Discussion Générale : Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche

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Madame la Ministre, lors de la séance de questions au séminaire des nouveaux directeurs et directrices d’unité, le 4 février 2020, vous avez dit “La recherche a besoin de temps, de moyens et de visibilité : c’est tout l’objet de cette loi.”

Une belle déclaration qui pouvait faire espérer une prise de conscience de la part du Gouvernement et un changement de braquet salutaire. Mais, à la lecture du projet de loi : c’est la douche froide !

Fidèle au modèle de la start-up nation et de la rentabilité à court terme, vous continuez à développer la concurrence à outrance pour vous stimulante ainsi que la précarité et persistez à organiser la fuite des investissements publics vers le privé.

Votre idéologie enterre davantage encore la recherche publique, pourtant primordiale à l’heure où nous devons faire face à de nombreux défis sociétaux, sanitaires et environnementaux.

Vous annoncez 25 milliards d’euros pour la recherche d’ici 2030, dont seuls 400 millions supplémentaires sont budgétisés en 2021. Qu’adviendra-t-il après 2 022 ? Nous l’ignorons, car nous n’avons aucune certitude sur l’engagement des gouvernements à venir.

Lors de votre audition en commission le 9 septembre, concernant la LPPR, vous avez affirmé ne pas entendre de « conflit social majeur sur ce sujet ». Vous nous avez également invités à être dans le réel et à faire la promotion de ce projet de loi. Derrière les effets d’annonce et un vocabulaire trompeur, se cache un projet libéral que vous n’assumez pas. Ce qui est dommage car cela aurait le mérite de clarifier le débat.

Votre projet n’entraîne pas l’adhésion, car il ne répond pas aux besoins structurels de la recherche, ni aux demandes d’amélioration des conditions de travail des personnels.

Ainsi, un sondage réalisé par RogueESR révèle que sur 2 500 personnes interrogées, toutes issues du domaine scientifique, 81% rejettent le volet managérial et statutaire de la LPPR et 85% pensent que la précarité d’une partie du personnel affecte la production scientifique de l’ensemble.

La multiplication des contrats précaires, avec la mise en place de CDI de mission scientifique, les chaires de professeurs juniors, et les contrats doctoraux de droit privé, tend à supprimer peu à peu le statut de fonctionnaire.

Vous instaurez une concurrence entre les générations voire au sein d’une même génération. Quant aux inégalités entre les femmes et les hommes, rien n’est fait pour y remédier. Or, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à bénéficier du statut de Maîtres de conférences ou de professeurs d’université. Seulement 30% sont Directrice de recherche. Elles sont plus nombreuses que les hommes en sciences humaines, disciplines sous dotées et mal considérées. Elles publient bien moins que les hommes dans les revues scientifiques. De fait, plus on monte dans la hiérarchie universitaire, moins les femmes y sont représentées.

Par ailleurs, vous annoncez fièrement un renforcement considérable du budget de l’ANR et surtout du principe d’appel à projets. Or, ce mécanisme d’attribution des moyens est problématique. 

En effet, même si selon vous, l’augmentation du budget de l’ANR permettra désormais de répondre positivement à 30% des candidatures aux appels à projets, ces financements profiteront à une minorité d’établissements et seulement aux plus prestigieux, comme nous pouvons déjà le constater. La logique est la même avec le préciput accordé par l’ANR à ceux qui auront remporté les appels à projets.

Enfin ce système limite les thématiques scientifiques et réduit la liberté des chercheurs.

Vous conservez également le CIR, pourtant régulièrement remis en cause y compris par la Cour des Comptes. Cette niche fiscale de plusieurs milliards d’euros par an, devrait être réaffectée aux dotations pour charge de service public, utilisées pour les salaires et le fonctionnement des laboratoires.

Concernant les nouvelles modalités d’évaluation, Thierry Coulhon, Conseiller Enseignement supérieur et recherche du Président Macron, déclarait en janvier : le HCERES, « doit nous permettre de fuir tout faux-semblant, tout déni de réalité, de regarder en face avec précision et objectivité la qualité de la formation, de la recherche et de la gouvernance que nous produisons ». La CGT CNRS déplore elle « une évaluation chronophage et excessivement coûteuse en temps et en moyens, une évaluation pratiquée exclusivement par des personnes nommées et choisies en dehors de tout principe de démocratie. »

De plus, l’évaluation ne fait pas de distinction entre les domaines de recherche. Elle se base sur la quantité et sur des notes données aux laboratoires, avec pour finalité une meilleure dotation aux mieux notés.

Loin de tirer les enseignements de la crise sanitaire, la LPPR renforce une compétitivité nocive pour la collaboration scientifique.

Nous ne partageons pas votre vision du monde d’après, profondément inégalitaire et mortifère pour la recherche publique !

Je vous remercie.

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