Le 18 décembre dernier, le groupe parlementaire de la France insoumise vous invitait à apporter votre contribution en amendant une première version de la proposition de loi constitutionnelle (PPLC) sur le Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Aujourd’hui, grâce à vos contributions et vos encouragements nous sommes arrivé·e·s ensemble à une seconde version du texte, enrichie, qui sera présentée par les député·e·s insoumis·es lors de la prochaine niche parlementaire du 21 février [1].
Nous remercions toutes celles et ceux qui ont contribué à amender la PPLC, les propositions ont permis d’enrichir le texte et seront des éléments utiles lors des débats parlementaires.
Nous vous invitons à en débattre sur les ronds-points, avec vos ami·e·s, en famille, dans vos groupes d’actions, partout où vous le souhaitez.
Dans le contexte actuel, le RIC est un outil de démocratie essentiel et qui a déjà prouvé son efficacité dans d’autres pays. Notre démarche collective et notre volonté de travail autour de ce texte ont une fin concrète et pratique : son application. Refuser de prendre rapidement et sérieusement en compte cette proposition de loi serait un déni de démocratie, alors même que le RIC est sur toutes les pancartes, dans tous les esprits.
Rappelons, face aux inquiétudes légitimes sur les effets secondaires ou tentatives d’instrumentalisation imaginables, l’essence de chacun des référendums composant le RIC : le pouvoir souverain ne découle que du peuple ; et qui de mieux placé que ce dernier pour être légitime à proposer et décider ? Être à l’initiative de lois dont il ressent le besoin, ne plus en vouloir lorsqu’elles sont jugées désuètes ou inadaptées, demander des comptes à un·e élu·e qui doit sa fonction à la seule volonté des citoyen·ne·s et lui demander de faire face à ses responsabilités en lui rappelant qu’il n’est pas inamovible, convoquer une assemblée constituante pour repenser un régime politique étouffant les nouvelles aspirations politiques. Ce sont nos droits, tant au niveau local que national, voire européen.
Ajouter dans notre Constitution centrée sur la monarchie présidentielle un outil démocratique tel que le RIC modifie les habitudes, de nombreuses propositions de mesures complémentaires ont été faites lors de l’étape d’amendements de la PPLC.
L’amélioration directe du texte
La version finale du texte a pu intégrer directement des propositions d’amendements :
- La Constitution actuelle pourra être modifiée grâce au RIC qui permettra de proposer ou d’abroger des lois constitutionnelles, sans nécessairement convoquer une assemblée constituante (et donc sans changer de Constitution) ;
- Les thématiques économiques seront comprises dans le champ d’application du RIC ;
- Le référendum se tiendra dans un délai maximum de 6 mois à compter du seuil requis d’obtention des signatures de soutien (au lieu de trois mois), ce qui donne plus de temps pour la campagne.
Les éléments en débat
Les contributions à la PPLC permettent de souligner de nombreux points qui doivent être soumis à débat. S’ils ne peuvent pas tous être intégrés à ce texte car ils ne relèvent pas de la matière constitutionnelle (mais de lois organiques ou ordinaires qui préciseront la procédure concrète du RIC) il est nécessaire que le débat existe.
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Le périmètre d’application du RIC
La question de limiter le champ du RIC selon les thèmes et droits visés est récurrente ainsi que la possibilité d’une clause de non-régression des droits. Ce point est à débattre mais la traduction dans la loi d’une telle proposition pourrait poser un problème de hiérarchie des normes, au-delà de toute appréciation sur son existence même. Les traités européens et internationaux ainsi que les textes budgétaires représentent deux matières sur lesquelles le RIC pourrait avoir une importance fondamentale au regard des demandes à ces sujets. La protection des droits conquis et acquis (droit à l’avortement, abolition de la peine de mort, mariage pour tous, libertés nouvelles…) est souvent souhaitée. Dans la version que les député·e·s insoumis ont déposée, il n’y a pas de restriction en termes de périmètre d’application.
Ce débat est légitime mais proposer des restrictions revient à limiter la souveraineté du peuple. Or, on ne peut pas limiter la souveraineté de ce dernier, ni promouvoir de nouveaux droits tout en limitant leur portée.
Par ailleurs, les droits cités sont à l’heure actuelle à la merci d’une majorité parlementaire qui pourrait revenir dessus, contre l’avis du peuple. Le groupe de la France insoumise a, lui, proposer de les protéger davantage en les inscrivant dans la Constitution, lors de la révision constitutionnelle de juillet 2018. C’est la majorité LREM qui a refusé d’élever ces droits au niveau constitutionnel, alors qu’ils auraient été mieux protégés. Par ailleurs certains droits sont protégés, en tout état de cause, par les traités internationaux, qui présentent un certain nombre de garde-fous.
En étudiant sur les usages du RIC, dans les pays le pratiquant déjà, rien ne nous permet de justifier la peur d’une remise en cause des droits et libertés fondamentales. Jamais la Suisse n’a été confrontée à un tournant autoritaire et par exemple l’Uruguay demeure mieux classé que la France dans le classement international du respect des droits civiques ! Il n’y a pas de lien identifiable entre l’usage du RIC et l’atteinte à de tels droits. Par ailleurs rappelons que la méfiance du peuple est un mythe entretenu par les castes dominantes pour mater les demandes de justice sociale citoyenne (selon la formule consacrée par ceux qui veulent priver le peuple d’expression : « classe laborieuses, classes dangereuses », alors que ceux qui portent un tel danger sont ceux qui refusent que le peuple soit démocratiquement souverain).
L’ouverture du champ du RIC est, elle aussi, souvent évoquée. Ainsi pour le référendum révocatoire pour lequel beaucoup d’entre vous nous ont proposé de l’étendre à d’autres fonctions comme celles de haut-fonctionnaires. Mais ceux-ci ne sont pas élu·e·s, et cette question sortirait du périmètre de la loi. Cela peut toutefois mener à réfléchir à une réforme de la fonction publique et de leur statut.
Pouvoir révoquer un·e élu·e émane de la souveraineté du peuple, qui délègue à des représentant·e·s mais sans abandonner sa souveraineté. Ici aussi il faut rappeler le but qui n’est pas de nourrir une quelconque rancœur contre les élu·e·s, mais de donner l’occasion au peuple d’exercer un contrôle démocratique, tout en donnant l’occasion à un·e élu·e de se défendre, de montrer son bilan à tel point de son mandat (d’où la proposition faite d’attendre un tiers du mandat). Le référendum révocatoire est un instrument démocratique et non une peine, contrairement à l’inéligibilité. Son application peut enclencher un cercle vertueux en amenant les élu·e·s à faire davantage de retours sur leur mandat, de réaliser leur travail de manière plus transparente et de réellement mettre en œuvre le programme sur lequel ils et elles ont été élu·e·s.
En évoquant le périmètre du RIC la question des garde-fous ressort à plusieurs occurrences, et on peut s’interroger sur le rôle et la place du Conseil Constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence, refuse de contrôler les lois référendaires en déclarant son incompétence mais il est le juge électoral compétent en matière de référendums , il pourrait contrôler les signatures par exemple lorsque le référendum est d’ampleur nationale. La place des institutions de manière générale sera un élément du débat, notamment celle de l’exécutif et du Parlement mais aussi des exécutifs locaux qui pourraient jouer un rôle organisationnel et consultatif. Cependant le RIC n’est pas le RIP, son initiative doit être entièrement citoyenne, non conditionnée au soutien de parlementaires, et pour ne pas le brader il doit y avoir des impératifs d’indépendance et de non-influence des autorités.
Par conséquent, les débats de la loi organique d’application pourraient préciser les modalités, et on peut imaginer différents systèmes pour organiser dans le temps les référendums qui parviendraient au seuil de recevabilité, avec des citoyen·ne·s, éventuellement des comités mixtes entre des citoyen·ne·s tiré·e·s au sort, des expert·e·s et des porteurs de la pétition par exemple.
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La tenue et l’organisation concrète des référendums
Beaucoup de contributions posent la question du nombre de RIC qui pourraient se tenir en une année, la nécessité d’en limiter le nombre total sur une période, ou de les tenir à une date unique. Toutes ces questions sont parfaitement légitimes, et la loi organique d’application est là pour en préciser les modalités.
De même, la crainte d’une lassitude au regard d’un trop grand nombre de votes est pointée notamment par celles et ceux proposant cette option et notre habitude politique l’explique, nous ne sommes –pour l’instant- pas acclimaté·e·s à une telle activité démocratique mais en promouvant des outils tels que le RIC une nouvelle culture politique se construira. Cela implique de nouvelles formes d’apprentissage, une familiarisation dès le plus jeune âge par l’école qui doit intégrer davantage un versant politique et citoyen. Une telle culture politique de l’implication populaire permettrait de ne plus envisager que le peuple pourrait être las d’avoir une multitude d’occasions de décider du bien commun. Plus de démocratie ne nuira jamais à la démocratie.
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Quelle procédure pour le RIC ?
Le seuil de déclenchement d’un RIC reste de 2% maximum dans la version finale de la PPLC pour proposer et abroger une loi (même constitutionnelle) afin de garder un seuil bas pour permettre à des personnes et mouvements non organisés à l’avance d’être forces de proposition et ne pas laisser cette opportunité aux seuls groupes d’intérêts, groupes organisés. En ce qui concerne le référendum révocatoire et la convocation d’une constituante, nous avons maintenu un seuil maximal de 5%. Afin de prévenir notamment des risques d’abstention et d’inertie, les propositions de mettre en place une majorité qualifiée ou une participation minimale pour valider le RIC sont des options également à débattre. Le quorum peut aussi avoir des effets non voulus car il serait alors dans les intérêts des opposants à un RIC de ne pas aller voter et ne pas communiquer à son sujet pour limiter l’intérêt sur la question et faire invalider les résultats.
Le choix des délais de pétition et de campagnes doit également être étudié en sachant qu’ils doivent être suffisants pour informer et communiquer mais sans être trop longs, sinon des projets pourraient être oubliés ou abandonnés. Ici, l’impératif est encore une fois de s’assurer de l’information contradictoire et éclairée de tou·te·s les citoyen·ne·s quant aux votes à venir, de promouvoir leur participation. Des débats pré-référendaires, comme beaucoup l’ont proposé, pourraient répondre à ces besoins et on peut très bien imaginer leur mise en œuvre par la Commission nationale du débat public (CNDP). Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui s’occupe actuellement de la répartition équitable du temps de parole des candidat·e·s aux élections nationales pourrait aussi être sollicité. Le numérique doit être exploité et de nombreuses propositions portent sur la création de plateformes internet pour soutenir un RIC et apporter sa signature, ces mêmes plateformes pouvant être mises à dispositions dans des lieux publics tels que les mairies. Pendant ces périodes de signatures et/ou de campagnes référendaires, la proposition d’interdire les enquêtes et sondages peut aussi participer à créer les conditions de débat indépendant, tout comme la préoccupation sur les financements des campagnes qui doivent être publics.
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Les modalités de vote
Les contributions sur les modalités du vote dans le cadre du RIC révèlent, une fois de plus, l’attachement à la souveraineté populaire et au pouvoir de décision. De nombreuses contributions abordent des thématiques qui sont, dans leur nature et implicitement (ou non) ne sont pas circonscrites au RIC.
Cet outil peut permettre un renouveau démocratique, mais il ne pourra pallier à lui seul les défauts de la Ve République. C’est pourquoi notre proposition principale reste la convocation d’une assemblée Constituante, qui rédigera une nouvelle constitution entièrement repensée avec un nouveau système d’équilibre des pouvoirs. Ainsi, la constituante permettra d’aborder des questions comme le vote à 16 ans et pour les personnes de nationalité étrangère aux élections locales, le vote obligatoire, la reconnaissance du vote blanc comme les suffrages exprimés.
Ces propositions pourront également faire l’objet de RIC. Ainsi, ce nouvel outil démocratique pourra être lui-même l’outil de conquête de nouveaux droits. La reconnaissance du vote blanc, par exemple, permet de sortir du schéma classique OUI/NON et va de pair avec les demandes d’un vote non-binaire pour le RIC avec la possibilité de proposer plus de deux propositions et de déterminer un ordre de préférence.
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L’Assemblée constituante rédactrice d’une nouvelle Constitution
L’adoption de cette proposition de loi pourra avoir pour première vertu de rendre possible la convocation d’une assemblée constituante. Les modalités d’organisation concrètes de la Constituante pourront être mises en débat après le vote de la PPLC du RIC qui consacre la possibilité de sa convocation et une durée de deux ans pour la période des travaux constitutionnels.
Seront alors débattus le nombre d’assemblées (une seule au niveau national ou plusieurs au niveau local), la qualité et le mode de désignation des personnes la composant (élection, tirage au sort, etc.), les éventuelles inéligibilités (interdire la désignation comme constituant à celles et ceux qui ont déjà été parlementaires ou membre du gouvernement ; les modalités de travail. Le livret sur la Constituante donne déjà des éléments d’une organisation possible d’une telle assemblée.
Le RIC sous-tend toutes ces questions, comme l’indiquent les nombreuses contributions. Il est un outil démocratique qui ouvre sur une multitude de possibles et qui permettra un élargissement considérable du débat politique au cours duquel pourront être discutées des questions aussi légitimes que le rétablissement de l’ISF, les nationalisations, le temps de travail, l’écologie, les modes de scrutin, la réglementation des lobbys, médias ou banques, la suppression/transformation du Sénat…
Comme tout outil, il faudra l’intégrer comme un élément normal et habituel d’une démocratie plus aboutie. Pour cela il faut développer une culture politique de la participation, généraliser les ateliers d’écriture des lois, promouvoir l’éducation populaire à l’école comme au travail dans le but de collectivement se saisir de notre pouvoir souverain.
[1] Une niche parlementaire est une séance réservée aux groupes d’opposition ou minoritaires lors de laquelle les député·e·s peuvent déposer des propositions de loi présentées à l’ordre du jour, ces dernières seront abordées en séance. Le groupe LFI a une journée de niche parlementaire par an.