Intervention de Michel LARIVE dans le cadre des dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne en matière économique et financière.
« Je me concentrerai sur les 3 articles du projet de loi pour lesquels la commission des affaires culturelles et de l’éducation a été saisie pour avis. Deux de ces trois articles sont des amendements du Gouvernement présentés en séance au Sénat le 8 juillet 2020. Tous deux visent à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer des directives européennes. Le contenu de ces articles recouvre en réalité une bonne partie des dispositions prévues dans le projet de loi audiovisuel, abandonné au Printemps. Loin de faire consensus, elles ont été débattues et amendées par tous les groupes politiques. Des débats ont même eu lieu au sein de la majorité, entre rapporteure et gouvernement. En légiférant par ordonnance pour un texte si important, le Gouvernement, une nouvelle fois, prive le Parlement de ses droits et remet délibérément en cause le fonctionnement normal de notre démocratie.
Prenons pour exemple l’article 24 Bis visant à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances pour transposer la directive « droits d’auteurs ». Il correspond en tous points aux articles 16 et 17 du projet de loi audiovisuel. Cette disposition instaure le principe selon lequel les plateformes de partage de contenus deviennent responsables de ces contenus.
Lors du débat sur le projet de loi audiovisuel, se faisant les porte-voix de diverses associations comme la Quadrature du Net, nous nous sommes opposés aux conséquences de cette mesure. Selon nous, cela revient à rendre obligatoire des outils de filtrage à l’uploade ou au télé versement. En conséquence, nous aboutirions à un système de surveillance généralisée des internautes, ainsi qu’à des suppressions abusives de contenus. Lors des débats sur le projet de loi audiovisuel, nous avions débattu sur les amendements proposés par le groupe de la France insoumise proposant l’interopérabilité.
Cette alternative préserverait la liberté des utilisateurs en leur offrant la possibilité de quitter une plate-forme, sans que les liens interpersonnels tissés par eux dans cette même plate-forme ne soient rompus avec les autres utilisateurs. En d’autres termes, nous pourrions demain quitter Facebook pour une autre plate-forme alternative en conservant nos contacts. Aujourd’hui, cela n’est pas possible techniquement, ce qui octroi aux entreprises comme YouTube, Facebook ou Twitter, un pouvoir disproportionné. Grâce à l’immense nombre d’utilisatrices et d’utilisateurs qu’ils comptent et à l’absence d’interopérabilité, ces GAFAM nous ont rendu captifs et imposent une surveillance constante à des fins publicitaires. En résumé, si cette directive s’attache à défendre les droits des auteurs et condamne le piratage, elle ne s’attaque pas au monopole des plateformes, ni à l’illégalité de leurs revenus, basés sur la publicité sans le consentement des utilisateurs.
Un tel enjeu appelle un débat en profondeur de la représentation nationale empêchée par la méthode par ordonnance. J’ai souhaité déposer un amendement proposant un rapport d’information sur les modalités de mises en œuvre d’une obligation d’interopérabilité pour les fournisseurs de service de partage de contenus en ligne. Il a été jugé irrecevable, empêchant toute discussion, évinçant là encore les représentants de la Nation, que nous sommes.
Prenons maintenant l’exemple de l’article 24 Ter visant à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances pour transposer la directive « SMA ».
Là encore, le Parlement est privé de débat. Pourtant, le Gouvernement nous pousse à voter son amendement dans son exposé des motifs. Il précise que les États membres de l’Union Européenne doivent se conformer à la directive au plus tard le 19 septembre 2020, et qu’en cas de non-respect de cette échéance, la France pourrait faire l’objet d’un recours en manquement par la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne.
La menace des sanctions européennes ne justifie en rien les obstacles au débat parlementaire.
Elles ne justifient pas que les modalités de contribution des SMA (Services de Médias Audiovisuel) et des SVOD (Services de VideO à la Demande), au développement de la production d’œuvres, soient décidées par décret.
Cette procédure nous empêche également de dénoncer l’amendement permettant que les dépenses réalisées en faveur des établissements d’enseignement supérieur de la création artistique dans le domaine du cinéma et de la communication audiovisuelle, soient prises en compte dans le calcul des dépenses éligibles à la contribution au développement de la production.
Ainsi, le Gouvernement peut répondre aux injonctions de DISNEY +, sans que les députés aient leur mot à dire. Disney pourra donc, grâce à vous, former ses cadres dans l’école supérieure les Gobelins, tout en s’émancipant de ses obligations de financement de la production indépendante ou en langue française.
En conséquence, voter pour ces articles du projet de loi DDADUE, correspondrait à un vote de confiance au Gouvernement pour négocier avec les grandes plateformes sur des sujets primordiaux comme la liberté d’expression, la censure, la surveillance généralisée des internautes, la reconnaissance faciale etc. Or, l’arbitraire, les chèques en blanc, et le désaveu du Parlement ne font pas partie des valeurs de la France insoumise. Nous voterons donc contre ce texte. »