C’est une information passée sous les radars en cette rentrée 2018 : le gouvernement cessera, à partir de l’an prochain, de compenser intégralement au budget de la Sécurité sociale les exonérations de cotisations sociales qu’il lui impose. Une mesure injuste, inefficace, et qui menace l’existence même de la Sécurité Sociale (la Sécu).
Les exonérations et exemptions de cotisations sociales sont une subvention accordée à certains employeurs. Il s’agit d’une politique conduite au nom de la « baisse du coût du travail ». En clair, pour certains niveaux de salaires bas, les employeurs n’ont pas à payer le montant normal de cotisations (pour couvrir les frais d’assurance-chômage, d’assurance-maladie, d’assurance-vieillesse ou d’assurance contre les accidents des salariés). L’Etat leur accorde le droit de verser un niveau réduit de cotisations, soit-disant pour « favoriser l’embauche » - en réalité, il est démontré depuis longtemps que la majorité des gens embauchés ainsi l’auraient été dans tous les cas, et ce dispositif offre un cadeau aux petits employeurs… mais aussi aux grands patrons ! . Même les études les plus optimistes sur le CICE , qui coûte plus de 20 milliards d’euros par an, concluent à un nombre d’emplois créés ou sauvegardés variant entre 10 000 et 100 000, soit un coût par emploi d’au moins 200 000 euros… alors que le coût moyen d’un emploi en France est de 50 000 euros. Avec la même somme, on aurait créé quatre fois plus d’emplois directs, dans le public ou dans le privé !
Les baisses de cotisations représentent un total de 46,5 milliards d’euros en 2018, et atteindront plus de 72 milliards d’euros en 2019, après la transformation du CICE en exonération de cotisations sociales. Jusqu’à présent, l’Etat compensait ces exonérations. Un euro offert aux employeurs était compensé par un euro de l’Etat, via les impôts. Ainsi, l’Etat garantissait que la Sécurité sociale continue à indemniser les malades, les retraités, les chômeurs et les accidentés, malgré une baisse de ses recettes (pour rappel, les cotisations sociales représentent 56% des recettes de la sécurité sociale). Dit autrement, pour financer les cadeaux faits au MEDEF (qui ne verse plus ces cotisations sociales, et reçoit bien plus d’argent par ce biais que les petits employeurs), l’Etat, par l’intermédiaire de vos impôts et vos taxes, versait à la Sécu un montant équivalent à ces cadeaux.
A compter de 2019, plus de 72 milliards d’euros seront offerts aux actionnaires, soit l’équivalent du budget de l’Etat consacré à l’« enseignement scolaire ». Mais en plus, avec la non-compensation systématique, le budget de la Sécu est directement menacé. Le gouvernement raconte que cette non-compensation systématique est justifiée par les excédents budgétaires de la Sécu (tiens, les gens « n’abusent » plus, lorsqu’il s’agit de couper !). Mais ces « excédents » sont en fait le résultat des politiques d’austérité passées et à venir, menées dans le domaine des retraites (allongement de l’âge, baisse de la revalorisation des pensions, retraite à points annoncée par Macron) et de la santé (diminution du remboursement des soins courants, plans d’économies massifs imposés à l’hôpital avec les désastres que l’on sait). La diminution de la couverture sociale des Français est donc utilisée par ce gouvernement pour justifier le financement par la Sécu des cadeaux à destination du grand patronat.