L’inacceptable offensive turque à Afrin contre nos camarades des YPG (Unités de Protection du Peuple), nos alliés les plus constants et efficaces dans la lutte contre Daesh, a occulté dans les médias d’autres actualités essentielles concernant la paix au Proche Orient. Notamment concernant les suites de la reconnaissance le 6 décembre par Donald Trump de Jérusalem dans sa globalité comme capitale d’Israël.
Acculée et humiliée, l’Autorité Palestinienne espérait que la France la soutiendrait au-delà des déclarations de circonstance : en agissant pour remettre au centre du jeu les résolutions de l’ONU reconnaissant Jérusalem-Ouest comme capitale d’Israël et Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine (malgré son occupation actuelle). Emmanuel Macron n’avait-il pas déclaré au sujet de la décision de Trump : « C’est une décision unilatérale (que) je ne partage pas (…), je la désapprouve, car elle contrevient au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies » ?
Ces éléments de langage étaient néanmoins dès le départ ambigus. Aucune condamnation claire et formelle de ce coup de grâce au processus de paix engagé par les accords d’Oslo (signés en 1993 par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin). Depuis, les États-Unis ont confirmé le déménagement de leur ambassade à Jérusalem d’ici la fin 2019. Et cette ambigüité initiale de la France va en s’aggravant ! Emmanuel Macron a en effet dépêché la semaine dernière un émissaire à Ramallah pour demander à l’Autorité Palestinienne de ne pas écarter a priori le nouveau plan de paix étasunien associé à la provocation de Trump. Un plan qui bafoue les résolutions de l’ONU, et dont tout le monde reconnaît le caractère inacceptable pour l’Autorité palestinienne.
Au lieu de tenter une relance crédible du processus de paix sous l’égide de l’ONU, Emmanuel Macron joue le rôle de conseiller diplomatique de Donald Trump et du gouvernement israélien. A l’instar de l’Arabie Saoudite en plein rapprochement avec Israël (unis par une psychose anti-iranienne), qui a proposé aux palestiniens d’accepter une autre capitale que Jérusalem-Est. Cette médiation sans envergure d’Emmanuel Macron est évidemment morte-née. Humiliée au terme d’années de concessions sans retour autre que le mépris du gouvernement israélien, l’Autorité Palestinienne est acculée au point que Mahmoud Abbas a qualifié dimanche 21 janvier la proposition étasunienne de « gifle du siècle »… aggravée par les « amis » qui ont demandé à Mahmoud Abbas de brader son honneur en étudiant sérieusement la proposition étasunienne.
L’Union Européenne, l’autre arène choisie par Emmanuel Macron pour exister sur le dossier israélo-palestinien, est également une impasse trompeuse. Le 22 janvier, au moment même où le vice-Président étasunien prononçait devant la Knesset une déclaration d’amour évangéliste et messianique à Israël, Mahmoud Abbas a cherché le soutien de l’Union européenne lors de sa rencontre avec F. Mogherini et les ministres européens des Affaires étrangères. Il a demandé à l’UE, qualifiée de « véritable partenaire et amie », de reconnaître la Palestine comme État indépendant. La diplomatie européenne s’est contentée de réitérer son attachement théorique à une solution de paix à deux États avec Jérusalem comme capitale partagée. Mais aucune annonce concrète n’a été faite, car les 28 sont divisés. Une partie a déjà reconnu la Palestine, une partie s’y refuse encore - position de Macron - et les derniers prennent leurs ordres directement à Washington comme la République tchèque, la Pologne et la Hongrie, qui ont soutenu la reconnaissance par les USA de Jérusalem comme capitale d’Israël. En attendant les Européens papotent, à l’initiative de Paris et Madrid, sur un « accord d’association » entre l’UE et l’Autorité palestinienne, comme il en existe déjà un avec Israël. Mais, quand on sait que plusieurs États de l’UE considèrent qu’un tel accord ne pourrait être signé qu’une fois l’État palestinien reconnu, peut-il s’agit d’autre chose que d’une diversion ?
Pour aller au-delà des postures il faut trancher et adopter une ligne indépendante des parties refusant la paix, notamment sur le dossier israélo-palestinien. Une diplomatie de médiation s’appuyant sur le droit international et sur un statut particulier au sein de l’ONU ne requiertpas seulement de parler avec tout le monde. Elle implique à la fois d’arrêter de s’en remettre à l’ectoplasme diplomatique qu’est l’UE et de rejeter le darwinisme géopolitique conduisant à s’aligner systématiquement sur le plus fort. Or si sur ce point Macron a modifié le style, comprenant que les transformations actuelles du monde impliquaient au minimum une mise à jour du discours, le fond n’a pas changé. La France reste coûte que coûte dans le giron atlantiste et occidentaliste. Au terme de cette séquence E. Macron vient d’ailleurs d’être invité par D. Trump en visite officielle aux États-Unis. Si le président français donne suite à cette invitation il s’agirait de la première « visite d’État » de l’ère Trump. Belle reconnaissance de la part du président étasunien envers son conseiller diplomatique sur le dossier israélo-palestinien.
A l’international, comme sur le plan national, la théorie du « en même temps » conduit toujours à s’aligner sur les intérêts les plus puissants, même quand ceux qui les portent sabotent la paix. Faire avancer la cause de cette dernière au Proche-Orient implique de trancher. Pour sortir des postures hypocrites ; la diplomatie française devrait commencer par reconnaître l’État de Palestine et se donner pour objectif de contribuer à bâtir une coalition, sous l’égide de l’ONU, mettant Israël sous pression pour qu’il (re)prenne le droit international comme point de départ des négociations. Un processus lent et semé d’embuches, mais plus honorable que la mise à mort du processus d’Oslo, en chœur avec l’extrême-droite israélienne et ses alliés internationaux.