide seul des thèmes sur lesquels le peuple voterait.

Le RIC concurrencerait le Parlement ? Mais où est le Parlement dans ce « Grand débat » décidé par le Président ? Quel est sa place dans le référendum d’initiative présidentielle ? Aucune.

Tout comme le rôle du Parlement dans votre révision constitutionnelle avortée grâce à l’affaire Benalla était de se taire face à l’exécutif,

sans donner aucune place aux citoyens. Vous n’êtes que des hypocrites !

Les citoyens vous regardent, l’intérêt pour ce sujet est immense. Donc je le dis solennellement. Nous voici aujourd’hui à la croisée des chemins. Ou bien vous choisissez la cohérence démocratique et reconnaissez que le peuple est maître en toute chose, ou bien vous optez pour le bonapartisme et l’autoritarisme d’après lequel le peuple a besoin d’un guide et d’un maître. Vous avez la possibilité de poser un acte fondateur et de faire entrer la démocratie dans une ère nouvelle.

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