Un article du groupe thématique jeunesse de la France insoumise
Le mardi 12 janvier, une étudiante a tenté de se suicider dans sa résidence universitaire de Lyon, faisant écho au geste désespéré d’un étudiant en droit quelques jours plus tôt. Ces drames, dont nous ne connaissons pas les circonstances exactes, jettent la lumière sur la terrible situation que vivent étudiants et étudiantes depuis le début de la crise du Covid-19, et s’ajoutent à la liste trop longue de jeunes tentant de mettre fin à leurs jours. Le silence de la ministre de l’Enseignement supérieur face à la détresse étudiante est particulièrement choquant : où est Frédérique Vidal pour accompagner les étudiant·es face à cette épreuve ?
Pas un mot n’a été prononcé à propos de la situation étudiante au cours de la conférence de presse de Jean Castex le 7 décembre. Frédérique Vidal est sortie récemment du silence pour justifier que la réouverture est trop compliquée à cause « des bonbons qui traînent sur les tables », sans apporter de solutions concrètes. Son habituel mépris a une fois de plus heurté les étudiant·es.
Hausse de la précarité, détresse psychologique et catastrophe pédagogique
Pourtant, les jeunes se retrouvent face à une précarité inédite et une détresse psychologique inouïe. Les nombreuses pertes d’emplois étudiants en sont notamment la cause. Alors qu’avant la crise sanitaire 1 étudiant·e sur 5 vivait déjà sous le seuil de pauvreté. L’université et les jeunes restent dans l’angle mort des politiques gouvernementales face à la crise du Covid-19. Les étudiants et étudiantes ont été les seuls à connaître un confinement total aux mois de novembre et décembre, alors qu’une grande partie de la vie économique se maintenait.
En refusant d’accorder des moyens supplémentaires aux universités, les gouvernements successifs ont rendu difficile la réouverture des établissements. Cependant, même face à ces difficultés matérielles, il n’est pas acceptable que les politiques gouvernementales ne prennent pas en compte les étudiant·es : totalement isolé·es, privé·es de vie sociale, on estime qu’un·e sur six serait actuellement en échec scolaire. Dans certaines universités, le taux de connexion aux cours en ligne est passé de 70% à 30%, les étudiant·es étant démotivé·es par cette méthode peu interactive, qui ne peut remplacer la présence réelle d’un·e professeur·e. Par ailleurs, animer un cours par vidéo et en classe sont deux métiers différents, et les professeur·es n’étaient pas préparé·es à ce changement.
Avec de l’anticipation, les établissements auraient pu organiser un retour de certains enseignements en petit groupes, avec des moments de vie universitaire afin de rompre l’isolement, et ainsi accompagner les étudiant·es dans leurs travaux. En effet, les exigences des cursus restent fortes, l’accès aux bibliothèques est restreint, et de nombreux·ses étudiant·es ne disposent pas d’un matériel informatique adéquat pour travailler.
Les mesures proposées par la ministre de l’Enseignement supérieur, comme l’instauration de tutrices et de tuteurs étudiants, ne peuvent répondre à la situation. Ces postes de tutorats proposés aux étudiant·es ne sont en effet que des contrats précaires de quelques heures, que certain·es accepteront par manque de revenus. Les étudiant·es méritent d’être accompagnés par des personnels titularisés et correctement payés, et non pas des tuteurs précaires.
Une situation critique depuis des années
Cependant, la réouverture progressive des universités à certaines activités ne résoudra pas totalement les difficultés des étudiant·es, car leur mal-être existait déjà avant la crise. Cette crise que subit la communauté universitaire appelle à une véritable refonte de l’enseignement supérieur et une prise en compte des difficultés rencontrées par les étudiants et étudiantes. Les syndicats étudiants alertent depuis de nombreuses années sur leur précarité. La population étudiante est vulnérable face aux problèmes de santé mentale, et la précarisation de l’enseignement supérieur, ainsi que l’instauration de la sélection, notamment en master, ont fortement augmenté la pression subie par les étudiants et étudiantes. Il faut garantir un revenu suffisant aux étudiant·es. Par ailleurs, l’égal accès à l’instruction, théoriquement garanti par la constitution, doit être rendu effectif : les étudiant·es ne devraient pas être mis sous pression quant à leur poursuite d’étude, celle-ci devrait être garantie.
Le manque de moyen se fait aussi sentir quant à l’accompagnement psychologique des étudiant·es, pourtant essentiel dans ce contexte de crise. Alors que 7 étudiant·es sur 10 disent craindre pour leur santé mentale, Eric Carpano, président de l’université Lyon III où était scolarisé l’étudiant en droit qui a tenté de se suicider lundi soir, déplore le manque de psychologues : seulement 1 praticien pour 30 000 étudiant·es. Comment espérer alors détecter les problèmes et aider les étudiant·es en détresse ?
Aussi, afin de permettre aux étudiant·es de poursuivre leurs études dans le contexte sanitaire actuel, et afin que la situation actuelle ne puisse plus se reproduire à l’avenir, nous demandons la réouverture partielle des universités, avec ouverture des cours en petits groupes et respect du protocole sanitaire, la possibilité de travailler en bibliothèque universitaire et la création d’un plan d’ouverture de nouvelles places universitaires à l’issue de la crise. Des recrutements sont indispensables au sein des services universitaires en charge de la santé. Enfin, un revenu étudiant doit être instauré afin de ne laisser aucun·e étudiant·e en situation de précarité.