Article rédigé par le groupe thématique « Culture » de La France insoumise. Vous aussi, rejoignez un groupe thématique.
La crise sanitaire du Covid-19 génère une situation inédite dans le domaine des arts et de la culture. Alors que les mesures de confinement ont entraîné la fermeture des théâtres, musées et autres lieux culturels ainsi que l’annulation des festivals, répétitions et tournages, on assiste à un foisonnement de propositions culturelles en libre-accès sur une multitude de plateformes numériques. Un rapport à la diffusion - et même à la création - se réinvente, des contenus culturels sont partagés sur internet dans une volonté de solidarité et de partage… ou d’enjeux mercantiles !). Comme dans de nombreux autres pans de la société, la crise sanitaire du Covid-19 met en lumière des questionnements cruciaux concernant les politiques culturelles contemporaines.
En cette période de confinement, de nombreux acteurs des domaines artistiques et culturels ont rendu disponible sur leurs plateformes internet une multitude de contenus (la France insoumise a compilé plusieurs de ces propositions sur une page dédiée. Sur les réseaux sociaux apparaissent également des collectifs, comme la « Bibliothèque solidaire du confinement #Bibliosolidaire » sur Facebook, permettant de chercher et de partager des écrits en format pdf. Nous ne pouvons que saluer ces initiatives qui participent à la diffusion des savoirs et des créations en ces temps particuliers. Elles posent également des questions cruciales quant à la libre circulation des œuvres et la rémunération des artistes et .des métiers liés aux Arts et à la Culture durant cette période et de manière générale
Accéder facilement à une multitude d’œuvres depuis chez soi en cette période de confinement est l’occasion de (re)découvrir de nouveaux écrits, films, spectacles, musiques, et également d’acquérir de nouvelles habitudes. Mais que deviendront toutes ces œuvres qui nous auront été proposées en accès libre et gratuit au sortir de la crise sanitaire ? Cet élan soudain de partage va-t-il disparaître au profit d’un retour à la rétention marchande des œuvres ? Cette période rappelle l’intérêt d’une plus grande accessibilité des œuvres via le numérique, et la nécessité d’en penser les cadres et les modalités.
Du libre accès privé à une large plateforme publique
Beaucoup d’initiatives proviennent du secteur privé. Notons par exemple Canal+ qui offre gratuitement des programmes et films inédits depuis le début du confinement. Le retoquage du CSA (contraignant Canal+ à arrêter cette proposition le 31 mars) nous rappelle que de sournoises propositions commerciales peuvent se cacher sous couvert de gratuité. En effet, quoi de mieux qu’une grande partie de la population française disponible pour profiter de ces propositions, s’y habituer, et potentiellement vouloir s’abonner ensuite une fois le confinement terminé ?
Si des opérations similaires ont pu voir le jour dans le secteur public (comme l’INA qui propose la gratuité de sa plateforme de streaming pendant 3 mois sous réserve d’inscription avec carte bancaire) on est en droit de se demander pourquoi cet accès ne perdurerait pas, une fois la crise sanitaire terminée. Cela pose la question du rôle du service public pour un libre accès aux œuvres. C’est à cette question que répondait déjà la France insoumise dans son programme l’Avenir en Commun en 2017 en proposant la création d’une médiathèque publique en ligne, avec une plateforme d’offre légale de musiques, films, écrits et contenus culturels.
Mais ne nous y trompons pas, les inégalités sociales perdurent. Si cette période peut permettre à certaines personnes d’accéder à de nouvelles propositions culturelles, on assiste principalement à une transposition des habitudes d’avant confinement sur le support numérique. Et comment pourrait-il en être autrement sans médiation ou proposition de supports d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) ? Tout cela est pourtant indispensable pour permettre au plus grand nombre de profiter de cette période pour élargir l’horizon : découvrir de nouvelles œuvres et se familiariser avec de nouvelles pratiques. Il incombe donc au service public de l’audiovisuel de prendre en charge ce travail et devenir un relais d’Éducation Artistique et Culturelle. Ces supports de diffusion à grande écoute pourraient ainsi être mobilisés pour diffuser des œuvres en libre-accès durant cette période.
En outre, cette période de libre-accès des contenus culturels via internet pose de nombreuses questions quant à notre consommation de bande passante et au stockage de ces dits contenus. On connaît l’impact environnemental et les besoins énergivores des Data centers, les centres de stockage de données. Vous pouvez retrouver la note du Groupe Numérique de la France insoumise sur ces questionnements autour du civisme numérique.
Derrière le débat sur l’ « offre culturelle », la rémunération des travailleur·ses
Le confinement rappelle à nouveau l’importance des Arts et de la Culture dans notre vie quotidienne. On ne peut cependant réfléchir sur le libre accès des œuvres sans aborder la rémunération des travailleurs·ses de l’Art. La rémunération et la couverture sociale des artistes-auteurs•rices (plasticien·nes, écrivain·nes…) dépendent des œuvres qu’ils.elles produisent, de la valeur qu’on y attribue et de comment elles sont exploitées. Cela les lie, dans le système actuel, à une marchandisation constante de leur travail pour pouvoir vivre, et souvent dans une grande précarité (par exemple, 53% des auteurs de BD vivent avec des revenus en dessous du SMIC, situation encore plus grave pour les autrices dont la moitié vit sous le seuil de pauvreté). Imaginer un modèle privilégiant la diffusion et l’accessibilité aux œuvres c’est donc imaginer un modèle repensant la rémunération des travailleurs·ses de l’Art qui ne serait plus axée sur l’exploitation marchande par autrui de leurs œuvres mais sur d’autres bases comme leur temps effectif de travail (comme pour les intermittent·es du spectacle). Cet autre modèle permettrait de favoriser la diffusion d’un côté et la création de l’autre en réaffirmant activement la notion d’Exception culturelle, à savoir la préservation des Arts et de la Culture de la prédation des lois du marché.
Créer une médiathèque publique en ligne, proposer pour les artistes auteur·rices et l’ensemble travailleur·ses de l’art un système de rémunération et de couverture sociale adapté et juste, faire de l’audiovisuel un outil d’éducation artistique et culturelle… La crise sanitaire et sociale du Covid-19 nous rappelle l’importance de l’art comme expérience personnelle et collective. Cette séquence de confinement doit déboucher sur une autre séquence : celle de l’invention des outils et moyens pour permettre aux travailleur·ses de l’art d’avoir toute la place qu’ils méritent dans la société et la recomposition d’un service public des arts et de la culture à la hauteur des enjeux d’émancipation et de solidarité auxquels le temps présent appelle.
Pendant ces jours de confinement les groupes thématiques de la France insoumise ont décidé d’apporter leur contribution à travers des réflexions sur la situation actuelle. Chaque jour, un ou plusieurs articles d’analyses seront produits par un des groupes thématiques. Retrouvez ces productions sur la page de l’espace programme.