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5 ans après l’Accord de Paris : il n’y a rien à fêter, il faut planifier !

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Un article du groupe thématique Planification écologique

Le dérèglement climatique ne peut plus être ignoré aujourd’hui. Il s’accélère et devient plus sérieux et plus puissant que ne l’avaient prévu les expert·es du GIEC. L’année 2020 est dans le top 3 des années les plus chaudes. En 2020, la température globale a déjà augmenté de +1,2°C par rapport aux moyennes de la fin du XIXe siècle. Nous en subissons les effets concrets. Les méga-feux se multiplient. En Arctique, le permafrost fond 70 ans plus tôt que prévu et menace de libérer des milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES) mais aussi d’anciens virus. Le cycle de l’eau est, lui, totalement perturbé, oscillant entre intenses sécheresses et inondations massives.

Une partie du réchauffement climatique est d’ores et déjà irréversible. Son ampleur dépendra de notre capacité à agir dès maintenant.Chaque degré compte ! Le GIEC nous recommande de limiter l’augmentation de température du globe à 2°C, et même à 1,5°C par rapport au niveau pré-industriel, sans quoi les dommages deviendraient catastrophiques et la situation planétaire de plus en plus difficile à gérer. Le 12 décembre 2015, lors de l’accord de Paris, 195 États se sont engagés collectivement à limiter le réchauffement en deçà de +2 °C (et si possible à +1,5 °C) en 2100. Or, les engagements actuels nous placent sur une trajectoire de réchauffement entre +3°C et +4°C.

L’organisation météorologique mondiale sonne l’alerte : il y a désormais au moins 1 chance sur 5 que l’on dépasse les +1,5°C avant 2024. Selon les calculs de l’ONU, nous n’avons plus que deux chances sur trois de limiter le réchauffement en dessous de 2 °C pour 2100. A l’échelle mondiale, il va falloir multiplier nos efforts par cinq d’ici 2030 pour rester en-dessous des +1,5°C de réchauffement. A mesure que l’inaction climatique se prolonge, la pente se fait plus raide.

En France aussi : engagements pris et inaction coupable

Emmanuel Macron s’est auto-proclamé champion de la Terre, mais la France est loin d’être exemplaire. Entre 2015 et 2019, les émissions sectorielles de GES de la France ont baissé de 3,7%. En cumulé, elles auraient dû baisser de 9% pour respecter les budgets carbone de la France fixés en 2015. À l’heure actuelle, aucun des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre n’est dans les clous. Macron est le champion de la stagnation et de l’inaction climatique.À titre d’exemple, le logement représente 28% des émissions nationales. 6,7 millions de français sont concernés par la précarité énergétique. Il faudrait multiplier par dix d’ici à 2030 le rythme de rénovation énergétique et multiplier par 4 les dispositifs de soutien public pour tenir nos objectifs. Les émissions baissent, mais pas assez vite. Le rythme de baisse prévu par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) n’était que de 1.5%/an. À partir de 2024, l’objectif de réduction annuel sera de 3.2%. Il faut donc accélérer le rythme.

De surcroît, comme le pointe le Haut Conseil pour le Climat (HCC), la SNBC ne considère que les émissions territoriales de la France. Or, les émissions importées, via les produits que nous faisons produire dans d’autres pays, augmentent notre empreinte carbone moyenne française de 70%. En clair : nous délocalisons les GES et la pollution qui va avec ! Cette délocalisation est corrélée à la désindustrialisation. Le gouvernement français y participe de bon cœur : EDF est en train d’être démantelé, un plan social XXL se prépare à la SNCF, General Electric a supprimé 3 000 emplois en cinq ans. Notre souveraineté énergétique et industrielle est menacée. Pourtant, la relocalisation de filières de production de biens essentiels de qualité est indispensable pour réduire les émissions de GES, planifier la bifurcation écologique et faire face aux conséquences du changement climatique.

Cette inaction du gouvernement Macron, épinglée par le dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat, est un crime contre notre jeunesse, notre cohésion sociale, les plus vulnérables d’entre nous et les générations futures. Pour la première fois en novembre 2020, le Conseil d’État a demandé au gouvernement de prouver que son action climatique permettait de respecter ses objectifs de réduction des émissions de GES, notamment 2030. Effectivement, il y a de quoi douter. A travers un décret d’avril 2020, une partie de l’effort de réduction des émissions de GES a été repoussé à après 2023 par le gouvernement. La stratégie du gouvernement se résume en une phrase : « Les problèmes à régler sont pour les prochains, pas pour nous ! »

Il faut planifier la bifurcation

A la veille des cinq ans de l’Accord de Paris, les masques tombent. Le Conseil Européen annonce s’être mis d’accord pour rehausser ses ambitions. Il vise une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre. Macron s’en réjouit. Problème : il faudrait que cet objectif soit d’au moins 65% pour être dans les clous de l’Accord de Paris. Ce nouvel objectif est “net” et non pas “brut” comme l’était le précédent puisqu’il intègre l’effort des puits de carbone (arbres, océans, etc) : c’est un tour de passe-passe pour alléger l’effort.

Enfin, encore faudrait-il atteindre l’objectif ! Le gouvernement français est un cancre climatique qui agit à rebours de l’urgence. 15% des effectifs du ministère de l’écologie et de ses opérateurs ont été supprimés depuis 2017. La France est le 5e pays à accorder le plus de subventions aux énergies fossiles en 2019. Des milliards sans contrepartie sont octroyés aux secteurs les plus polluants tandis qu’il manque 3 milliards/an pour le ferroviaire. C’est pourtant le moyen de transport le plus écologique. Alors qu’il avait promis une reprise “sans filtre”, la moitié des mesures de la Convention Citoyenne sont déjà retoquées ou amoindries.

Le programme l’Avenir en Commun est compatible à 90% avec leurs propositions. Il est plus que jamais indispensable d’être à la hauteur de l’urgence. Le rythme de baisse de nos émissions de GES pour atteindre la neutralité carbone, doit être multiplié par 3. Les 1% les plus riches du monde sont responsables de plus de deux fois les émissions des 50% les plus pauvres. Or, la moitié la plus pauvre des Européens a réduit ses émissions de près d’un quart depuis 1990, tandis que les émissions des 10% les plus riches continuent d’augmenter. Une vision structurelle, transversale et durable qui prenne pleinement en compte la justice sociale est donc indispensable. Il s’agit de donner une impulsion ambitieuse et d’octroyer des moyens conséquents à la puissance publique pour lui permettre de planifier la bifurcation écologique. C’est à elle que revient de coordonner les efforts des forces vives de la Nation : collectivités, salariés, citoyens, associations.

Seule cette voie nous permettra de ne pas dépasser les +1,5°C. Les solutions viables sont sur la table. Nous les portons. Les décisions prises marqueront l’histoire, dans le bon sens comme dans le mauvais. Il en va de la survie de l’humanité. #FightFor1Point5

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