Retrouvez mon discours d’explication de vote contre le plan de déconfinement présenté par le Premier Ministre le mardi 28 avril 2020.
« Monsieur le Premier Ministre,
Nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre ».
Dans la bouche du Président, cette phrase servait de formule magique. Pour excuser tous vos mensonges, vos artifices, vos scandales depuis le début de la crise.
Nous ne sommes pas en guerre, nous sommes en pandémie. Une pandémie qui indique que la bifurcation écologique est commencée. D’ailleurs, votre rhétorique guerrière trouve ses limites : vous nous présentez aujourd’hui un plan de déconfinement, pas une signature d’armistice avec le coronavirus. Le virus est un phénomène biologique qui n’a que faire de vos grandes paroles et de vos métaphores guerrières. Il nous donne à voir ce que d’autres crises, peut-être plus graves encore, pourront produire.
Vous n’avez pas eu un mot durant votre discours sur la crise sociale terrible qui touche tant de Français. Pas un mot pour les familles qui ont plus peur de mourir de faim que du Covid-19, pas un mot sur l’explosion du chômage à venir.
Votre plan de déconfinement est hasardeux. Vous vous défaussez de vos responsabilités sur les parents, les enseignants, les chefs d’entreprises, les élus locaux. Pire, vous parlez d’un déconfinement qui reposera sur le civisme des Français, c’est odieux, assumez le rôle de planification de l’Etat pour assurer la sécurité sanitaire du peuple français.
Et si nous étions véritablement en guerre, quels pitoyables chefs de guerre vous seriez.
Qui laisse les soignants soi-disant « au front » sans munitions, avec des sacs poubelle en guise de surblouse, qui a livré des masques moisis en Outre-Mer, qui a laissé les entreprises exposer leurs salariés, conduisant notamment au décès d’Aïcha, caissière à Carrefour, des suites du Covid-19, qui laisse une partie de sa population dans l’angoisse de ne pas manger à sa faim.
Oui, vous êtes en guerre, mais sûrement pas contre le coronavirus.
Si nous étions en guerre, vous auriez nationalisé Luxfer, seul producteur de bouteilles d’oxygène médicales en Europe et Famar, qui fabrique 12 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Vous auriez réquisitionné les entreprises pour produire les tests et les masques dont tout le monde sait maintenant que non, Mme N’Diaye, ils ne sont pas inutiles, ils nous font juste défaut.
Si tel avait été le cas, vous auriez fait comme en 1916 où le Parlement a voté pour une taxe contre les profiteurs de guerre. Il s’agissait de faire payer les entreprises qui avaient profité du malheur national. Ils sont nombreux à se gaver actuellement et ils ont des noms : Amazon, avec son PDG Jeff Bezos qui a empoché 24 milliards d’euros depuis le début de la crise. OGF, entreprise de pompes-funèbres, le profiteur de mort, qui empochait 55 euros par famille qui se recueillait auprès du corps d’un proche, il y en a beaucoup d’autres. Pendant ce temps, les aide-soignants finissent le mois avec en moyenne 1357 euros net, et 1150 euros pour les caissières, quand elles sont en temps-plein.
Si nous étions en guerre, vous auriez fait comme en août 1914, en suspendant les loyers. À l’époque, le Parlement estimait inacceptable que des familles de combattants puissent être expulsées quand les autres risquaient leur vie pour le pays.
Non, la seule guerre que vous menez, c’est celle contre l’intérêt général.
Le code du travail reste votre adversaire compulsif. Vous avez abrogé des RTT et jours de repos des salariés, vous vous attaquez aux 35 heures et au repos dominical, alors même que le nombre de chômeurs sera tel qu’il faut réduire le temps de travail pour travailler tous. Vous sanctionnez l’inspecteur Anthony Smith, pour avoir fait juste son travail de défense des droits des travailleurs.
Vous renflouez les caisses à coups de milliards des entreprises polluantes. Vous donnez 7 milliards à Air France, quand on compte 39 millions, seulement, d’euros d’aide alimentaire pour nos concitoyens. Vous refusez de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune. Vous refusez de plafonner le prix des masques en tissu, pour ne pas « freiner l’innovation » alors que l’urgence est à freiner l’épidémie. Vous refusez d’interdire le versement de dividendes. À la place, vous envoyez le Ministre de l’économie, tout penaud, le bérêt à la main, demander timidement aux entreprises de ne pas le faire. Pour un brillant résultat ! 4,75 milliards aux actionnaires d’Allianz, 3,9 milliards pour ceux de la BNP. 353 millions pour Michelin, alors que 20 000 salariés bénéficient du chômage partiel pris en charge par l’argent public. Ils privatisent les bénéfices, vous socialisez les pertes, des milliards pour eux, des miettes pour nous.
Nous pensions que vous auriez compris les dégâts de vos politiques. Qu’il fallait arrêter de détruire l’hôpital public, de casser nos biens communs, de détruire les écosystèmes, de laisser le privé régir nos vies et nous priver de tout. Mais vous ne changerez jamais. Même dans ce moment de choc terrible. Cette crise n’est pas une parenthèse, elle montre les failles que vous avez créées dans notre organisation de vie collective.
Alors revenir à la normale ? Revenir à la cause même de l’ampleur de la crise ? Revenir à un pays avec 9,8 millions de pauvres et un record de millionnaires en Europe, à un président qui méprise celles et ceux qui aujourd’hui assurent nos vies dignes : les soignants, les caissières, les éboueurs, les routiers, tous ces gens qu’hier, il appelait « les riens » ? Nous voyons déjà venir votre plan de relance qui fera pression sur nos écosystèmes. Nous voyons déjà surgir votre monde d’après, semblable à celui d’avant, encore plus prédateur, plus destructeur. Nous voulons un monde de paix, de solidarité qui respecte notre dignité.
Nous voterons contre votre plan de déconfinement. Vous n’avez pas confiné notre colère. Pour nous c’est plus jamais ça, plus jamais vous ! »