Édito de Matthias Tavel publié le 20 janvier 2020 dans l’Heure du peuple.
Le mouvement social contre le projet de réformes des retraites est le plus long depuis 1968. Sa durée, son intensité avec des taux de grévistes spectaculaires, le soutien majoritaire constant de l’opinion témoignent de la combativité sociale du peuple. Les travailleurs posent leurs outils de travail (robe d’avocats, blouses de soignants, cartables d’enseignants…) mêlant l’exigence de justice sociale à celle de dignité professionnelle. Autant « Macron a[vait] le point » sur la réforme du code du travail en 2017, autant les travailleurs ont le point sur les retraites. Après les Gilets jaunes, le gouvernement a perdu une nouvelle fois la bataille des idées.
Son projet ne tient plus que par l’arrogance institutionnelle permise par la Ve République. Sans référendum d’initiative citoyenne ni révocatoire, sans proportionnelle au Parlement, le passage en force est possible. Déjà le recours à l’article 49-3 de la Constitution permettant d’imposer un texte sans vote est envisagé. Il faut dire que les macronistes ont été biberonnés en la matière sous François Hollande avec la loi El Khomri.
Mais la bataille est loin d’être finie. Le débat à l’assemblée ne débute qu’en février et durera jusqu’en mars. S’il n’y a pas grand-chose à attendre d’une assemblée godillotte, les débats démontreront l’arnaque, les reculs cachés. Surtout la bataille parlementaire est un moment de la confrontation. La proposition de motion de censure par la France insoumise est ainsi la traduction parlementaire évidente de l’exigence sociale et politique du retrait du projet, la moindre des choses.
La période offre une énième démonstration que luttes sociale et démocratique sont totalement liées. Qui dirige ? Les financiers ou les travailleurs ? Un président élu par défaut ou un peuple majoritairement opposé à ses réformes ? L’issue de la bataille n’est pas écrite. Un tel mouvement a toujours des rebonds. Dans les rues, la mobilisation se poursuit.
Quoi qu’il se passe dans la rue, un rebond aura lieu dans les urnes. Peut-être celles des municipales juste après le vote prévu au Parlement. Ce serait cohérent tant le refus de la vente à la découpe du territoire aux promoteurs et « investisseurs » fait écho à la vente à la découpe du système de retraite aux fonds de pension.
Le rebond aura aussi lieu en 2022. Comme 1981 a suivi, même de loin, 1968. Comme Sarkozy a été battu après sa réforme des retraites. Comme la loi El Khomri a été la victoire à la Pyrrhus de Hollande. Le Pen essaie d’avancer ses pions pour étouffer la force sociale qui s’exprime. Elle espère capter l’envie de changement sur le mode de l’attrape-tout. Mais si elle se précipite, c’est surtout qu’elle sait que, si les circonstances et l’action déterminée le permettent, l’horizon politique de ce mouvement peut la balayer aussi sûrement que le pouvoir en place. Car c’est de démocratie et de justice qu’ont envie les Français.