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Edito | Loi climat et résilience, ou la leçon de morale de la macronie aux Français·es

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« Barbara Pompili a bien du mal à défendre son projet de loi ‘’Climat et résilience’’, sans user d’une bonne dose d’hypocrisie, voire de cynisme. Voilà qu’elle souhaite offrir des « outils pour que chaque Français puisse être un acteur, puisse faire de l’écologie comme il irait acheter sa baguette de pain ». Pourquoi pas. Mais l’urgence est telle que prôner l’action individuelle, les petits gestes, sans oser contraindre les grandes entreprises à transformer leur modèle productif et consacrer l’Etat planificateur de la bifurcation écologique, s’apparente finalement à un coup d’épée dans l’eau. Que de temps perdu à écouter président, ministres et député·es de la majorité nous dire que ce nouveau texte participe d’une sorte de révolution culturelle, alors que les quelques infimes mesures témoignent, soit d’une méconnaissance profonde de la catastrophe écologique en cours, soit d’une volonté profonde d’enfumage et d’immobilisme. Ce qui était censée être la dernière œuvre du mandat d’Emmanuel Macron en matière d’environnement conduit à plusieurs analyses. 

Tout d’abord, un manque total d’ambition. Lors de la création de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le Président de la République avait mandaté 150 citoyen·nes tiré·es au sort à proposer un panel de mesures permettant de diminuer nos émissions de CO2 de 40%, « dans un esprit de justice sociale ». Puis à reprendre « sans filtre » ces propositions, avant leur débat au Parlement. Finalement, Emmanuel Macron ne s’est pas limité à éjecter d’emblée au moins trois idées de la CCC. Ainsi, la limitation de la vitesse à 110km/h sur autoroute, la consécration constitutionnelle de l’environnement au-dessus des autres valeurs fondamentales de la République, et la taxe de 4% sur les dividendes, n’ont pas été soumises au débat parlementaire. Le gouvernement et la majorité, quant à eux, ont fait preuve de beaucoup d’énergie pour, soit écarter, soit détricoter les mesures des 150. Tant et si bien que le projet de loi débattu au Parlement ne reprend que 15 des 149 mesures de la Convention Citoyenne ! Suppression de lignes aériennes intérieures, interdiction de vente, dès 2025, des véhicules les plus polluants, réglementation drastique de la publicité, lutte contre l’artificialisation des sols, plan conséquent pour l’isolation thermique… Voici quelques exemples de propositions édulcorées voire écartées. 

En outre, et au-delà d’un certain mépris envers le travail des 150 citoyen·nes tiré·es au sort, le gouvernement et la majorité ont fait montre d’un acharnement dynamique pour empêcher le débat parlementaire. Bien assise dans son TGV législatif, la macronie a pris l’habitude de débattre et voter les textes de loi fissa. Le projet de loi ‘’Climat et Résilience’’ a réussi à trouver une place dans le calendrier parlementaire, mais nulle envie d’y passer des heures ! Le gouvernement a donc opté pour une règle assez méconnue, le temps législatif programmé. Ainsi, la durée totale des débats sur ce texte considéré comme « un texte fondateur de la République », selon les mots de la ministre, n’ont pu dépasser 45 heures. C’est-à-dire 30 minutes de discussion par article, à peine plus de 20 secondes par amendement. A titre d’exemple, notre groupe parlementaire n’a disposé que de 3h45 de temps de parole. Rien pour les député·es non-inscrit·es. De même, le gouvernement a choisi la procédure accélérée pour ce texte. Cela permet notamment de réduire le nombre d’étapes de la navette parlementaire, et d’éviter les débats au Parlement. Une méthode qui plait au pouvoir actuel, puisque depuis le début du quinquennat, 99% des projets de loi (émanant du gouvernement, à distinguer des propositions de loi de l’Assemblée) ont été débattu de cette manière. Enfin, ce mépris envers la représentation nationale, et surtout l’opposition parlementaire, s’illustre par l’acharnement à déclarer irrecevables nos amendements. Pour le groupe France insoumise, 30% des amendements (portant notamment réglementation drastique de la publicité, investissements dans la rénovation thermique, lutte contre la malbouffe…) ont été déclarés irrecevables, car considérés hors-sujet (sic). Ils n’ont donc pas pu être débattus et, pour ceux qui ont survécu, ont été balayés en un temps record. 

Par conséquent, ce projet de loi participe d’une défaite du Président de la République, du gouvernement, et de la majorité, face à l’urgence actuelle d’une part, contre les puissances de l’argent d’autre part. En effet, il a été montré récemment que 100% des grands groupes du CAC40 ont exercé de multiples pressions sur les parlementaires pour édulcorer le texte. Dès lors, la bifurcation écologique que nous appelons de nos vœux n’est certainement pas au rendez-vous. Pire, le pouvoir actuel s’enfonce dans une philosophie de l’incitation, de l’information aux consommateurs et de l’action individuelle, de manière à ne pas assumer son rôle de planificateur, et ne pas contraindre les firmes multinationales à se transformer. Mais qu’attendre de ce gouvernement, si ce n’est une bonne leçon de morale à donner aux Français·es ? Ne pas remettre en cause de manière profonde le système dans lequel nous vivons participe d’une complicité mortifère avec les puissances capitalistes. Repeindre en vert les logos des grands groupes, supprimer les touillettes à la cafétéria, ou flanquer des carbon-score sur les emballages de nos produits alimentaires n’y suffisent pas, l’ensemble s’inscrit à contrecourant de ce qu’exigent la société et les cortèges des marches pour le climat. Il est grand temps d’assumer une rupture totale et engagée avec le modèle capitaliste, en train de virer au vert pâle pour préserver ses gigantesques profits. De planifier la bifurcation écologique et la refonte démocratique de nos besoins. Le capitalisme ne répond pas à nos besoins, il crée nos besoins. Et c’est en ce sens que nous défendrons avec vigueur, dans les prochains mois, un modèle de société fondé sur l’intérêt général, et l’harmonie entre l’humain et la planète. On rassure Barbara Pompili : elle pourra toujours « faire de l’écologie comme on irait chercher sa baguette de pain ».

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