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Accord de libre-échange UE-Singapour : l’UE ne comprend ni n’apprend rien

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Tribune de Frédéric Viale, candidat aux élections européennes, publiée dans Politis le 12 février 2019.

Ce 12 février 2019, le Parlement européen ratifie l’accord de libre-échange entre l’UE et Singapour. Ce vote n’a rien d’anodin, il montre que les institutions de l’UE, les unes dernières les autres poursuivent leur politique férocement néolibérale en dépit de toutes les mobilisations populaires.

Cet accord est saillant par deux points essentiels :
– il comporte un mécanisme de règlement des différends investisseurs/ États (ISDS) qui a déjà fait beaucoup de ravages ;
– il est passé avec un paradis fiscal qui de surcroît n’est pas démocratique.

ISDS, retour du mort-vivant

S’agissant d’un accord qui est arrivé à sa conclusion avant celui avec le Canada (le CETA), il comporte un mécanisme « ancien » de règlement des différends investisseurs/ États (ISDS).

De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un mécanisme d’arbitrage qui réserve aux entreprises transnationales le privilège de siffler dans leur doigts pour convoquer des États et les faire condamner au motif qu’ils ont pris des réglementations contraires à leurs bénéfices escomptés. Ce privilège de juridiction exorbitant est fort intéressant pour les entreprises transnationales car aucune limite n’est posée aux compensations qu’elles peuvent obtenir, la notion de « bénéfices légitimes escomptés » sur laquelle se basent les arbitres pour condamner les États permet tout ou presque et les arbitres, avocats internationaux, peuvent indifféremment être rémunérés par les États et par les entreprises transnationales ce qui les rend trop compréhensibles aux intérêts de celles-ci. La conséquence de tout cela est que les États perdent de fait leur capacité à réguler les entreprises. Celles-ci, par la simple menace de poursuites dispendieuses et incertaines peuvent les décourager durablement à agir dans le sens de l’intérêt collectif. Concrètement, la protection du consommateur, de l’environnement, des droits sociaux se trouvent ainsi sacrifiés.

Ce mécanisme d’arbitrage a occasionné de nombreuses mobilisations. Grâce au travail des parlementaires de gauche au Parlement européen, les mouvements sociaux ont été informés à temps de la présence de ce mécanisme dans les négociations avec les États-Unis (TAFTA) et avec le Canada (CETA). Une Initiative citoyenne européenne auto-organisée a même rassemblé 3.2 millions de signatures en 2015, au point que le chapitre 8 du CETA qui prévoyait initialement le mécanisme ISDS a été rapidement renégocié et qu’a été inventé l’ICS (Système de Cour d’investissement) présenté comme un peu moins nocif, la Commission décidant à cette occasion de nous infliger le choléra au lieu la peste – faible avancée, on en conviendra.

Pendant ce temps, l’accord avec le Singapour, conclut plus facilement, poursuivait son chemin. Bénéficiant d’une certaine confidentialité, il arrive à ratification sans même que la Commission ne se soit donné la peine de remaquiller l’ISDS en ICS. Une fois de plus, cela démontre le peu de cas que la Commission accorde aux mobilisations populaires ni d’ailleurs à sa propre parole – faut-il rappeler que pour tenter de faire accepter l’ICS elle avait juré ne plus jamais avoir recours à l’ISDS ?

Singapour, paradis fiscal et enfer social, environnemental et politique

L’autre aspect, est que cet accord de libre-échange est un paradis fiscal doublé d’une plate-forme maritime de pavillons de complaisance.

Qui dit paradis fiscal dit nécessairement montages financiers opaques et hors contrôle avec son lot d’évasion ou de fraude fiscale.

Qui dit pavillons de complaisance dit un trafic marchand maritime usant et abusant de navires poubelles et de marins précarisés.

Par ailleurs, les droits d’expression et de manifestation ne sont pas respectés à Singapour qui n’a pas ratifié les conventions 87 et 111 de l’OIT sur la liberté d’association et sur les discriminations.

En somme, la Commission européenne qui perd rarement l’occasion de tenir des discours lénifiants sur sa sensibilité aux préoccupations sociales, environnementales et démocratiques montre qu’en réalité, sa sensibilité est entièrement axée sur la sauvegarde coûte que coûte des intérêts des entreprises transnationales. Ou, pour le dire autrement, qu’elle poursuit contre vents et marées une politique archaïque qui ne peut en aucun cas nous aider à faire face aux défis que nous connaissons.

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