Les 10 leçons du Coronavirus pour l’écologie politique

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Article rédigé par le groupe thématique « Planification écologique » de La France insoumise. Vous aussi, rejoignez un groupe thématique.

Vaincre le coronavirus est une urgence immédiate, déjà en grande partie favorisée par le dérèglement écologique général. Mais les risques induits par le changement climatique et la sixième extinction de masse des espèces engagent la survie de l’espèce humaine, bien plus encore que le Coronavirus. À nous de tirer les leçons de la crise actuelle du Coronavirus pour penser le monde de demain, dès à présent.

1 - La destruction générale des écosystèmes a favorisé l’émergence du virus

Le dérèglement climatique et la destruction des écosystèmes par la déforestation, l’industrialisation et l’urbanisation favorisent la rencontre entre microbes pathogènes issus d’animaux et humains. 100 millions d’hectares de forêt tropicale ont été coupés entre 1980 et 2000 ; plus de 85 % des zones humides supprimées depuis le début de l’époque industrielle. Résultat : 60 % des microbes pathogènes apparus depuis 1940 sont d’origine animale, dont deux tiers issus d’animaux sauvages. Et le Coronavirus n’échappe pas à cette règle : il serait le fruit d’une recombinaison de deux virus différents, l’un proche de la chauve-souris, l’autre du pangolin. Les risques d’expansion de maladies infectieuses dans l’espace et dans le temps par la hausse des températures globales ou encore la fonte du pergélisol libérant des maladies oubliées sont réels. Sur fond d’explosion des flux de déplacements, de modifications d’usage des sols et de perturbations des écosystèmes, c’est une véritable bombe climatique et sanitaire. Le Coronavirus révèle l’ampleur de la menace que représente que le dérèglement climatique pour la santé des êtres humains.

2 - La mondialisation et la métropolisation ont permis sa propagation très rapide 

La métropolisation, par sa densification extrême et son surpeuplement, a rendu interdépendants des millions d’individus, transformant les grands centres urbains en foyers épidémiques impossibles à maîtriser. Les pandémies n’ont pas attendu l’avion pour faire des ravages : la peste noire est arrivée d’Asie en 1347 dans les ports européens de la mer Méditerranée, passant par les routes du commerce maritime et de la soie. Mais la grippe espagnole d’il y a un siècle a mis près de deux ans pour se généraliser. Le Coronavirus, lui, s’est propagé à travers le monde en quelques mois. La mondialisation et ses réseaux denses ont favorisé sa propagation par la grande circulation des flux, notamment humains, qui la caractérise et l’uniformisation des modes de vies. La preuve, pour limiter sa propagation, les États ont considérablement ralenti la circulation des transports et fermé les frontières. 

3 - Inégalité sociales et environnementales sont un terrain de jeu pour le virus

Les inégalités sociales et économiques préexistantes génèrent des inégalités supplémentaires face au virus. Les écarts d’espérance de vie sont déjà colossaux : 13 ans entre les 5 % les plus riches et les 5 % les plus pauvres ; 6 ans entre un cadre et un·e ouvrier·e. (cf. contre-projet de la France Insoumise pour la réforme des retraites). Les pathologies chroniques générées par le capitalisme (maladies cardiaques liées à l’obésité et la malbouffe, ou respiratoires liées à la pollution de l’air) recoupent elles aussi les inégalités de classe, et l’accès à l’alimentation et à un environnement sains. Elles touchent les plus pauvres de plein fouet. Et ces pathologies sont un terrain de jeu pour le Coronavirus. On sait déjà que les personnes vivant dans des quartiers pauvres ont trois fois plus de risques de mourir que la moyenne lors d’un épisode de pollution. On découvre que la pollution atmosphérique est une autoroute pour la propagation du coronavirus (selon une étude de la Société italienne de médecine environnementale). Or, les populations les plus pauvres sont les plus concernées car elles sont évincées des lieux où la qualité de l’air est meilleure, et repoussées dans les zones industrielles ou bien le long des axes routiers. Exemple : le 93, département champion de la pollution atmosphérique et où le taux de pauvreté est le plus élevé de l’hexagone, 2 fois supérieur à la moyenne nationale. Inégalités sociales et environnementales sont plus que jamais liées. La mortalité du virus va varier selon les pays et entre les individus, en fonction des inégalités existantes. 

4 - Phase de confinement et inégalités sociales : la double peine 

La bataille est rude pour les soignant·es, et tou·tes celles et ceux qui continuent de faire tourner la machine des activités essentielles : caissier·es, livreur·euses, facteur·trices, ouvrier·es sollicité·es pour produire en quantité le matériel médical, etc. Exposé·es, dénué·es de protections ou presque, à un virus qui a déjà fait 25 000 morts dans le monde, dont les deux tiers en Europe, et près de 3 000 en France. Les femmes, déjà victimes de multiples inégalités, sont en première ligne : chez les infirmier·es et les sages-femmes, 89 % des effectifs sont composés de femmes. Elles sont 76 % dans le paramédical, 87 % des employé·es d’EHPAD, 80% des caissièr·es. Plus globalement, ce sont les plus pauvres et les plus précaires qui subissent. 1,6 million de salarié·es sont au chômage partiel, celles et ceux au-dessus du SMIC verront leur salaire réduit. Les précaires ubérisé·es triment sans filet de sécurité. Tandis que les cadres supérieurs font du télétravail. 1,3 millions de Français·es vivent dans des taudis. La romantisation du confinement est une affaire de privilégié·es ! Les conditions dégradées d’hébergement des mal-logé·es, réfugié·es, sans-logis et prisonnier·es s sont une double-peine. Tout le monde n’a pas de résidence secondaire pour fuir les villes. Face au virus, le confinement se transforme en prison pour les plus pauvres.

5 - Ceux qui nous gouvernent sont responsables de leur incapacité à y faire face 

Le néolibéralisme a organisé le chaos. La mondialisation et ses corollaires de compétitivité, de concurrence et d’austérité ont affaiblit la capacité souveraine des États à faire face. Premièrement, par la destruction des services publics fondamentaux, à commencer par l’Hôpital public aujourd’hui saturé face au coronavirus. 69 000 lits ont été supprimés en 15 ans. Deuxièmement, en fragilisant la capacité souveraine des États à faire face par la mondialisation de l’économie. En 2018, on pouvait encore fabriquer 200 millions de masques par an en Bretagne. Mais le groupe Honeywell a délocalisé cette année-là en Tunisie l’usine qui fabriquait des masques respiratoires jetables depuis 44 ans, ce afin d’augmenter les profits du groupe. Aujourd’hui les masques viennent à manquer et nous dépendons d’une production étrangère. Tout comme pour les médicaments. Il y a 30 ans, 80 % des médicaments étaient produits en Europe. C’est 20 % aujourd’hui, la plupart des matières premières viennent d’Asie. La résilience de chaque pays, c’est-à-dire sa capacité à absorber les chocs, passe par des services publics forts et une relocalisation de l’économie dans les secteurs essentiels.

6 - Le Coronavirus signe le retour de l’État, d’urgence

Face au chaos, le retour de l’État est la seule planche de salut. En attestent les mesures prises par de multiples pays. En France, c’est la mobilisation des travailleur·euses des réseaux et services publics : pompiers, soignant·es, policier·es, électricien·nes et gazier·es, cheminot·es, etc. pour faire tourner le pays. C’est le recours à l’Armée partout où les services publics ont été démantelés, tel un aveu de faiblesse, y compris dans les pays dit « riches », en France ou aux États-Unis. C’est la fermeture des frontières nationales et de l’espace Schengen. Partout, les États se mettent à opter pour la souveraineté économique. La nationalisation et la réquisition des industries stratégiques, notamment au profit de la planification sanitaire pour fournir en masques, gels et respirateurs, va bon train. Qu’attend-t-on en France pour faire de même et sauver Luxfer, la dernière entreprise du pays à fabriquer des bouteilles d’oxygène ?

7 - Il ne faut pas compter sur l’Union européenne

La Banque centrale européenne a annoncé le mercredi 18 mars le déblocage d’une enveloppe de 750 milliards d’euros destinés à des rachats de dette publique et privée pour tenter de contenir les répercussions sur l’économie de la pandémie de Coronavirus. Nombreux sont celles et ceux qui ont martelé que les règles budgétaires et l’obsession austéritaire de l’Union européenne sont contraires à l’intérêt général et empêchent toute politique écologique ambitieuse. Ce sont les tenants de l’ordre européen eux-mêmes qui prouvent l’absurde de leurs propres règles, en les suspendant pour permettre aux états-membres de faire face à la pandémie. Qui acceptera à l’avenir de les subir à nouveau ? Les ministres des Finances des 27 sont incapables de s’entendre pour aller plus loin dans les mesures de soutien. La priorité de la Commission est de réclamer les données de géolocalisation des opérateurs téléphoniques pour évaluer le respect du confinement. Pour agir sur le plan sanitaire et social, il ne faut pas compter sur l’Union européenne. 

8 - Les priorités de ceux qui nous gouvernent ne sont pas celles du Peuple

Les mesures d’urgence prises par le gouvernement traduisent ses priorités. Ils n’ont que faire de la crise sanitaire. Leur unique objectif : éviter une déroute économique et une crise financière. 300 milliards de garantie d’État pour les multinationales et les banques. 1 milliard de fonds de solidarité pour les PME. Mais pas d’ « argent magique » pour le chômage partiel à 100 % pour tous. Encore moins pour les masques et les dépistages massifs recommandés par l’OMS. Pour ceux qui se battent en première ligne, le gouvernement a déjà décidé la possibilité du travail le dimanche, de la semaine à 60h et des congés payés imposés pendant le confinement. 

9 - L’entraide, c’est l’avenir

Dans l’épreuve, ce n’est pas le monde du chacun pour soi et de la compétition généralisée qui permet de faire face. L’entraide s’organise, entre voisins et à une échelle nationale, pour ne pas laisser seules les personnes les plus fragiles et vaincre la solitude. Autant que pour pallier aux effets indésirables du confinement et du ralentissement de l’économie : une rupture partielle ou totale dans les chaînes de transport et d’alimentation. Cet esprit d’entraide qui bourgeonne doit nous permettre de rebattre les cartes dans la durée, pour poser les fondations d’une société plus solidaire, et plus écologique. 

10 - Un monde est mort et un nouveau, plus désirable, est à planifier

Pour limiter la propagation du virus, la machine infernale mondiale s’est arrêtée, du moins ralentie. Confinement, quarantaine. Usines et transports locaux au ralenti, transport longue distance effondrés. Et donc moins de pollutions chimiques, atmosphériques, visuelles, sonores, mentales. Des villes silencieuses, l’air et l’eau moins pollués, la nature qui profite du répit. Un autre monde est donc possible, plus désirable. Pour y parvenir, la planification par l’État de la bifurcation est indispensable : relocalisation de l’économie, protectionnisme solidaire et défense des services publics et des biens communs. Il nous faudra aussi repenser collectivement les fondements de la vie commune : l’utilité sociale du travail, le sens de nos existences autrement qu’au travers du cercle vicieux éternel, produire plus pour consommer plus pour produire plus… 

En bref

Le Coronavirus n’est ni une crise inattendue, ni un bug temporaire du système avant un retour à un état initial amélioré. Elle n’est que la répétition générale et le prologue d’un effondrement qui vient : celui du monde à l’origine de la crise écologique. La période que nous traversons doit nous permettre de tirer un enseignement majeur : le capitalisme a créé les conditions de sa propre destruction, de l’émergence du virus à son incapacité à y faire face. À travers la gestion de la crise, on réalise que le système néolibéral en place est contraint de renier ses propres fondements pour survivre. Tout en posant les jalons de l’après : une continuité toujours plus « libérale » pour les puissants, mais autoritaire pour les peuples. Cela ne fait que confirmer le bien-fondé des thèses de l’Avenir En Commun : un état souverain qui défend les services publics et les biens communs dans une économie relocalisée et solidaire est le seul chemin viable. Il est désormais clair que le monde d’après se planifie dès aujourd’hui : la bifurcation écologique est commencée. 

Pendant ces jours de confinement les groupes thématiques de la France insoumise ont décidé d’apporter leur contribution à travers des réflexions sur la situation actuelle. Chaque jour, un ou plusieurs articles d’analyses seront produits par un des groupes thématiques. Retrouvez ces productions sur la page de l’espace programme.

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