Nous avons examiné et voté contre la première partie du projet de loi de finances cette semaine dans l’Hémicycle.
L’examen du projet de loi de finances : un cadre contraint
A l’Assemblée, le projet de loi de finances se travaille en deux temps, correspondant à deux parties : la partie « recettes » d’abord ; puis la partie « dépenses », chacune étant obligatoirement votée l’une après l’autre, avec entre les deux, le vote du Projet de Loi des Finances de la Sécurité Sociale
Ceci dit, la partie « recettes », sur laquelle nous sommes amenés à nous prononcer, est bien évidemment déterminée par le gouvernement en fonction du projet de loi global, c’est-à-dire en fonction des dépenses, et ce avec le souci de répondre à la double exigence de l’Europe : maintenir un déficit à 3% et diminuer la dette publique.
Dans ce cadre là, la marge de manœuvre des parlementaires est réduite : il est impossible de redéfinir la logique et l’équilibre générale du budget, le fameux article 40 de notre constitution interdisant d’augmenter les charges publiques ou de diminuer les recettes de l’État, (sauf en les gageant, c’est-à-dire en les compensant par diverses types de taxe)
Par ailleurs, les débats budgétaires sont encadrés par l’obligation de respecter des délais d’adoption afin que l’État ne se retrouve pas en situation de « shutdown » comme on a pu le voir aux États-Unis.
La logique « macronienne » : prendre aux plus modestes et redonner aux plus nantis
Malgré ce cadre contraint, les parlementaires peuvent néanmoins débattre de la provenance des recettes – dont 90% proviennent de la fiscalité – en même temps que de la baisse de la dépense publique, deux thèmes majeurs et hautement politique. Les débats ont donc été intenses : ils se sont étalés sur sept jours avec une séance supplémentaire samedi toute la journée et la nuit, jusqu’à deux heures du matin.
In fine, on peut affirmer que ce budget 2018 s’articule autour de 2 grandes injustices : préserver les entreprises et les riches avec une fiscalité en leur faveur ; réduire les dépenses sociales en prenant aux plus modestes et en forçant à la baisse les services publics.
Commençons par les réductions : moins 16 milliards d’euros de dépenses publiques, qui aura des conséquences pour les fonctionnaires avec le gel du point d’indice ; pour les personnes éligibles aux APL ; pour les personnes embauchées sous contrats aidés et pour les collectivités territoriales pour lesquelles j’ai d’ailleurs défendu un amendement de notre groupe visant à supprimer les baisses de dotation de l’État.
Quant à la politique fiscale, même la droite la plus décomplexée n’aurait pas osé la tenter : suppression de l’ISF remplacé par un impôt sur la fortune immobilière et l’instauration d’une « flat tax » de 30% sur les revenus du capital qui permettront tous les deux aux 1% les plus riches d’économiser 4,5 milliards d’euros[1].
Dans le même temps, le gouvernement augmente l’un des impôts le plus injuste, la CSG, et ce sans contrepartie pour les retraités touchant une pension supérieure à 1200 euros (beaucoup sont exonérés de taxe d’habitation) et faiblement compensée pour les fonctionnaires.
Une autre logique est possible : prendre aux riches pour abonder le bien commun.
Bien sûr, nous nous sommes opposés à la suppression de l’ISF et à la suppression de la taxe sur les dividendes (alors que nous sommes le pays d’Europe où la distribution de dividendes est la plus élevée) car, par expérience, nous ne croyons ni à la théorie du ruissellement ni à celle du « premier de cordée », théories dont se sert maladroitement le gouvernement pour justifier ces choix iniques.
Et bien sûr, nous avons voté contre la suppression de la taxe d’habitation – non seulement car les plus pauvres en sont déjà exonérés – mais parce qu’elle va cruellement grever les ressources des collectivités qui apportent des services publics à tous.
Mais surtout, à la vision austéritaire de cette 1er partie du budget, nous avons porté une vision alternative, déposant des amendements visant à : 1/ faire passer l’impôt sur le revenu de 5 à 14 tranches ; 2/ créer une TVA grand luxe avec un taux de 33% ; 3/ prolonger le crédit d’impôt sur la transition énergétique ; 4/ maintenir le taux de l’impôt sur les sociétés.
Une autre fiscalité est donc possible : fondée sur la solidarité, elle prend simplement aux plus nantis pour être redistribuée aux plus modestes d’une part et pour financer les services publics de droit commun, d’autre part.
[1] Pour avoir ces chiffres, nous avons dû signer un appel publié dans Libération afin que le gouvernement rendre public l’impact de ses mesures fiscales pour les plus riches, en partant du principe qu’on ne peut pas légiférer sans avoir au préalable étudié quelles pouvaient en être les conséquences : http://www.liberation.fr/france/2017/10/17/l-appel-reforme-de-l-isf-que-l-elysee-rende-public-l-impact-sur-les-plus-riches_1603875