Une marée blanche se soulève dans toute la France
Le 8 juillet, 181 services d’urgences et de SMUR étaient en grève sur tout le territoire, en métropole et dans les départements d’outre-mer.
Les grévistes ne font pas cette grève facilement : ils mènent la bataille tout en continuant à travailler.
La casse du service public touche de plein fouet les urgences : manque de lits, patients attendant sur des brancards durant des heures, agressions, rappel sur les jours de congés, postes non remplacés…
Epuisés par leurs conditions de travail, les soignants tombent souvent malades. Le 13 juin, dans le centre-ville de Bordeaux, les urgences de l’hôpital Saint André ont fermé car l’ensemble des soignants, sous pression, à bout, épuisé, était en arrêt maladie.
A Lons le Saunier, les gendarmes ont réquisitionné des soignants à minuit chez eux car les services de l’hôpital s’effondraient totalement.
Notre ministre de la santé, Madame Buzyn prétend ne pas être responsable. Les insoumis n’ont pas manqué de lui rappeler qu’en deux ans elle a déjà fait voter 8 milliards d’économie sur l’Assurance maladie soit 2,5 milliards d’euros en moins pour les hôpitaux publics !
Mais la crise des urgences n’est en réalité que la partie immergée de l’iceberg.
La fin du numerus clausus : un véritable trompe-l’oeil
Beaucoup ont cru avec l’article 1ier de cette loi qui supprime le numerus clausus, que le nombre de médecins augmenterait significativement dans les années à venir. Mais derrière les discours de façade la question s’impose : comment vont-ils former plus de médecins sans augmenter les budgets des facultés ?
Les objectifs d’accueil seront définis pour chaque faculté par les ARS, qui voient encore leurs pouvoirs renforcés. Nous n’avons donc aucune garantie de hausse significative. La France Insoumise a demandé à ce que ces objectifs soient définis en fonction d’un ratio minimal de médecins par habitant. La majorité a rejeté.
Cet article fait par ailleurs craindre l’apparition de classements entre facultés de médecine et une mise en concurrence par le diplôme dont la valeur dépendra de la région d’où l’on vient
La fin des équipes soignantes
La Ministre Agnès Buzyn affirme que les problèmes de démographie médicale peuvent être résolus par une meilleure organisation des professionnels de santé. Son projet de loi est donc censé faciliter la coopération entre les professionnels de santé par la mise en place de CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé). Ces structures doivent regrouper des professionnels de santé autour de « projets » de coopération.
Ces déclarations d’intention ne font pas le poids face à la destruction opérée par le gouvernement. Car en effet, le projet de loi prévoit également de concentrer toujours plus les pouvoirs au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT).
Les praticiens hospitaliers seront ainsi embauchés au niveau des GHT et non plus par leur hôpital (article 10). Ils pourront donc être baladés d’un hôpital à l’autre pour combler les trous, faisant ainsi s’aggraver le turn over et le délitement des équipes soignantes. Les députés insoumis n’ont eu de cesse que d’alerter sur la catastrophe que cet article représente en termes de qualité des soins et de conditions de travail.
Cette mesure s’inscrit dans la droite ligne des techniques de management mises en place depuis les années 1990 et qui tentent de faire de nos hôpitaux des usines sans âme. Le tout sous la tutelle toujours plus asphyxiante des ARS et des GHT au mépris de la démocratie sanitaire.
Fermeture des hôpitaux et maternité de proximité
Ces dernières années, outre le fait que le budget de la santé est toujours plus comprimé, les frais de transports sanitaires, eux, augmentent rapidement. La raison est simple : les fermetures d’hôpitaux allongent les distances pour les patients.
40% des maternités ont fermé en 20 ans.
En grande pompe, à la fin du grand débat Emmanuel Macron annonçait la fin des fermetures de maternité. Une fois de plus, il trahit la parole politique. A Bar-Le Duc, pourtant préfecture de la Meuse, la maternité s’apprête à fermer. A Dinan également.
Pourtant lorsque les durées de trajet à la maternité sont supérieures à 45 minutes, les taux de mortalité à la naissance double ! Que fait le gouvernement pour mettre fin à cette hémorragie ?
Dans le projet de loi, il demande que les députés lui signent un chèque en blanc pour revoir les missions des hôpitaux de proximité (article 8). Par voie d’ordonnance il pourra ainsi délocaliser des services de soins vers les CHU appauvrissant encore les territoires les plus sinistrés.
Ces hôpitaux qui seront vidés de l’intérieur recevront néanmoins de la part du gouvernement un label « hôpital de proximité ». Une bonne manière pour le gouvernement, de faire croire qu’il va développer des hôpitaux proches des territoires alors qu’il les tue à petit feu.
Sa stratégie est bien ficelée, car pour que les directeurs d’hôpitaux obéissent sans sourciller, il a profité du projet de loi sur la fonction publique pour ouvrir la voie à leur contractualisation.
En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés alors que la population vieillit et augmente. Face à cette situation insoutenable la France Insoumise a déposé un amendement pour y mettre fin. La majorité l’a rejeté.
Des cadeaux pour les cliniques privées
Détruire l’hôpital public ne suffit pas à Madame Buzyn puisqu’elle favorise également les cliniques privées. Par voie d’ordonnance, elle entend mettre en place un statut unique de praticien hospitalier pour permettre aux médecins hospitaliers d’aller pratiquer dans le secteur privé et libéral (article 6).
Dans le même temps, elle facilite l’intervention des professionnels libéraux à l’hôpital (article 7).
Brouiller les frontières entre le public et le privé est une stratégie classique pour tout privatiser et faire des économies. Dans certains départements, 40% des places d’hospitalisation sont déjà dans des établissements privés à but lucratif !
Déserts médicaux
Le crédo du gouvernement pour les territoires ruraux et les périphéries des grandes villes : la télémédecine et le télé-soin !
Désormais, les patients pourront être pris en charge par télémédecine sans aucun examen clinique préalable (article 14). La dérive se poursuit…
Et pour réduire les inégalités territoriales, le gouvernement impose toujours les mêmes recettes : des incitations financières (article 4). Or, depuis des années ces mesures se montrent totalement inefficaces : une gabegie d’argent public !
Un exemple l’illustre dramatiquement : une mesure majorant de 20 % les honoraires des médecins généralistes libéraux a coûté entre 2007 et 2010, 63 millions d’euros pour un apport de seulement 50 médecins !
Il faut être fou pour proposer toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent.
En réalité, les médecins n’attendent pas une meilleure rémunération, mais du temps pour avoir une vie familiale et moins de paperasse administrative.
La France insoumise a donc proposé le déploiement de centres de santé avec des médecins salariés répartis sur l’ensemble du territoire. Ils n’auraient ainsi pas à gérer un cabinet et verraient leur salaire assuré. De leur côté, les patients bénéficieraient d’un meilleur accès aux soins.
Une fois n’est pas coutume, grâce aux sénateurs, les étudiants en 3e cycle de médecine générale et de certaines spécialités, devront effectuer un semestre en ambulatoire dans des zones sous-dotées.
Pour que les internes puissent se rendre dans tous les déserts médicaux lors de ce semestre de stage, l’évaluation des zones sous-dotées devrait néanmoins être révisée. A Marseille par exemple, certains arrondissements ne sont pas considérés comme sous-dotés alors qu’ils comprennent des quartiers qui sont des déserts médicaux (1 médecin pour 3000 ou 4000 habitants)
Inégalités entre professionnels de santé
Les inégalités entre professionnels de santé sont criantes. Or, ce projet de loi se concentre sur les médecins et laisse à la marge tous les autres soignants et paramédicaux.
A l’hôpital, les inégalités de rémunération astronomiques entre médecins en intérim et autres professionnels de santé détruisent la cohésion d’équipe.
Les inégalités entre le public et le privé sont encore plus préoccupantes. Les internes en médecine, les médecins étrangers, les infirmiers, les aides-soignants et autres soignants du secteur public sont mal rémunérés. Pourtant leurs conditions de travail se durcissent.
Dans le secteur libéral en revanche, la Cour des Comptes a révélé qu’en 5 ans, les dépassements d’honoraires ont augmenté de 30%.
La France Insoumise demande une revalorisation des salaires dans le secteur public et l’interdiction des dépassements d’honoraires dans le secteur libéral. Des mesures qui n’intéressent pas la Ministre Agnès Buzyn.
Libéralisation des données des santé
Pour couronner le tout, ce projet de loi ouvre la voie à la libéralisation de nos données de santé (article 11).
L’exploitation des données de santé sera autorisée si cela répond à un objectif d’« intérêt public » et non plus seulement pour des « études, recherches, évaluation ». Les laboratoires privés s’en frottent déjà les mains.
Pour soi-disant améliorer l’exploitation des données de santé, celles-si seront confiées au privé par le biais d’un partenariat public-privé.
A grand renfort d’amendements, les députés ont pu apporter quelques garanties au texte de loi. Néanmoins, l’expérience montre qu’aucun système d’information n’est infaillible.
Par exemple, la pseudonymisation des données ne garantit par l’anonymat car les progrès de l’intelligence artificielle permettent aujourd’hui de remonter jusqu’à l’identité des personnes. En Australie, des chercheurs y sont parvenus !
Aux Etats-Unis, en janvier 2018, les données de 53000 patients américains ont disparu dans la nature : des informations cliniques particulièrement sensibles !
Or, lorsque ces données de santé atterrissent dans les mains d’assurances ou de banques, les conséquences sont dramatiques en termes de discrimination sociale liée à l’état de santé (ex : refus d’octroyer un prêt à une personne ayant eu un cancer ou prédisposée à en avoir un…).
Un projet de loi destructeur
Pour toutes ces raisons, le groupe France Insoumise s’est opposé au projet de loi Santé durant son examen en commission et dans l’hémicycle.
Elle a proposé de nombreux amendements, tous rejetés.
Ce 10 juillet, l’Assemblée nationale examinait le texte en dernière lecture.
Soucieuse de défendre un service public de qualité, la France insoumise a déposé une motion de rejet.
La Députée Caroline Fiat en a profité pour citer l’ensemble des services d’urgences et de SMUR en grève.
Pour préserver notre système de soins, une pétition est en ligne : http://chng.it/yR8tyjVDXw.