M. Bastien Lachaud appelle l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les dangers d’une possible privatisation de l’espace. En effet, le 13 juillet 2017, le Luxembourg a adopté une loi prévoyant l’exploitation des ressources spatiales par des compagnies privées. Cette première européenne s’inscrit dans la continuité du Space act américain de 2015 permettant à des entreprises privées de prospecter les matières premières, voire de les collecter et de les vendre. Ces deux textes remettent en cause le traité de l’espace de 1967. Adopté en pleine guerre froide, il régit encore aujourd’hui les droits des pays dans l’espace. Son article 2 prévoit que « l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen ». L’espace est donc considéré comme une res nullium : il ne peut appartenir à personne. Certes, ce traité ne concerne que l’appropriation étatique d’un territoire et non l’exploitation des ressources pour une société privée. Mais comment un État peut-il accorder des droits d’exploitation sur un territoire qui n’est pas le sien ? Cette initiative du Luxembourg menace directement les règles actuelles. Le silence de l’Union européenne sur un tel sujet est aussi très inquiétant pour l’avenir. Aujourd’hui, les seuls produits spatiaux vendus ont été les échantillons de sol lunaire rapportés par la Russie alors que ce pays était, en 1993, en proie à une extrême corruption et l’autorité étatique quasi inexistante. Tous les autres objets sont une propriété collective de l’humanité et les scientifiques du monde entier peuvent travailler en commun sur leur étude. Cette donne pourrait bien changer. Déjà, des sociétés prévoient de rapporter des roches lunaires afin de les vendre aux collectionneurs. Dans quelques années, ils souhaitent piller les astéroïdes remplis de métaux, terres rares et autres produits utiles pour l’industrie. Peut-être sera-t-il aussi question d’aller exploiter Titan, le satellite de Saturne. La menace est grande de voir l’accaparement par quelques-uns d’un bien commun et l’extension de la prédation productiviste et capitaliste à l’univers entier comme fuite en avant au lieu de la transition écologique sur Terre. L’exploration spatiale ne devrait au contraire avoir pour objectif que la connaissance et son partage. Le traité de l’espace de 1967 gagnerait à être enrichi pour tenir compte de ces nouveaux enjeux. Il s’interroge sur le silence de la France et souhaiterait connaître la position officielle du Gouvernement en termes de neutralité de l’espace spatial. Il voudrait savoir ce qu’il a l’intention de faire pour garantir que l’espace demeure un bien commun de l’humanité.
Retrouvez ici la question sur le site de l’assemblée publiée le 12/09/2017.
Voir ici la réponse du gouvernement (MAJ le 20/02/18)
Le Gouvernement suit avec attention les décisions prises par les Etats-Unis d’Amérique et le Luxembourg en matière d’exploitation des ressources extra-atmosphériques. Ces deux Etats ont en effet adopté des lois nationales (respectivement en 2015 et 2017) permettant l’exploration et l’exploitation des ressources spatiales, y compris par des sociétés privées. La question de la conformité de ces lois nationales avec le traité du 27 janvier 1967 et les autres textes internationaux est débattue par le comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique des Nations unies (CUPEEA), notamment au sein de son sous-comité juridique. Cette question de conformité au traité de 1967 est d’autant plus pertinente que ce traité a été ratifié par les Etats-Unis et le Luxembourg (comme par la France). Ces initiatives mettent en jeu des questions juridiques complexes, liées à la question de l’appropriation des corps célestes et celle de leurs ressources naturelles. En effet les trois premiers articles du traité parlent de non appropriation de l’espace et des corps célestes, mais ne disent rien de leur exploitation. Il n’existe pas, à ce jour, de consensus au niveau international sur cette question, certains Etats considérant que le principe de non appropriation des corps célestes n’est pas applicable aux minerais et autres ressources qui pourraient en être extraits. A l’occasion des débats précédant l’adoption de l’accord du 5 décembre 1979 régissant les activités des Etats sur la Lune et les autres corps célestes, la France, qui ne dispose pas de réglementation spécifique encadrant l’exploitation des ressources extra-atmosphériques, avait soutenu l’idée qu’un régime international des ressources naturelles de la Lune et des autres corps célestes soit établi par une conférence diplomatique. L’objectif serait, d’une part, de protéger au mieux des ressources uniques et rares pour l’humanité et la science et, d’autre part, d’assurer un cadre juridique international d’exploitation et de répartition de ces ressources. L’opportunité d’engager des négociations permettant d’assurer un tel cadre juridique international est actuellement débattue au sein du CUPEEA. Néanmoins, des exemples récents (limitation volontaire de la production de débris dans l’espace notamment) ont montré la difficulté à faire adopter des textes internationaux, même juridiquement non contraignants. Quant à une éventuelle révision des traités existants et notamment celui de 1967, il semble préférable d’y renoncer compte tenu des risques politiques que cela engendrerait avec la multiplicité des demandes potentielles émanant d’acteurs émergents du spatial. Pour ce qui est de la protection des intérêts de l’industrie française au cas où cette nouvelle activité deviendrait réalité dans un avenir proche (ce qui semble techniquement peu probable), il n’est pas envisagé à ce jour de se doter d’un dispositif législatif comparable au plan national.