Retrouvez la lettre adressée au Premier ministre pour l’interpeller sur les pratiques discriminatoires de l’entreprise ELIOR.
Cette lettre est signée par le groupe parlementaire de la France insoumise ainsi que les parlementaires Marie-George Buffet, Moetai Brotherson et M’jid El Guerrab.
Un rassemblement de soutien aux salariés a lieu aujourd’hui à partir de 9 heures devant le Conseil des prud’hommes de Paris, rue Louis Blanc, dans le 10ème arrondissement Paris.
M. Edouard Philippe, Premier ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne, 75007 Paris
Paris, le 28 janvier 2020
Monsieur le Premier ministre,
Nous voulons par le présent courrier vous amener à réagir aux pratiques inacceptables du groupe ELIOR, pratiques permises par les politiques actuelles en matière d’immigration.
Elior est le groupe multinational numéro un en France dans les domaines de la propreté et de la restauration collective notamment. Son chiffre d’affaires s’élevait à 4,9 milliards d’euros en 2018-2019. Parmi ses clients les plus connus, on peut citer les musées d’Orsay et du Quai Branly, les hôtels ACCOR, le Stade de France, l’entreprise Nespresso ou l’ambassade des Etats-Unis. On y retrouve également des tribunaux de grande instance, des prisons, des commissariats, des préfectures - dont la préfecture de police de Paris -, des centres de rétention, des ministères - dont celui des Affaires étrangères -, ou encore des centres de la CAF.
Il s’agit donc d’une entreprise prospère aux clients institutionnels et privés importants. Pourtant, nombre de ses employé·es sont des personnes qui n’ont pas de titre de séjour régulier en France. Elles travaillent à la plonge, à la manutention ou réalisent les ménages. Dans une situation particulièrement précaire, du fait de la difficulté à obtenir une régularisation, elles sont contraintes par l’entreprise Elior à des conditions de travail en violation directe avec le droit :
- utilisation de CDD sans motif ou sans délai de carence pour le nettoyage et la restauration ;
- non paiement d’heures effectuées, masquées sous différentes formes ;
- licenciement oral avec menaces physiques ou menaces d’appeler les forces de l’ordre, en dehors de toute procédure légale de licenciement ;
- pratique illégale de l’abattement de 8% sur la base des cotisations sociales ;
- non respect du minimum conventionnel dans le secteur du nettoyage (69 heures par mois) ;
- refus de l’entreprise de fournir un CERFA, un certificat de concordance le cas échéant ou d’autres documents nécessaires pour le dossier de régularisation.
L’entreprise Elior a été convoquée en 2016 à la préfecture de Paris après une mobilisation de la CGT qui dénonçait des pratiques d’obstruction systématique à la régularisation de ses employé·es et condamnée en 2018 au Conseil de prud’hommes pour violation avérée au droit du travail. Ce sont des pratiques similaires qui ont été reconnues le 18 décembre 2019 par le Conseil de prud’hommes de Paris sous la qualification de “discrimination raciale systémique”, à la suite d’une plainte des salarié·es du chantier de l’avenue de Breteuil.
Celles et ceux qui tentent de dénoncer cet état de fait risquent le licenciement. Ce fut le cas par exemple d’employé·es membres du mouvement des “Gilets noirs”, qui avec le syndicat du nettoyage CNT-SO ont contesté pacifiquement par plusieurs actions d’occupation, dont une au siège d’Elior en juin 2019, les méthodes que l’entreprise met en œuvre. L’entreprise Elior a prétendu entamer des négociations afin de mettre en place les démarches de régularisation, a demandé aux personnes concernées de lui transmettre leurs dossiers, pour finalement licencier six d’entre elles.
Le licenciement des personnes en situation irrégulière dès qu’elles demandent l’assistance de l’entreprise pour laquelle elles travaillent - comme le requiert pourtant le droit en vigueur - semble être une pratique courante chez Elior. Au-delà des procédures au Conseil de prud’hommes encore en cours, il y a une responsabilité politique à agir face une situation bien trop répandue dans nombre d’entreprises, que ce cas illustre. Et ce d’autant plus quand des institutions de l’Etat sont les bénéficiaires directes de ces pratiques illégales et immorales.
Le droit français actuel place les travailleurs et travailleuses sans papiers dans des situations d’extrême précarité et vulnérabilité, alors même qu’elles et ils participent au fonctionnement et à la production de richesse du pays. La circulaire dite “Valls” de 2012 ne les protège pas de l’exploitation dans laquelle les contraint l’irrégularité et les porte à être dépendant·es des entreprises qui les exploitent pour accéder à un titre de séjour.
Monsieur le Premier ministre, il est urgent de proposer aux personnes qui travaillent en France une voie de régularisation efficace et de renforcer les contrôles à l’encontre des entreprises dont il est notoirement connu qu’elles exploitent la situation de précarité de leurs employé·es. Une lettre de demande de rendez-vous et de présentation des revendications vous avait déjà été remise en ce sens en juin 2019 par notre entremise.
Nous vous appelons à mener les démarches nécessaires, directement auprès des institutions publiques utilisant les services de l’entreprise d’Elior et des préfectures et indirectement en tant que premier garant du respect de l’état de droit et de la protection des personnes, afin que les salarié·es puissent obtenir leur régularisation.
Plus concrètement nous vous demandons d’œuvrer d’une part pour qu’Elior reprenne les négociations avec les Gilets noirs et la CNT-SO ; d’autre part de veiller à ce que le PDG d’Elior soit convoqué à la préfecture, comme ce fut le cas en 2016, pour que puisse être mis en place un cadre de négociation collective avec guichet unique et dépôt collectif des dossiers des salarié·es d’Elior.
Nous nous tenons à votre disposition pour échanger plus en avant sur cette situation.
Dans l’attente d’une réponse positive de votre part, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’expression de nos salutations républicaines.
Mme Clémentine Autain, députée de Seine-Saint-Denis, groupe La France insoumise
M. Ugo Bernalicis, député du Nord, groupe La France insoumise
M. Moetai Brotherson, député de la Polynésie Française, groupe Gauche
démocrate et républicaine
Mme Marie-George Buffet députée de Seine-Saint-Denis, groupe Gauche démocrate et républicaine
M. Éric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis, groupe La France insoumise
M. Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis, groupe La France insoumise
M. M’jid El Guerrab, député des Français établis hors de France, groupe Libertés et Territoires
Mme Caroline Fiat, députée de Meurthe-et-Moselle, groupe La France insoumise
M. Bastien Lachaud, député de Seine-Saint-Denis, groupe La France insoumise
M. Michel Larive, député de l’Ariège, groupe La France insoumise
M. Jean-Luc Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône, groupe La France insoumise
Mme Danièle Obono, députée de Paris, groupe La France insoumise
Mme Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne, groupe La France insoumise
M. Loïc Prud’homme, députée de la Gironde, groupe La France insoumise
M. Adrien Quatennens, député du Nord, groupe La France insoumise
M. Jean-Hugues Ratenon, député de la Réunion, groupe La France insoumis
Mme Muriel Ressiguier, députée de l’Hérault, groupe La France insoumise
Mme Sabine Rubin, députée de Seine-Saint-Denis, groupe La France insoumise
M. François Ruffin, député de la Somme, groupe La France insoumise
Mme Bénédicte Taurine, députée de l’Ariège, groupe La France insoumise