Cela fait plus d’une semaine qu’il est en grève de la faim devant la résidence Le Lavandin sur l’avenue du Père Soulas à Montpellier. Un rassemblement se tenait ce lundi 9 novembre devant ce foyer administré par le bailleur social Adoma, société d’économie mixte détenue par CDC Habitat et l’État, pour soutenir Sébastien Allary, militant associatif reconnu pour son engagement en faveur des mal logés, sans-abris, et des plus démunis.
Après avoir aidé de nombreuses personnes en difficulté pendant des années, subissant une grave maladie invalidante et handicapé à 80%, c’est aujourd’hui à son tour de réclamer un logement décent alors qu’il réside dans une petite chambre du foyer Adoma, dont il dénonce les conditions de vie insalubres et la marchandisation exercée par ce type de grands acteurs du logement social. Une démarche entreprise auprès du Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO), alors que le bailleur social Adoma menacerait de l’expulser. Le coût d’une chambre de 7m² dans ce foyer, avec sanitaires et douche sur le palier, revient en effet à 325€ par mois, ce alors que les mesures sanitaires et hygiéniques ne sont pas correctement appliquées dans des locaux plus que vétustes, qui hébergent plus de 280 personnes.
L’ACTION RADICALE D’UN MILITANT DE TOUJOURS
Une cinquantaine de soutiens se sont réunis après une semaine éprouvante durant laquelle Sébastien Allary a cessé de s’alimenter et s’est tenu chaque jour devant l’entrée du foyer pour manifester ses revendications. Parmi les présents : la Ligue des droits de l’Homme, des militants syndicaux ou du droit au logement, ses collègues de l’association DAL, la députée Muriel Ressiguier, ou encore d’autres pensionnaires, connaissances de longue date et amis. Malgré sa situation personnelle, très précaire et aujourd’hui mise en danger par la crise sanitaire et ses conditions de logement, Sébastien Allary se bat toujours “pour que les gens ne crèvent pas à la rue, quels qu’ils soient, que ce soit un droit : ceux qui sont dans des squats, les migrants, ceux qui dorment dans leur voiture, ceux qui ont été expulsés, les mal logés dans les quartiers, etc.”
En discutant avec la Mule, Sébastien se souvient : “Au Petit Bard en 2004, il y a eu un incendie d’un bâtiment, du à son insalubrité, car il y avait des marchands de sommeil qui profitaient de copropriétaires occupants ou de locataires immigrés ou d’origine immigrée. A partir de ça, les habitants se sont mobilisés pour exiger la rénovation de leur quartier autour de l’association Justice pour le Petit Bard. Ce sont eux qui ont obtenu qu’il y ait des logements sociaux et que le quartier change. Non seulement il y avait la question du logement mais aussi celle des jeunes. Ainsi, nombre d’entre eux ont pu travailler sur les travaux de rénovation. Beaucoup de gens connaissent des problèmes de logement à Montpellier, certains depuis leur enfance.”
D’anciens acteurs de Justice pour le Petit Bard et du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues sont en effet présents ce soir là comme régulièrement depuis une semaine, pour soutenir Sébastien, extrêmement touché par cette mobilisation de ceux auprès desquels il avait dans le temps oeuvré. Très fatigué par sa grève de la faim, ce dernier demande un logement proche du centre-ville, alors qu’une partie du foyer du Lavandin doit être prochainement détruite et déménagée vers le quartier Euromédecine, en périphérie de la ville. Il dénonce cet éloignement qui va forcément peser sur les nombreux chibanis d’Adoma (anciens travailleurs isolés immigrés depuis le Maghreb dans les années 60/70) dont l’âge avancé diminue l’autonomie, et qui pour beaucoup ont leurs habitudes dans les quelques poches populaires qu’étranglent un centre-ville qui ne cesse de se gentrifier.
Le directeur régional du bailleur social, présent à ce rassemblement et accompagné de trois vigiles venus sécuriser l’entrée du foyer, n’a pas souhaité répondre à nos questions sans avoir l’aval de sa hiérarchie. Il n’a pourtant pas manqué de témoigner récemment auprès du Métropolitain qui a consacré un article à la grève de la faim de Sébastien Allary. “M. Kessouari est venu voir Seb sur son piquet de grève tout à l’heure, mais très vite le dialogue s’est bloqué, nous explique un militant. Il n’avait que trois solutions de logement à Montpellier : ici, Castelnau-le-Lez, ou la Croix-Verte à Euromédecine.”
CONDITIONS DE VIE INACCEPTABLES, RELOGEMENT INENVISAGEABLE
Trois propositions déjà refusées par Sébastien Allary en raison de leur éloignement, mais aussi du prix des loyers plus élevés. Le militant du droit au logement estime de plus que sa santé s’est largement dégradée à cause des conditions de vie insalubres du foyer. Des militants présents ont tenté de convaincre le directeur régional de contacter le SIAO, ce qu’il se serait engagé oralement à faire, tout en niant qu’il y ait le moindre problème sanitaire dans le bâtiment.
“Il le nie. Pour lui, il dit que non, non il n’y a pas de problème, tout est effectué, que cet établissement c’est du logement, donc il n’a pas une vocation médicale, et donc c’est normal qu’il n’y ait pas d’infirmière qui passe. Alors qu’il y a quand même beaucoup de résidents qui sont dans des situations de santé, qu’elle soit psychologique ou physique, assez préoccupantes. Mais il n’y a pas de service médical adapté dedans. On voit quand même des personnes âgées, des chibanis, et quand on voit l’état des toilettes turques… c’est indigne de laisser ça comme ça. C’est d’un autre temps… Alors c’est bien, là, ils vont le démolir, ils reconstruisent quelque chose, mais en attendant qu’est-ce qu’on fait de tous ces gens qui sont là ? Franchement ce qu’on leur propose, c’est quand même pas rose enfin, ils vont payer 100€ de plus pour se retrouver à 3 ou 4km de plus du centre-ville… Si c’est ça le social, je vois pas trop où on va. C’est ce que dénonce Seb dans son action.“
Un des locataires du foyer depuis le mois de janvier, “voisin de chambre de 7m²” de Sébastien, répond à nos questions. “On nous loue un squat. Il y a des cafards, c’est insalubre. Le ménage est fait deux fois par semaine alors qu’on a des douches communes, une cuisine commune. Ils ne lavent que le sol, pas l’intérieur des douches ou des WC. Quand je suis arrivé, j’ai tout désinfecté deux semaines d’affilée, à coup de seaux de javel. Ils paient une société de nettoyage à minima. Il y a de gros soucis d’eau chaude, ils nous disent que c’est des pannes, mais c’est des réglages qui font que l’eau est insuffisante pour le bâtiment. […] Je fais la cuisine, je vois des cafards qui courent, sur le plan de travail.”
Il comprend totalement la grève de la faim de Sébastien : “C’est une personne qui est gravement malade, il a besoin de transports en commun proches, de soutien. Des actions comme il le fait, je suis incapable de les faire. Il le fait pour lui mais aussi pour toute la résidence. Pendant le premier confinement, il avait déjà fait une action pour la désinfection des lieux, en faisant venir la presse. Dès qu’il se bouge, c’est le branle bas de combat chez Adoma : le ménage à fond, la remise de l’eau chaude directement. Mais dès qu’il arrête de grincer des dents, c’est reparti comme avant. […] Pour lui, il demande juste à avoir un logement près du centre-ville, d’un bus ou du tram.” Visiblement inquiet par sa grève de la faim, il soutient dès qu’il le peut Sébastien en se rendant auprès de lui, lui amenant des boissons chaudes, faisant la conversation…
Le nouveau foyer d’Euromédecine sera en effet situé loin du tramway, rendant l’accès au centre-ville aux personnes faibles ou malades très compliqué. “Ca va sans doute être une belle résidence, mais c’est isolé de tout. J’arrive pas à voir comment des personnes âgées qui n’ont pas de voiture, vont pouvoir arriver par elles-mêmes à faire des courses. Ils pensent pas à tout ça. Moi j’ai la quarantaine, je peux porter du poids encore, mais des personnes de 60 à 80 ans…”
Mais pour ce quadragénaire qui est parvenu à se tirer d’un épisode difficile passé à la rue, ces autres pensionnaires, beaucoup plus âgés, craignent les représailles s’ils venaient à se plaindre de leurs conditions de vie et de l’avenir qui leur est réservé. “Ils n’ont plus rien s’ils ne suivent pas le mouvement, ils ont de toutes petites retraites.”
L’INJUSTICE DE L’HÉBERGEMENT SOCIAL
“Quand je suis rentré en janvier ici, on me l’a dit : tout le monde ne va pas aller dans la nouvelle résidence, on va faire du tri. J’ai eu la chance de visiter un foyer ADOMA à Castelnau-le-Lez. C’est des petits studios de 23m², et dedans tu as tout, la douche, les toilettes, un petit coin cuisine, c’est nickel comparé à ici. Mais les loyers sont pas les mêmes, ce serait 454€.” Un tarif proche de celui qui sera mis en place dans la nouvelle résidence d’Euromédecine pour des chambres de 20m², un prix comparable à ceux pratiqués dans le privé. “Tout le monde accepte ce système, même la CAF. Donc l’État ferme les yeux là dessus, il y a un problème quelque part.” C’est en effet l’argent du contribuable qui vient en partie financer ces loyers très élevés pour de l’habitat social, et dont une part correspond donc à des logements insalubres.
Un système que nous décrit aussi Maxime, membre de l’association Appuii qui a récemment déploré “l’inacceptable augmentation des loyers” des foyers Adoma : “Il y a beaucoup de vieux qui sont là, qui ont travaillé en France toute leur vie et qui se retrouvent dans des chambres de 7m² pour passer leur retraite. De plus, en terme de statuts, les foyers, ce n’est pas comme les logements sociaux. C’est à dire que vous n’êtes pas tout seul à avoir la clé de chez vous, le bailleur peut venir à n’importe quel moment, pour vérifier que vous n’hébergez pas un tiers, c’est bourré de règles. On est plus sur quelque chose de l’ordre du régime hôtelier que sur le statut du logement, où qu’on soit locataire ou propriétaire, on a la clé du logement et où on est libre de faire ce qu’on veut à l’intérieur. Ici ce n’est pas le cas. Tout ça, c’est passé sous silence, et les gens qui sont là, ils en souffrent tous. Et c’est complètement nié par les institutions et par le système qui est en place.”
La mobilisation des soutiens de Sébastien Allary est importante pour la poursuite et la réussite de son combat. Aussi, la Ligue des droits de l’Homme 34 s’est saisie afin de contacter le SIAO. Mais Sébastien appelle aussi les citoyen·nes à faire pression sur celui-ci, ainsi que sur la direction d’Adoma, en portant trois revendications : l’amélioration de sa situation personnelle, la remise à plat du système de l’hébergement social et celle du système Adoma.
Muriel Ressiguier, députée LFI, a échangé avec le directeur régional Michel Kessouari, après lui avoir envoyé un email et une lettre recommandée. “Il a convenu qu’il fallait renouer le dialogue et que la santé de Sébastien était inquiétante, qu’il y avait une détresse réelle. On a convenu d’organiser assez vite une réunion avec les services de la Préfecture et la mairie, pour essayer de trouver un studio en ville pour que Sébastien puisse avoir un endroit pour se reposer, se reconstruire et reprendre le fil de sa vie.” La députée nous explique être venue constater par elle-même l’état de la résidence durant le premier confinement, dont elle confirme la vétusté et l’exiguïté des chambres, loin des normes modernes. Elle regrette aussi que les nouveaux foyers soient excentrés dans des lieux sans mixité sociale, rendant la vie compliquée à leurs résidents et multipliant leurs temps de trajets.
COLÈRE NOIRE CONTRE LA SITUATION DU LOGEMENT À MONTPELLIER
Lors du rassemblement, plusieurs militants ont tenu des prises de parole en soutien à Sébastien Allary et pour dénoncer l’explosion exponentielle du mal-logement et de l’extrême précarité en France. A l’initiative de la mobilisation du jour, son ami Hamza Aarab, ancien porte-parole de Justice pour le Petit Bard et militant très impliqué dans les quartiers à Montpellier, s’est inquiété pour son état de santé. “On a besoin de toi en forme, tu es quelqu’un qui peut apporter beaucoup de choses. On est pas là pour faire des minutes de silence je pense que tout le monde est d’accord. Si on a organisé ce rassemblement aujourd’hui, c’est vraiment pour te montrer qu’on est présent, que tu n’es pas tout seul et qu’on est prêt à mener toutes les actions possibles et imaginables pour faire en sorte d’arranger ta situation et de te sortir de la merde dans laquelle ils parquent les gens ici.”
Lui aussi était intervenu auprès du directeur régional d’Adoma pendant le premier confinement, afin de faire rétablir un entretien hygiénique et sanitaire correct du foyer. “Huit ou neuf ans en arrière avec Sébastien, on avait essayé de faire bouger les choses sur les conditions de vie des chibanis, et sur la manière dont on les fliquait. Il faut savoir une chose : un vieux chibani qui a une carte de séjour, s’il passe six mois au bled et six mois en France, on lui coupe tous ses droits, ses allocations, sa retraite. Contrairement à n’importe qui d’entre vous qui serait retraité et partirait régulièrement à l’étranger. Sébastien fait partie des acteurs qui ont beaucoup donné, et pas que sur ces questions là, sur les expulsions, le relogement. Il est un des responsables les plus actifs de l’association Droit au Logement.” Même s’il s’est retiré des luttes pour le logement depuis plusieurs années, Hamza Aarab a tenu à saluer et répondre à l’engagement de Sébastien Allary en organisant ce rassemblement de soutien, “par rapport à toutes ces années qu’il a donné pour les autres.”
Sophie Mazas, présidente de la Ligue des droits de l’Homme, a salué le courage du militant : “C’est une action extrême que tu mènes. On connait d’autres camarades qui en ont mené, là j’espère qu’elle va se dénouer rapidement, pour une situation particulière et une situation générale [du mal-logement]. On va rentrer sur un deuxième confinement avec des mises au pas de nos libertés publiques. C’est bien que ce rassemblement ait pu se tenir et qu’on puisse soutenir cette lutte. Merci pour l’action qui est menée par Sébastien et par le DAL, car elle est décisive pour le droit au logement. On a plusieurs luttes communes, sur les squats et sur l’hébergement plus globalement, sur le respect des libertés publiques, et le DAL est toujours présent.”
Jeff, travailleur social et militant Sud-Santé-Sociaux, témoigne pour sa part qu’une des personnes qu’il suit, ayant été hébergée dans le foyer Adoma de La Paillade, avait préféré retourner à la rue plutôt que de rester sur place face à l’extraordinaire insalubrité des locaux. “Dans l’Hérault, c’est très compliqué. On a beaucoup de gens qui se retrouvent dans ces situations, à la rue, et le relogement est très compliqué, on doit passer par un organisme qui s’appelle le SIAO, où on fait des demandes qui s’embouteillent. Et ça prend des mois et des mois avant d’avoir des réponses, qui conviennent pas toujours aux gens en plus. C’est très très compliqué car à Montpellier le logement est très cher, on a du mal à trouver des logements compatibles avec les revenus des gens. La situation est politiquement difficile pour accéder au logement et ça, c’est un scandale. Le droit au logement, à Montpellier d’autant plus, c’est vraiment pas une réalité, c’est un rêve.”
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Représentant de la Cimade Montpellier, Thierry a pour sa part constaté être confronté au grave problème du logement des migrants, dont de très nombreux demandeurs d’asiles qui auraient du être pris en charge convenablement par l’État en sont réduits à vivre dans des squats, dont certains ont hébergé plus de deux cent personnes. C’était notamment le cas du squat d’Euromédecine tenu par l’association Solidarité Partagée, “brutalement expulsé par la Préfecture de l’Hérault sans aucune proposition de relogement.”
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Thierry n’a pas mâché ses mots pour dénoncer la décision du Préfet Jacques Witkowski : “On a comme ça, des chiffres mêmes donnés par le Préfet, 90 demandeurs d’asile qui se sont retrouvés à la rue, alors qu’ils auraient du être tous logés par l’OFII [Office Français de l’Immigration et de l’Intégration], qui dépend de la Préfecture. […] On a d’autres squats qui ont été expulsés comme celui du Triolet, dans lequel étaient hébergées huit à dix familles, avec des enfants en très bas-âge. Un matin les parents sont partis emmener leurs enfants à l’école, et entre temps, la police avait occupé les lieux, et ils étaient à la rue.”
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“Voilà des situations totalement inadmissibles, et aujourd’hui en plein Covid, on n’a pas de place au 115 pour des familles avec des enfants de trois ans. Les dernières circulaires du gouvernement disent qu’il faut soi-disant ouvrir des places et que personne ne soit à la rue, voilà comment ça se traduit dans l’Hérault : non seulement on ne met pas en place des lieux permettant d’héberger tout le monde, mais en plus le Préfet expulse des lieux dans lesquels étaient mis à l’abri beaucoup de migrants et pas que des migrants d’ailleurs.” Une démarche qui vient saper le travail de fond effectué par de nombreux acteurs militants et associatifs pour accompagner ces personnes vers l’insertion dans le droit commun comme sur le plan sanitaire, et tenter d’endiguer le nombre croissant de celles et ceux qui se retrouvent à la rue.
Sébastien Allary a lui tenu à expliquer sa démarche radicale, qui risque bien d’empirer son état de santé : “On ne décide pas ce type d’actions de manière anodine, vous imaginez bien qu’avant j’ai essayé de discuter, sur une situation qui dépend d’un contexte social. Je veux bien que le directeur d’Adoma me diabolise en disant que je suis contre les institutions, mais moi je vis ce que vivent tous les gens qui subissent le dispositif d’hébergement, je vis ce que les gens qui sont dans les foyers Adoma vivent. J’insiste bien sur le fait que j’espère avoir un logement, mais que ma situation personnelle, c’est aussi un problème collectif. Je suis militant associatif DAL, tous les mercredis on voit des gens, des familles qui dorment dans leurs voitures. Toutes les semaines, on voit des personnes qui sont en situation de mal-logement, en surpopulation, qui vivent dans de l’habitat indigne, insalubre, qui ont été expulsées. Au bout d’un moment, ça rend quand même malade de se sentir impuissant.”
“Ces foyers Adoma, on y met les retraités immigrés ou les gens les plus en difficulté sociale, c’est de l’habitat insalubre. On ne devrait pas payer de loyer. Sur notre dos, on fait des économies sur le ménage, sur l’entretien, sur le chauffage. On est resté par exemple ici un mois et demi sans chauffage. Et en plus, on y casse toute vie sociale : avant il y avait des cours de français, il y avait un salon, maintenant c’est devenu la salle de pause des salariés. Depuis les années 2000, les foyers Adoma doivent être transformés en résidences sociales. Et au lieu de donner réparation à ces chibanis, à ces ouvriers venus construire la France, on veut les déplumer encore plus. On les envoie dans un foyer où le loyer va être de 454€ pour 20m², à la limite de la ville. Tout ça parce que c’est des noirs, des arabes, des vieux et des pauvres, ça, ça rend malade. On vous fait des propositions d’hébergement inadaptées, on vous dit qu’on vous en a déjà fait auparavant et on vous laisse végéter dans votre merde, ça, ça ne donne pas envie de vivre. C’est pour ça qu’on en arrive à ces situations extrêmes. J’attends qu’on remette à plat le dispositif d’hébergement, y compris pour les chibanis, parce qu’il y a des associations qui se font de l’argent sur notre misère. Et c’est inadmissible, à un moment il faut le dénoncer et arrêter de l’accepter. De vivre et de côtoyer des choses inadmissibles, ça rend aussi malade et au bout du bout ça peut tuer.”