Depuis le début de l’année, M. Macron se retrouvait impuissant. Son discours n’imprimait plus. Sa popularité s’effondrait sondage après sondage (-5 points dans le dernier baromètre Ifop pour le JDD publié ce dimanche 18 février). Au point de susciter un rejet plus important encore que ses prédécesseurs au même stade de leur mandat. Alors M. Macron a décidé de remonter à l’assaut. De manière brutale et symbolique, en ciblant là la fonction publique, plus loin la SNCF.
Ne nous trompons pas sur la méthode adoptée. En intitulant il y a un an son livre de campagne « Révolution », chacun a bien compris ce que M. Macron était en train de faire : s’arroger l’idée de rupture par triangulation pour mieux reprendre à son compte un terme auquel est attachée l’idée qu’un temps est révolu tout en le remplissant du sens de réforme. Car il faut reconnaître à M. Macron l’obsession de réformer. C’est même là la tâche qui lui a été assignée par les puissants. Mais réformer n’a ici rien à voir avec la rupture avec l’ordre établi. Il s’agit de « ramener quelqu’un ou quelque chose à un état préférable ». Le sens de la réforme dépend alors de ce qui est jugé « préférable », par qui et pour quoi. Concernant M. Macron, nous avons désormais la réponse.
Le président entend réformer quoi qu’il en coûte. Quoi qu’il en coûte ! Fidèle au libéralisme économique le plus échevelé (écervelé ?), M. Macron croit en la puissance des destructions créatrices. Il peut ainsi se targuer une semaine, depuis Versailles, d’enregistrer 700 créations d’emplois chez Toyota sans que les annonces les semaines suivantes des 2400 suppressions de postes chez Carrefour, des plus de 400 chez Brico Dépôt et Castorama, des 1000 suppressions d’emplois chez SoLocal, ex Pages jaunes, entrent dans la balance. Il peut annoncer un une grande « réforme » de l’hôpital sur la base d’une moindre offre de soins et d’une privatisation rampante. Il peut dédoubler des CP tout en fermant à côté des centaines de classes et des dizaines d’écoles rurales.
Ses nouvelles cibles ? La fonction publique et la SNCF. M. Macron, au nom de ce qui est « préférable » pour ceux qui l’entourent, juge nécessaire de saper l’Etat dans ses fondements, d’abattre un service public auquel il ne croit pas, et d’offrir une nouvelle part du gâteau au privé. Redéfinir et supprimer des missions du service public en remplaçant les fonctionnaires par des contractuels pour arriver à la même gabegie et aux mêmes drames humains que chez France Telecom ? Ouvrir le rail à la concurrence pour mettre les passagers en danger comme au Royaume-Uni ?
Qui ne voit pas que, comme Sarkozy s’en était pris aux « régimes spéciaux » avant de lancer l’année suivante sa réforme des retraites, M. Macron procède d’un même calendrier ? Qui ne voit pas que les coups portés au service public et au transport public relèvent de la soumission aux injonctions de Bruxelles qui ne saurait souffrir de modèle remettant en cause la concurrence libre et non faussée ?
Cette croyance aveugle dans le système nécessite de fermer les yeux sur les dégâts qu’elle génère, d’occulter la souffrance des gens, et donc de se couper du ferment populaire. Là est la pratique d’un pouvoir qui semaine après semaine se recroqueville sur lui-même et qui ne peut désormais plus s’exprimer qu’en ressuscitant une forme de césarisme.
Il est désormais clair que dans cette destruction-créatrice, ce qui est « préférable » pour les intérêts de quelques uns se fait au détriment des intérêts du peuple.
François Cocq