Lundi soir, une trentaine de personnes se sont rassemblées autour de Sébastien pour l’appeler à cesser sa grève de la faim mais pas à arrêter son combat.
Sébastien a entamé une grève de la faim il y a maintenant huit jours. Ce militant au Droit Au Logement est lui-même aujourd’hui dans une situation compliquée. Lundi soir, il a reçu le soutien de plusieurs proches également actif dans différentes organisations luttant contre la misère. Inquiets, ils lui demandent de cesser sa grève de la faim.
La dernière chance
Sébastien n’est pas un arbre que l’on va abattre. Sébastien n’est pas un animal abandonné ou maltraité. Sébastien n’est pas un cycliste revendiquant des pistes cyclables. Sébastien n’intéressent plus les candidats aux municipales. Sébastien ne tient pas une librairie contrainte au click and collect. Sébastien n’a pas droit à un hashtag fédérateur. Sébastien n’est sans doute pas suffisamment politiquement correct. Sébastien fait partie de cette multitude d’invisibles.
Alors oui, Sébastien a ses défauts. Ceux d’un militant engagé, poussé aujourd’hui, plus que jamais, au ras le bol par la société. Sébastien est entier, bien réel. Comme les personnes dépeintes à travers les personnages des films de Ken Loach : applaudies sur la Croisette, ignorées dans la vraie vie.
La goutte d’eau de trop a fait déborder le vase. Les coups reçus par les combats menés pour les autres l’impactent désormais dans sa chair. Cette grève de la faim semble être sa dernière chance. Si ces forces déclinent, l’incendie brûlant en son intérieur jaillit encore dans ses yeux. Alors il s’entête.
« On ne veut pas faire des minutes de silence »
À l’appel de son ami Hamza Aarab, plusieurs camarades de lutte croisés ces dix dernières années se sont rassemblés pour le soutenir mais surtout lui demander de cesser sa grève de la faim. « Ce n’est pas une bonne idée que tu te tues la santé même si je comprends la situation », lui adresse-t-il, « On a besoin de toi en forme. On ne veut pas faire des minutes de silence. Si on a organisé ce rassemblement c’est pour te montrer que tu n’es pas tout seul et que l’on est prêt à mener toutes les actions possibles et inimaginables ».
Si son action est poussée par sa situation personnelle, Sébastien n’oublie pas qu’elle n’est pas isolée. Avant de lui-même prendre la parole, il invite ses soutiens à parler du mal-logement. La Cimade dénonce ainsi le manque de places d’accueil d’urgence ou encore l’expulsion récente des squats d’Euromédecine et de Triolet hébergeant notamment des demandeurs d’asile : « Des lieux de vie où toutes ces personnes peuvent au moins avoir un moment où se poser et avoir un suivi pour leur santé et leurs papiers ».
« Le droit au logement, d’autant plus à Montpellier, n’est pas une réalité »
La Ligue des Droits de l’Homme souligne « quelque chose de structurel : la mise au ban des plus démunis, loin des services publics qui permettent de circuler. La lutte qu’il mène concerne tout le monde ».
Les conditions de vie à l’intérieur de la résidence sont très fortement critiquées. Un représentant du syndicat Sud Santé Sociaux, venu apporter son soutien, a également témoigné de son expérience d’éducateur spécialisé : « Il y a quelques mois, une personne dont je m’occupais a été hébergée par Adoma et a préféré retourner à la rue plutôt que de rester là ».
Ce dernier résume l’avis général : « À Montpellier, le logement est très cher. On a du mal à trouver des logements compatibles avec les revenus des gens. La situation est politiquement compliquée pour accéder à un logement et c’est un scandale. Le droit au logement, à Montpellier d’autant plus, n’est vraiment pas une réalité. C’est un rêve, doux, mais ce n’est pas une réalité ».
« Face à la situation du mal-logement et les nombreux dossiers traités depuis la création du DAL à Montpellier, l’aberrance et la situation difficile face aux institutions fait qu’à un moment, on n’a plus les moyens de se battre » argumente un de ses compagnons du DAL qui explique : « Cette action n’est pas que pour lui, c’est une action collective. Il voit la situation des anciens et avec sa sensibilité, il ne peut rester indifférent. Cette action, comme celle du début d’année quand il n’y avait pas de chauffage pendant plus d’un mois à la résidence, c’est pour les autres ».
« Je vis ce que plein de gens vivent »
Très ému par ces témoignages d’affection, quelques larmes naissantes au bord des yeux, Sébastien saisit le micro : « On ne décide pas de ce genre d’action. Je vis ce que plein de gens vivent ». Comme s’il fallait une preuve de cela, un rassemblement s’est tenu à Toulouse devant le foyer Adoma Saint-Cyprien « en solidarité avec Seb et pour visibiliser la situation de tous les résidents de tous les foyers Adoma de Montpellier, de Toulouse et d’ailleurs ! »
Des conditions de vie déjà difficiles au sein de cette résidence (une chambre de 7 m2 pour 320€ par mois) mais au moins proche du centre-ville. La proposition faite d’être relogé, comme les autres locataires, dans une résidence neuve à Euromédecine et la crainte d’un isolement d’autant plus accentué a provoqué cette grève de la faim.
« On envoie les gens dans des 20 m2 pour 450€ à la limite de la ville parce que ce sont des noirs et des arabes, des vieux et des pauvres. Ça, cela rend malade. On vous fait des propositions d’hébergement inadaptées où on va végéter dans notre merde, cela ne donne pas envie de vivre. C’est pour cela que l’on en arrive à des situations extrêmes » appuie-t-il avec conviction.
Un combat pour les autres
Attaquant le bailleur social Adoma et le Service Intégré d’Accueil et d’Orientation de l’Hérault, « deux associations qui font de l’argent sur la misère. C’est inadmissible, il faut arrêter de l’accepter », il espère, pour son cas, un logement digne, et de manière générale que soit remis à plat les conditions de vie des résidents d’Adoma, leur condition de transfert à Euromédecine ainsi que le dispositif d’hébergement.
C’est dans ce sens que la députée de l’Hérault Muriel Ressiguier (France Insoumise), seule politique présente lundi soir et qui avait alerté la semaine dernière, a demandé au directeur territorial du bailleur social de tenir dans l’urgence une réunion avec la Préfecture, la Municipalité, le SIAO… afin de trouver une solution dans les plus brefs délais.
« De vivre et côtoyer des choses inadmissibles cela rend aussi malade et, au bout du bout, cela peut tuer » témoignait déterminé Sébastien. S’il est aujourd’hui le symbole d’un combat mené depuis des années, ses amis luttent désormais pour qu’il ne devienne pas un martyr.