Cette fin de mandat est celle de toutes les permissions pour le ministre de l’Education Nationale. Amateurisme flagrant sur la question du protocole sanitaire de rentrée dans les établissements scolaires, propagation de fausses informations marquée d’un discours anti-pauvres, déni des craintes et mépris des revendications des enseignant·es et personnels scolaires… Jean-Michel Blanquer, qui va bientôt dépasser le record de longévité rue de Grenelle, et qui ose se présenter comme « républicain social » promoteur de l’égalité des chances, paraît bien usé en cette dernière rentrée scolaire du quinquennat.
Il y a eu, tout d’abord, l’annonce du protocole sanitaire dans les écoles. Un protocole annoncé non dans le cadre d’un discours officiel public, ou par voie postale ou électronique à celles et ceux qui sont censés le faire appliquer, mais via un article (payant !) du Journal du dimanche du 22 août. Une bonne manière, aussi, pour le ministre de faire la promotion de son nouvel ouvrage, tout en ne se souciant aucunement d’un calendrier ultra-serré pour accueillir, dix jours après, les millions d’élèves. Jean-Michel Blanquer, droit dans ses bottes, confirme le 1er septembre dans la matinale de France Inter : « La rentrée est préparée », « l’atmosphère générale est à la satisfaction d’aller à l’école ». Ce discours très rassurant occulte bien sûr les revendications des personnels et enseignants, sur la protection sanitaire dans les écoles, les recrutements massifs, la question des salaires… Sur la question des salaires, le journal Libération a récemment publié à sa Une un montage révoltant, dont l’article prétend que Jean-Luc Mélenchon ne s’intéresserait pas aux salaires des enseignants, le plaçant sur le même plan que M. Blanquer, en opposition à Mme Hidalgo. Cette information est totalement fausse. Depuis 2017, le programme l’Avenir en commun propose d’augmenter le salaire des enseignants en rattrapant notamment les conséquences du gel du point d’indice. Le parti pris médiatique n’a décidément honte de rien.
En ce qui concerne le protocole sanitaire, le ministre de l’Education s’en tient donc globalement à son mantra, « Ouvrez les fenêtres ! »… même en hiver. Sur les tests, Blanquer joue sur la différence entre tests proposés et tests réalisés. En effet, bien que 600 000 tests salivaires soient proposés chaque semaine aux élèves, seulement 350 000 sont effectivement utilisés. Et, 600 000 tests, c’est seulement 9% d’élèves testés par semaine au primaire, alors que le conseil scientifique recommande un test deux fois par semaine pour tous les élèves. Ne parlons même pas du fiasco des auto-tests en milieu scolaire : plusieurs millions dormiraient dans les placards des établissements, comme l’a révélé RTL. Aucune annonce, également, sur la généralisation des purificateurs d’air et capteurs de CO2, une proposition portée par La France insoumise depuis la fin du premier confinement. M. Blanquer semble se réveiller, se déclarant favorable à la généralisation des capteurs de CO2, mais le ministre émet encore des réserves sur l’efficacité des purificateurs d’air. Rien de plus, sur un éventuel financement par l’Etat de ces outils technologiques, déjà plébiscités par la Grande-Bretagne (achat de 300 000 capteurs de CO2), l’Allemagne (commande de 200 millions € pour l’achat de purificateurs en école et en crèche), l’Irlande, le Québec, la ville de New York… Dans une tribune du Monde du 18 août, une trentaine de médecins, enseignants et chercheurs, appellent à ne pas faire de l’école le talon d’Achille de la stratégie sanitaire, et pointe « la défaillance » du protocole sanitaire concernant les purificateurs d’air. Fort heureusement, certaines collectivités françaises ont pris les devants, et passé commande de purificateurs et capteurs, mais l’Etat ne semble pas bouger le petit doigt.
Bien évidemment, cette seule solution technologique n’est pas la solution miracle. C’est pourquoi nous appelons depuis des mois à des recrutements massifs de personnel et d’enseignant·es, au dédoublement des classes et à la réquisition de locaux lorsque cela est possible, à plus long terme à la rénovation et la construction de nouveaux établissements scolaires… Sur la seule question des recrutements, lorsqu’on l’interroge sur le manque d’enseignants, M. Blanquer répond : « Nous nous organisons pour que ce ne soit pas le cas (…) nous faisons le maximum ». Des paroles, alors que plus de 1800 postes ont été récemment supprimés dans le second degré pour 43 400 élèves supplémentaires au collège et au lycée.
Enfin, il faut revenir un instant sur le nouveau scandale provoqué récemment par le ministre de l’Education Nationale. Lui, qui se réclame comme « républicain social » promoteur de l’égalité des chances, a en toute impunité propagé une fausse information concernant l’usage de l’Allocation de Rentrée Scolaire (ARS). Cette aide, versée à chaque rentrée à près de trois millions de familles modestes, permet de financer l’achat de fournitures scolaires, de vêtements, services de cantine… A chaque rentrée ou presque, le discours anti-pauvres de la droite revient, et certains proposent de transformer l’ARS en bons d’achat pour les fournitures scolaires. Jean-Michel Blanquer, en bon néolibéral s’est positionné en faveur de cette idée, mais ne s’est pas gêné pour déclarer : « On sait bien, si l’on regarde les choses en face, qu’il y a parfois des achats d’écrans plats plus importants au mois de septembre qu’à d’autres moments ». Une affirmation lancée sans fondement en 2008 par un député UMP, plusieurs fois démentie depuis, notamment par une étude de la CAF de 2013, qui précisait : « la quasi-totalité (99 %) des bénéficiaires ont acheté des fournitures scolaires et 95 % des vêtements ». Ces derniers jours, Libération s’est intéressé aux ventes d’écrans TV sur les cinq dernières années (par mois d’achat en moyenne entre 2015 et 2020), et il s’avère que… août et septembre font partie des mois avec peu de ventes ! Peu importe, M. Macron n’a pas hésité, une fois de plus, à défendre son ministre.
Voilà donc à qui nous avons à faire. Une équipe de technocrates, un temps libéraux autoritaires, un temps amateurs, un temps propagateurs de fausses informations qui jettent l’opprobre sur les plus défavorisés. Ne comptons pas sur eux pour défendre l’école et les « valeurs de la République ». Celles et ceux qui le font au quotidien, avec sincérité et souci de justice, ce sont les enseignant·es et personnels scolaires.