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Question écrite au Gouvernement : Santé mentale de la jeunesse : la Défenseure des droits nous alerte !

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Mme Muriel Ressiguier alerte M. le ministre des solidarités et de la santé sur l’état de la santé mentale de notre jeunesse et le manque de structures d’accompagnement en pédopsychiatrie.

A l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, la Défenseure des droits Claire Hédon et son adjoint Défenseur des enfants, Eric Delemar, ont rendu public le 20 novembre dernier un rapport annuel intitulé “Santé mentale des enfants : le droit au bien-être”, consacré aux droits de l’enfant.

La rédaction du rapport s’appuie sur près de 3000 réclamations reçues par les Défenseurs des Droits et des Enfants, ainsi que la consultation d’enfants et de professionnels : médecins, infirmières scolaires, enseignants, éducateurs, psychiatres et  pédiatres. Les témoignages convergent pour faire état d’une situation particulièrement critique, celle du mal être qui se propage chez les enfants et du manque de prise en charge par les professionnels de santé. 

Ce rapport démontre que le premier confinement lié à la crise sanitaire a conduit à une hausse générale des syndromes dépressifs, avec un taux qui a même doublé chez les 15-24 ans.  En effet, 10 % de ces derniers présentaient un syndrome dépressif en 2019, contre plus de 20 % en 2020. Plus généralement, le document fait le constat d’une hausse des troubles anxieux, des phobies sociales et des addictions aux écrans numériques. Une situation que confirment des chercheurs de l’Inserm et de l’Ined qui révèlent que 13% des enfants de 8 à 9 ans ont été concernés par des troubles socio-émotionnels pendant le confinement. 22% d’entre eux ont rencontré des troubles du sommeil. Les professionnels de l’enfance interpellent sur la perturbation des rythmes circadiens, des troubles alimentaires et des troubles du sommeil des enfants.

A l’école les enfants sont épuisés, ils souffrent de problèmes d’attention et les professeurs ont également du mal à les mobiliser sur des projets. En cause, le bouleversement de la vie quotidienne des enfants, le temps prolongé des confinements, l’isolement engendré par les fermetures d’écoles, l’enseignement à distance et l’arrêt des activités physiques et sportives, ont eu des conséquences considérables sur la santé mentale de notre jeunesse. L’alternance des périodes d’isolement et de retour à la vie en collectivité est fortement déstabilisante et rend difficile le fait de se projeter dans l’avenir.

Face à ce fléau, la défenseure des droits alerte sur le manque, voire l’absence, de prise en charge des ces jeunes en difficultés. Elle dénonce le manque de psychologues, de médecins et d’infirmiers scolaires, les listes d’attente de plusieurs mois voire d’années pour bénéficier d’un suivi en centre médico-psycho-pédagogique ou en institut médico-éducatif, mais aussi le manque de places en pédopsychiatrie et les fortes disparités territoriales.  En effet, le manque de moyens, de structures et de personnels a des conséquences dramatiques.  25 départements ne sont même pas couverts en pédopsychiatrie ou ont des services uniquement ambulatoires, comme dans les départements des Alpes-de-Haute-Provence, de la Corrèze, des Côtes d’Armor, de la Creuse, de l’Eure, de l’Indre, de la Haute-Vienne et des outre-mer. Concernant les établissements scolaires, on compte seulement 1 médecin scolaire pour 12 000 élèves en moyenne et 1 infirmiers pour 1600 élèves.

Il existe également des carences structurelles pour l’accueil des enfants. Les dispositifs existants pour les adolescents, n’existent pas pour les enfants plus jeunes de 6 à 11 ans en dehors de la Protection Maternelle et Infantile. Pourtant un Rapport de la “Mission Bien-être et Santé des jeunes” de novembre 2016, relève que 50% des pathologies psychiques débutent avant 14 ans.

On assiste à une explosion des demandes de consultation en psychiatrie infanto-juvénile qui a augmenté de plus de 60% en 20 ans, tous modes de prise en charge confondus, hospitalisation complète, hospitalisation partielle ou soins ambulatoires, et les retards de prise en charge s’accumulent. Parfois les enfants sont accueillis dans des services non adaptés. Par exemple, faute de lits suffisants dans les services de pédopsychiatrie, et voire en leur absence dans certains départements, certains mineurs peuvent parfois être accueillis dans les unités destinées aux adultes. Proposer à un enfant vulnérable une prise en charge non adaptée peut aggraver la situation et lui faire courir davantage de risques pour sa santé.

Ce défaut de prise en charge entraîne des situations de surmédicalisation, ce qu’évoque le rapport. Selon le Haut Conseil de la santé publique, on assiste à une surconsommation des anxiolytiques chez les enfants. Les traitements médicamenteux sont une solution dans certaines situations mais ne peuvent en aucun cas pallier à l’absence de personnels ou de services.

La Défenseure des droits alerte sur l’importance de traiter dès les premiers signes, ce qui peut nous apparaître comme une évidence ! Mais hélas faute de places et par manque de personnels, on ne prend souvent en charge que les patients en crise, en situation d’extrême urgence qui représentent un danger pour les autres ou pour eux-mêmes. Le défaut de prise en charge des troubles de santé mentale constitue une entrave au bon développement de l’enfant et à son intérêt supérieur. Cela a pour conséquence de bafouer ses droits d’enfant : son droit à l’épanouissement, son droit à l’apprentissage. « La santé mentale est une des conditions de l’apprentissage et de la réussite scolaire », souligne Claire Hédon, prévenant qu’« un enfant qui ne va pas bien deviendra un adulte qui va mal » et qui vivra dans « une société qui va mal ». Et pourtant « une prise en charge très rapide d’un enfant en situation difficile » peut résoudre les difficultés, alors que « si on laisse traîner », les conséquences peuvent être graves sur le long terme, y compris à l’âge adulte.

L’article 24 de la Convention internationale des droits de l’enfant dont la France est pourtant signataire, reconnaît à chaque enfant le droit à la santé et à l’accès aux services de santé : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services »


Il faut considérer l’importance et les enjeux de la santé mentale des enfants qui se dégrade et à agir urgemment par une approche globale en considérant l’environnement dans lequel évolue l’enfant, sa santé physique, son environnement familial et scolaire, les relations affectives, les conditions de vie et les réseaux sociaux.

Par ailleurs, ce qui ressort des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui se sont tenues les 27 et 28 septembre derniers, c’est que la capacité d’accueil en psychiatrie dans les hôpitaux publics a chuté de 13 % entre 2013 et 2019, au profit du secteur privé. C’est pourtant une nécessité de maintenir un service public de psychiatrie partout sur le territoire pour offrir un accès aux soins à tous. Sur 10 000 professionnels qui ont répondu à une consultation publique lors de ces assises, 57% estiment que la priorité est une valorisation des métiers, 54% pensent qu’il faut de nouveaux moyens humains ou financiers. 

« On se focalise toujours sur la question des urgences et la pénurie de lits en raison de situations critiques, et c’est dramatique, mais la psychiatrie devrait être là pour empêcher l’hospitalisation, prévenir les tentatives de suicide chez l’enfant, c’est une discipline de prévention » selon  le professeur Olivier Bonnot, chef du service universitaire de pédopsychiatrie du CHU de Nantes.

Nous vivons dans une société où les gens vont de moins en moins bien, les adultes compris. La pédopsychiatre et la psychiatrie sont sous-financées et sacrifiées lorsqu’on ferme des services et que l’on supprime du personnel. Le défaut d’accueil des patients et le manque d’accompagnement des personnes vulnérables peuvent engendrer de la maltraitance institutionnelle lorsqu’une prise en charge est refusée faute de place ou que le recours à la contention est utilisé faute de personnel. L’hôpital est en crise et en perte de sens. Ce qui est inacceptable pour des adultes, l’est bien évidemment pour des enfants.

Ce sont des moyens concrets, à savoir recrutements de personnels et réouvertures de services dont a besoin la psychiatrie. Faute d’une prise en charge adaptée, accessible à tous, des patients, des familles et des soignants se retrouvent démunies.

Monsieur le Ministre, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre et dans quels délais pour permettre enfin une prise en charge psychiatrique adaptée accessible à chaque enfant qui en a besoin sur tout le territoire ?

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