Éric Le Boucher, dans un article du 19 avril, adjure les lecteurs sur Slate de lire le programme de Jean-Luc Mélenchon. « Vous aimez Mélenchon ? Lisez-le vraiment » écrit-il, on ne peut pas lui donner tort !
Le programme de la France Insoumise, l’Avenir en Commun, est en tête des ventes de livre politique depuis décembre, diffusés à plus de 250 000 exemplaires. Il s’accompagne de livrets thématiques disponibles en ligne, qui complètent de nombreux points du programme et il a été expliqué lors de nombreuses réunions publiques et d’émissions sur YouTube, dont celle de 5h consacrée au chiffrage du 19 février dernier, visionnée plus de 430 000 fois sur YouTube. Donc s’il y a bien un programme qui a été lu, diffusé ou consulté, c’est bien L’Avenir en commun.
Monsieur Le Boucher a donc bien raison d’en conseiller la lecture, et nous l’en remercions. En revanche, le résumé qu’il en fait pour expliquer à ses lecteurs que « Mélenchon promet la lune » témoigne d’une lecture malhonnête de nos propositions.
Une conférence pour la Paix en Europe
Vouloir rediscuter des frontières issues de l’ex-Union soviétique n’est pas donner un quitus à la politique de Vladimir Poutine. Au contraire, en ne discutant pas des découpages brouillons et incertains effectués durant la chute du bloc de l’est, les nations européennes ont donné carte blanche à Monsieur Poutine pour prendre des décisions unilatérales, tandis que l’extension de l’Otan jusqu’aux frontières russes a reconstitué un climat de guerre froide. L’attitude offensive et guerrière de l’Otan est devenue un argument utilisé par Poutine dans son propre pays, et tant que nous ne cesserons pas cette logique de confrontation de bloc nous ne risquons pas de voir le spectre de la guerre disparaître. Quel est le projet diplomatique de l’Otan et l’UE qui la suit ? Aviver la tension avec la Russie, en espérant que Vladimir Poutine finisse par rendre les armes, ou maximise la traque aux opposants ? Cette option nous semble irréaliste et extrêmement dangereuse.
Arrêter avec le piège de la dette
Éric Le Boucher n’a pas compris ce que nous comptons faire de la dette publique. Certes, il conçoit que nous en trouvions une partie illégitime. Nous réclamons un audit citoyen pour déterminer dans quelle mesure son remboursement est justifié. Les logiques spéculatives qui sont en œuvre depuis que les États sont contraints d’emprunter sur les marchés financiers doivent cesser, car elles réduisent la souveraineté des peuples face à leurs créanciers. Éric Le Boucher s’étrangle alors : « Qui sera assez sot pour nous prêter en sachant qu’il ne sera pas remboursé ? ». Et bien la banque centrale, qui retrouvera avec nous son rôle de principal créancier de l’État. Soit via un circuit administré du trésor, semblable à celui qui a porté les investissements publics des Trente Glorieuses. Soit par les investisseurs sérieux qui prêtent pour de l’investissement, et pas pour rembourser de la dette antérieure ! Plus généralement, il y a eu 21 défauts partiels ou complets organisés en Europe au XXe siècle. Et les prêteurs sont toujours là.
Qui est sérieux ?
Éric Le Boucher estime ensuite que notre mesure de lutte contre le chômage, le « droit opposable à l’emploi » n’est pas « sérieux ». Mais laisser des millions de gens sans emploi et dans la misère, est-ce bien sérieux ? « Ubériser » le travail et créer de nouvelles catégories de pauvres, comme le proposent nos rivaux, cela semble-t-il plus sérieux pour Monsieur Le Boucher ?
Dans un pays riche comme le nôtre, aux importants besoins en termes sociaux et écologiques, l’État peut se permettre d’attribuer à chacun un rôle quand le marché du travail seul n’y pourvoit pas. Cette proposition est basée sur une loi adoptée à l’unanimité (!) par l’Assemblée nationale, expérimentant des « territoires zéro chômeur de longue durée », pilotés par ATD Quart-Monde qui convertit les allocations-chômage en contrats de travail adaptés aux qualifications des personnes.
« Lisez ce qui est dit sur l’entreprise »
C’est ce que demande Éric Le Boucher d’un ton visiblement accablé, citant nos mesures pour l’extension de la démocratie en entreprise. Et notamment les mesures suivantes : « Accorder de nouveaux droits de contrôle aux comités d’entreprise sur les finances de leur entreprise » ou encore « Instaurer le droit pour les salarié·e·s à un vote de défiance à l’égard des dirigeant·e·s d’entreprise ou des projets stratégiques ».
Éric Le Boucher conclut même : « Quel est le patron qui, passant au-dessus de ça, va encore embaucher ? » Et bien de très nombreux patrons aspirent à une plus grande participation de leurs salarié·e·s dans des décisions qui les concernent. Les droits de citoyen·ne·s ne doivent pas s’arrêter aux portes de l’entreprise ! Une économie qui place l’humain au cœur de la production doit prendre en compte l’avis des premiers intéressés lorsqu’une entreprise doit faire des choix stratégiques. Si une telle mesure avait été en vigueur, nous n’aurions pas eu des vagues de délocalisations d’usines pourtant rentables.
Lire notre programme, c’est bien. Le faire sans chausser ses lunettes aux verres teintés de néolibéralisme, c’est mieux !