Nouvel épisode des Chroniques FiFOOT avant le match des Bleus face au Pérou ce jeudi à 17h. L’occasion de revenir sur les relations commerciales entre l’Europe et l’Amérique du Sud…
France – Australie, qu’on se le dise, c’était pas le Pérou ! Malgré une victoire, les bleus n’ont pas encore totalement convaincu dans le jeu lors de leur premier match. Séance de rattrapage aujourd’hui, la France peut montrer qu’elle est une grande équipe, à la hauteur des talents qui la compose. Et sinon, il nous reste toujours la fameuse « chance à Dédé ». L’adversaire du jour ne sera pas facile à manœuvrer, comme toutes les équipes du continent sud-américain.
L’Amérique du Sud est le continent du football, tout le monde le sait. Ce que l’on sait moins c’est que la Commission européenne est en train de négocier avec celui-ci un accord de libre-échange. Comme d’habitude, les discussions se passent dans le plus grand des secrets, loin du regard et de l’intervention des peuples d’Europe. Le Pérou est en effet « membre associé » du Mercosur, la zone de libre-échange sud-américaine. En France, la signature de cet accord serait une catastrophe pour l’agriculture et la filière bovine en particulier. On parle en effet de 70 000 à 99 000 tonnes de viande de bœuf des pays du Mercosur qui pourraient désormais entrer sur le territoire européen sans droits de douane. Des produits moins chers car nourris au soja transgénique. Même la FIFA est plus regardante que l’Union européenne : elle, a suspendu le capitaine du Pérou, Guerrero, pour dopage…
Mais si cet accord est dangereux pour les pays européens, il l’est aussi pour les sud-américains. Il va pousser l’agriculture à s’industrialiser et à se spécialiser pour l’export, tuant ainsi sa composante vivrière. Pour s’en convaincre, il faut regarder ce qui s’est passé depuis que le Mexique a signé un accord de libre-échange avec les États-Unis, l’ALENA. 5 millions d’emplois agricoles ont été perdus et 2 millions d’hectares sont laissés en jachère. Le Mexique qui était autosuffisant pour son alimentation en 1994 dépend maintenant des États-Unis pour 40% de ses besoins. L’ouverture totale du pays au capital états-unien a essentiellement créé de la pauvreté et des vagues d’exil forcé aux États-Unis.
Mais si cet exemple ne convainc pas les ayatollahs du libre-échange, ils n’ont qu’à regarder ce que cela a fait au foot ! En 1995, l’arrêt Bosman de la cour de justice de l’Union européenne libéralise totalement les transferts de joueurs sur les championnats européens. Il interdit que l’on puisse imposer aux clubs des quotas obligatoires de joueurs nationaux ou formés maison.
Après le #CETA, Macron veut que l’Union européenne fasse un accord avec #Mercosur. Encore un nouvel accord de libre-échange polluant et destructeur d’emplois ! pic.twitter.com/4MvPMmOKR8
— La France insoumise (@FranceInsoumise) 24 février 2018
La conséquence en Europe : l’envolée du foot business. Depuis, le prix de transfert du joueur le plus cher a été multiplié par 16. Et rien que depuis 2012, le prix de transfert des 200 joueurs les plus chers a plus que doublé. Et ceux qui n’ont pas les moyens sont logiquement exclus des premières loges du football européen. Avant l’arrêt Bosman, le Steua Bucarest (1986), le PSV Eindhoven (1988) ou l’étoile rouge de Belgrade (1991) pouvaient gagner la ligue des champions. Désormais, il faut faire partie du cercle très fermé des clubs milliardaires pour y prétendre.
En Amérique latine, les championnats nationaux qui génèrent le plus de ferveur au monde, se sont vus pillés de leurs meilleurs joueurs. Ainsi de l’attaquant star du Pérou, Farfan, parti dès ses 20 ans jouer dans des clubs européens. De même de Guerrero, acheté à son club formateur, l’Alianza Lima, par le Bayern Munich lorsqu’il avait 18 ans. Injuste pour les péruviens qui sont de véritables fous de foots. A tel point que lors de leur qualification pour le mondial 2018, les sismographes détectèrent les vibrations de leurs fêtes. Ce que le libre-échange a fait au foot, il le fera à l’agriculture. Plutôt le fric comme boussole que les aspirations populaires. Plutôt « millionnaires qui courent après un ballon » que « royaume de la loyauté humaine exercé au grand air ».
Heureusement, ni l’Union européenne, ni le Mercosur n’ont d’équipe de foot. On peut donc encourager Pogba, Griezmann et consorts en étant fermement ancrés du côté de la souveraineté populaire.