M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la pollution par les industriels des cours d’eau français, véritable danger pour la survie des poissons des rivières. Tous les ans, entre 300 milliards et 500 milliards de kilos de déchets industriels sont jetés dans les mers. Chaque seconde, ce sont donc 12 700 kilos de polluants qui sont déversés dans les eaux mondiales. Ces chiffres sont trop élevés pour qu’on puisse se figurer ce que cela représente. Concrètement, la pollution toxique des rivières par les rejets des usines ou de l’agriculture industrielle intensive est dangereuse pour le milieu aquatique. Elle est créée par des produits d’origine minérale (mercure, plombs, arsenic), des produits d’origine organique (nitrate, engrais) et des pesticides. À dose même minimale, ces substances peuvent détériorer l’écosystème des rivières. Par exemple, en août 2018, le déversement de matière organique dans la rivière Oise (Aisne) par une entreprise de sucre a supprimé tout oxygène dans l’eau, engendrant une asphyxie mortelle pour l’intégralité des poissons. Il y a un autre exemple. Il faut s’imaginer quelqu’un au bord d’une rivière, les oiseaux gazouillent, le soleil brille. Le clapotis de la rivière contre les rochers le berce, et il décide de s’asseoir sur l’un d’eux, les pieds dans l’eau. Il fixe les environs à leur recherche, mais la surface de l’eau est tachetée de formes oblongues, si bien qu’aucun roc n’apparaît clairement. Les monticules minéraux se perdent dans un océan de poissons, gisant sur le dos. Paniqué, le constat suivant est fait : la rivière est devenue un cimetière, aux milliers de cadavres aquatiques. Ce tableau, c’est celui de la rivière de la Flèche, en Bretagne. L’ensemble de ces poissons sont morts des suites de la pollution provoquée par un élevage industriel en amont. M. Kermarrec, président de l’association agréée de pêche et de protection du milieu aquatique, explique dans Le Télégramme que pour les espèces de saumons, truite, chabot ou anguille, il faudra des années pour que les populations retrouvent leur taux normaux d’individus ! Incident isolé ? Depuis six ans, chaque année, une pareille pollution est constatée dans les bassins de l’Elorn et de la haute Flèche. Cas particulier ? Cas médiatisé ! À ces pollutions chroniques, on peut ajouter des pollutions ponctuelles, tout aussi dévastatrices. En juillet 2018, un camion transportant du chlorite de sodium a renversé la moitié de son contenu dans les eaux du gave d’Aspe. La pollution est étendue sur plus de 7 kilomètres, tuant plus d’un millier de poissons. Voilà des exemples de ce qu’on appelle la mort écologique, appliquée à une rivière. Les firmes disposent de subventions des agences de l’eau pour financer des équipements de réductions des pollutions. Plus encore, pour pallier la pollution des milieux naturels aquatiques par les industriels, il existe déjà un arsenal de textes : le titre I du livre II du code de l’environnement qui fait de l’eau un élément du patrimoine commun de la nation, l’arrêté ministériel du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau, ainsi qu’aux rejets de toute nature des installations soumises à autorisation, définissant les concentrations maximums de rejets pour les produits aqueux de type métaux ou matière organique, une batterie d’arrêtés ministériels sectoriels dont découlent des prescriptions adaptées à chaque industriel, transcrites dans les arrêtés préfectoral d’autorisation. Enfin, une directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne en date de 2000, qui vise le bon état écologique et chimique de 100 % des eaux d’ici 2015. La date est aujourd’hui dépassée, l’objectif non atteint. En 2013, 35,9 % des cours d’eau étaient en bon état chimique et 42,2 % de ces mêmes eaux étaient dans un bon état écologique. Une nouvelle date butoir a été fixée en 2027 afin que la France remplisse cet objectif. Mais on en est très loin. Car, si les textes existent bien, il s’agit d’obligations sans contrainte au vu des résultats largement insuffisants. Pour ce faire, le Gouvernement fait confiance aux industriels, en préconisant « l’auto-surveillance », selon les termes du décret du 2 février 1998. Chaque industriel serait responsable du contrôle de ces propres déchets, ce qui est la source manifeste de tous les abus, et la cause du retard français sur le bon équilibre écologique des eaux. Ce contrôle entièrement partial ne peut en aucun cas être satisfaisant. Il y a en plus des contrôles faits par des entreprises indépendantes spécialisées, mais cette surveillance est sporadique et à la demande de l’inspection des installations classées (ce sont les installations industrielles et agricoles susceptibles de créer des risques ou de provoquer des pollutions ou des nuisances). Cette surveillance n’est pas régulière. Plus, parfois le rejet de substances toxiques polluantes est tout simplement autorisé par les pouvoirs publics. Il en va ainsi de l’usine de Gardanne, gérée par la société Alteo, qui pendant plus de 50 ans, a déversé des résidus polluants issus de l’alumine dans la mer Méditerranée. Aussi, il souhaite qu’il lui apprenne quelles mesures il compte prendre afin que les eaux usées industrielles soient neutralisées, détoxiquées, épurées avant de retourner dans les rivières. Il souhaite savoir quand exactement le Gouvernement mettra en place un contrôle systématique et indépendant sur les rejets polluants des filières industrielles, et appliquer enfin l’interdiction de polluer les eaux de surface. Ces dégradations environnementales peuvent et doivent être évitées, et il est possible de mettre en place une réglementation réellement contraignante pour une industrie propre, vecteur indispensable d’une transition écologique réelle.
Réponse du ministère publiée le 05/03/2019
Le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire (MTES), est vigilant au sujet du traitement et du suivi des eaux usées industrielles. Les établissements industriels relèvent le plus souvent de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). En plus de la réglementation strictement française, la directive 2000/60/CE, dite directive-cadre sur l’eau (DCE) qui établit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau s’applique. Cette directive vise le bon état écologique et le bon état chimique pour les masses d’eau de surface comme le bon état chimique et le bon état quantitatif pour les masses d’eau souterraines. La réglementation (code de l’environnement, DCE, arrêté ministériel du 2/02/98) permet déjà de prendre en compte les différents types de polluants en fonction de l’acceptabilité par le milieu, de la nature et de l’importance de l’activité industrielle. L’auto-surveillance est un principe de base de la réglementation environnementale et vise à responsabiliser les principaux contributeurs. Il n’est pas souhaitable que l’État se substitue à l’industriel pour vérifier le bon fonctionnement en continu de ses équipements. Cependant, en plus de l’auto-surveillance, les services du MTES peuvent faire procéder à des vérifications régulières, par des laboratoires agrées, du respect des valeurs limites en rejets autorisées. Les non conformités alors constatées font l’objet pour l’exploitant des sanctions prévues par le code de l’environnement. L’état des masses d’eau, en application de la DCE, a été établi en prenant en compte la situation existante héritée d’un long passé industriel.
De nombreux efforts sont actuellement réalisés pour atteindre les objectifs visés par la directive aussi bien par les collectivités, les différents acteurs économiques ou les industriels. L’état des masses d’eau est de plus en plus précis et le rôle des différents contributeurs de mieux en mieux établi. De nombreux travaux d’amélioration de la qualité et de la quantité des rejets sont entrepris par les principaux contributeurs avec l’appui des agences de l’eau. Les services du MTES maintiennent une pression forte auprès des industriels pour que ceux-ci participent activement à l’objectif du bon état des masses d’eau. Cette action est également réalisée en toute transparence car les émissions industrielles sont consultables sur le site internet Géoriques en libre accès pour le public.