Le 12 janvier 2021, le député Ugo Bernalicis interrogeait Éric Dupond-Moretti, le garde des sceaux en séance à l’Assemblée nationale, sur les perspectives d’évolution de la présentation du budget du ministère de la justice, afin de permettre une plus grande lisibilité et donc une plus grande transparence.
La commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, présidée par Ugo Bernalicis, a constaté, sur la base des retours unanimes des personnes auditionnées, tant de la chancellerie que des professionnels et experts, que la présentation actuelle du budget de la justice n’est pas satisfaisante. En effet, les discussions parlementaires sur le budget justice sont complexes voire de insincères, compte tenu du fait que la mission justice se trouve mélangée à d’autres fonctions, ce qui nuit à sa lisibilité.
Un budget qui ne demande qu’à devenir lisible
Des pistes sont pourtant envisagées depuis longtemps. Pour gagner en lisibilité, le professeur Bouvier propose de distinguer deux missions : la première mission dite « justice judiciaire », comprenant les trois programmes concernant directement le fonctionnement des juridictions judiciaires (le programme 166 justice judiciaire, le programme 335 portant sur le CSM et partiellement le programme 101 sur l’accès au droit et à la justice). La seconde mission, qualifiée d’administration de la justice, comprend les programmes relatifs aux politiques publiques périphériques et à l’activité des juridictions (le programme 107 « administration pénitentiaire », le programme 182 « protection judiciaire de la jeunesse » et le programme 310 « conduite et pilotage de la politique de la justice »). De surcroît, au-delà d’une meilleure lisibilité, il manque une programmation budgétaire organisée autour d’un véritable dialogue de gestion qui corresponde à une architecture budgétaire de la justice cohérente avec la cartographie judiciaire.
En ce sens, le rapport Bouvier soulignait déjà en juillet 2017 que « le dialogue de gestion tel qu’il est actuellement pratiqué est très critiqué par les chefs de cour. Le dialogue, essentiellement formel, ne laisse que peu de place à la remise en cause des choix déjà opérés par la chancellerie ». Dans le même sens, M. Gilles Accomando, ancien président de la conférence des premiers présidents de cour d’appel, indiquait à la commission d’enquête souhaiter « un véritable dialogue de gestion avec le ministère sur l’affectation des moyens » qui permette de « recentrer les décisions portant sur la répartition des crédits à la main du ministère au niveau des vrais responsables que sont les chefs de cours, de même que le directeur de l’ENM effectue, au sein des moyens qui sont attribués à l’École, des arbitrages entre ses services informatiques, budgétaires, etc. ».
Pour une cartographie judiciaire stratégique et opérationnelle
Depuis 2012, la cartographie des budgets opérationnels de programmes (BOP) ne permet pas aux cours d’appel de disposer des moyens pour asseoir leur autorité stratégique et opérationnelle. Le positionnement des responsables de BOP entre la direction des services judiciaires (DSJ) et les unités opérationnelles (UO) est en effet difficile. Dès lors que les chefs de cour se perçoivent comme des pairs et que certains responsables d’UO exercent au sein de cours ayant une structure et une activité plus grandes que les responsables de BOP auxquels ils sont rattachés, la définition d’une stratégie et l’exercice d’une véritable coordination s’avèrent impossibles et les relations entre BOP et UO reposent au mieux sur la recherche d’un consensus au sein d’instances de concertation.
Les BOP apparaissent ainsi comme une juxtaposition d’UO, parfois assistées par le SAR du BOP, sans uniformisation des pratiques et des politiques. La cartographie conduit également à ce que les chefs de cour responsables à la fois de BOP et d’UO soient parfois amenés à concilier des intérêts contradictoires. Il est impératif de revoir la cohérence de la déclinaison en budgets opérationnels de programmes (BOP) et en unités opérationnelles (UO).
Quel calendrier de suivi des recommandations ?
Ainsi, le rapport de la commission d’enquête propose la création d’un budget opérationnel de programme par cour d’appel, et de mettre en œuvre et de renforcer les instruments de gestion, en particulier par la mise en place d’une comptabilité analytique pour mieux connaître les coûts de chaque politique. Pour la majeure partie, ces modifications ne nécessitent pas de modification législative et relèvent directement des compétences du garde des sceaux, ministre de la justice. Aussi, Ugo Bernalicis lui demande dans quelles conditions il est susceptible de travailler sur ces propositions et selon quel calendrier.