« La réforme que nous proposons, elle ne fera aucun perdant chez les allocataires » a déclaré Julien Denormandie, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires à l’Assemblée nationale. Après avoir affirmé que faciliter les licenciement c’est lutter contre le chômage, après avoir renommé les perquisitions administratives en « visites », le gouvernement a un nouveau sophisme : « baisser les APL, c’est pour le bénéfice des locataires » !
En réalité, les bénéficiaires des APL sont parmi les plus pauvres du pays. Un allocataire sur deux vit même en dessous du seuil de pauvreté et les trois-quarts appartiennent au tiers le plus pauvre de la population. C’est à l’ensemble de ces personnes que le gouvernement retire 5 euros dès le mois d’octobre. Son argument principal pour justifier ce rabot indéfendable ? Les allocations logements alimenteraient la hausse des loyers. Mais cet effet présumé date des années 1990, lorsque le droit aux APL fut élargi aux étudiants, et que son montant évoluait de façon proportionnelle avec les loyers. Depuis les années 2000, tous les gouvernements ont fait des économies sur le dos des locataires. En effet, le barème qui sert pour calculer le montant de l’allocation a moins augmenté que les loyers. Si bien qu’aujourd’hui, dans les grandes villes, la plupart des loyers ont dépassé le seuil à partir duquel le montant de l’allocation est gelé. Autrement dit, quand les loyers explosaient, les gouvernements ont freiné la hausse des APL, faisant perdre de l’argent aux locataires. Cela évacue pour cette période une grande partie de l’effet inflationniste.
Par ailleurs, il est clair qu’une baisse des allocations logement n’a évidemment aucun effet sur la baisse des loyers. Un pays l’a expérimenté dans la période récente : le Royaume-Uni. En 2010, le gouvernement conservateur de David Cameron a diminué les aides au logement. Le seul résultat observable est une dégradation considérable des conditions de logement de la population. Ainsi, depuis 2010, le Royaume-Uni compte 40.000 enfants sans-abris de plus. Faire baisser les loyers est bel et bien indispensable : les locataires du secteur privé dépensent en moyenne un tiers de leur revenu pour payer leur charge de logement. Deux politiques y contribueraient. Premièrement mettre en place un encadrement des loyers privés. Le dispositif actuel est très insuffisant. Il ne s’applique qu’à Paris et à Lille. Il encadre les loyers à des niveaux déjà trop élevés, sans les faire baisser. La puissance publique n’exerce aucun contrôle sur le respect de cette loi par les propriétaires. Il faudrait donc un encadrement plus ambitieux, plus étendu et qui réduise les loyers des grandes villes. Une solution évidemment écartée d’emblée par Macron.
La construction massive de logements sociaux permettrait aussi d’alléger le coût du logement. De ce côté, les économies prévues par le gouvernement sont catastrophiques. Il prévoit de couper de 50 à 60 euros le montant mensuel des APL pour les organismes HLM. Cette baisse sera supportée entièrement par les offices HLM. Ici, évidemment, l’argument de « l’effet inflationniste » n’a pas raison d’être puisque les loyers des HLM sont entièrement administrés par l’Etat. Il s’agit juste de reporter sur le logement social une énorme coupe budgétaire de 1,5 milliard d’euros. Cette somme équivaut à la moitié de ce que les offices HLM dépensent chaque année pour l’entretien courant de leur parc de logement. Les locataires HLM en paieront le prix, avec le délabrement de leurs conditions de vie. Cette baisse brutale des recettes mettra même plusieurs office municipaux en faillite à court terme. Une situation qui fera forcément baisser la construction annuelle de logements sociaux, alors que 1,8 million de ménages sont sur liste d’attente.