Édito de Benoît Schneckenburger publié dans l’Heure du peuple le 13 janvier 2020.
Nous vivons l’un des plus grands mouvements sociaux de ces dernières années. Par sa durée. Par son ampleur. Par sa motivation. Par son soutien populaire. Ces quatre éléments ensemble en disent long du décalage croissant entre le peuple et les élites qui gouvernent ce pays ou celles qui tentent, de plus en plus mal, d’en façonner l’opinion.
Au-delà de la durée, en effet, ce qui frappe dans la protestation contre le projet de retraite par points, c’est l’extrême diversité des professions qui rejoignent le combat, mené le plus vigoureusement par le secteur des transports. Dans les manifestations syndicales nous rencontrons tous les métiers : hospitaliers, gaziers, avocats, artistes, bâtiment, techniciens, chercheurs, pompiers, enseignants, fonction publique,… La liste ne s’arrête pas, elle semble ne pas avoir de limite, si ce n’est, hélas, la police, dont la profession choyée par le gouvernement en reste à sa fonction désormais assumée de force de répression. Les nouvelles modalités de gestion des manifestations sont désastreuses, notamment sous la houlette du Préfet Lallement si prompt à mettre en œuvre la doctrine « Castaner » avec les terribles dégâts qui s’en suivent. Cette approche vise à ternir le visage des manifestations pour mieux tenter de les délégitimer. Ce gouvernement semble vouloir revenir sur la tradition de revendication sociale pourtant bien établie en France. Il traduit ainsi son ultra libéralisme : dérégulation des marchés mais autoritarisme politique.
Le soutien populaire ne faiblit pas quand bien même on trouverait sans peine un ou deux experts en sondages pour nous dire qu’une large majorité de soutien traduit quand même une baisse. Le gouvernement semble si arcbouté sur ses préjugés idéologiques qu’il fait fi de l’amateurisme de sa gestion du conflit. Après des mois de travail, aucun ministre, aucun député de la majorité ne paraît capable d’expliquer la réforme dans le détail et de répondre aux critiques légitimes qu’elle suscite. Il est aidé en cela par le système médiatique qui ne cesse de vouloir ringardiser les opposants, sans pour autant s’étonner des incohérences constantes du gouvernement. L’unité syndicale jusqu’à présent a été un moteur de la lutte. Elle pourrait se fragiliser, pourtant l’essentiel demeure : ce n’est pas que l’âge pivot qui invalide cette réforme, mais bien le projet de transformer la solidarité nécessaire aux retraites en une opération comptable bloquant tout financement au-delà de 14 % du P.I.B. Les Français·es se mobilisent au contraire pour maintenir cette solidarité, comme ils réclament des transports de qualité, des soins de qualité, une école publique de qualité. Deux visions du monde s’affrontent : nous lutterons jusqu’au retrait !