Tribune commune de Manon Aubry, tête de liste aux élections européennes pour La France insoumise, Jonas Sjöstedt, député, président du Vansterpartiet (Suède), Miguel Urban, député européen, Podemos (Espagne), Marisa Matias, députée européenne, Bloco de esquedra (Portugal), Nikolaj Villumsen, député, tête de liste aux européennes, Enhedlisten (Danemark).
L’Union européenne est à la croisée des chemins. Fera-t-elle partie de la solution à la crise climatique ou du problème ? Restera-t-elle accrochée à des politiques infructueuses orientées vers les seules logiques de marché ou choisira-t-elle une direction différente ? L’extrême droite utilisera-t-elle l’UE pour répandre l’intolérance ? Ou serons-nous en mesure de transformer la coopération européenne en une coopération fondée sur la solidarité ? Une certitude, pour relever les défis qui nous attendent nous devons sortir des Traités européens actuels.
Des sociaux-démocrates aux conservateurs, l’élite politique de l’Union européenne s’est mise d’accord pour mettre en œuvre des politiques économiques qui accroissent les inégalités, renflouer les banques et couper d’abord dans les budgets pour les politiques sociales. Les grandes entreprises et les lobbyistes tiennent la plume de l’agenda politique européen, quand les droits des travailleurs et les questions environnementales sont eux à peine abordés. Les sociaux-démocrates européens et droites européennes ont fusionné pour mettre aux commandes une élite qui considère que les privatisations et toujours plus de marché sont les solutions à tous les maux. Pendant ce temps, les gens ordinaires subissent eux insécurité économique et précarité. Alors que l’oligarchie sirote du champagne dans des hôtels à Bruxelles, les inégalités économiques en Europe s’aggravent. Il ne faut donc pas s’étonner que les gens perdent confiance dans le système. Et que certains se tournent vers l’extrême droite pour obtenir des réponses.
Les élections européennes de 2019 pourraient être un succès pour les partis d’extrême droite. Pourtant ce sont des partis qui lient le racisme à la misogynie et aux attaques contre la communauté LGBTQ. Des partis qui s’attaquent au droit du travail en instaurant la semaine de travail à 60h comme en Autriche et veulent limiter la liberté de la presse. Ils prétendent défendre la liberté d’expression mais constituent en réalité sa plus grande menace.
Les fascistes s’organisent et cherchent à prendre le pouvoir dans l’UE. Nous sommes ceux qui de la manière la plus résolue les combattons pour que cela n’advienne pas. Ils prétendent être ceux qui défient les élites de l’UE et les politiques libérales, mais ils sont en réalité l’assurance vie du système. Libéraux et extrême droite sont les deux faces d’une même pièce. Là où ils répandent la haine et le racisme, nous semons nous la solidarité et soutenons ceux qui souffrent des effets de leurs politiques.
Nos mouvements représentent la véritable alternative dans ces élections, et nous sommes de plus en plus grands. Nous voulons voir émerger des politiques globales pour sauver le climat. Nous voulons mettre fin aux politiques ordo-libérales dévastatrices et bâtir des systèmes sociaux plus solides. L’issue des élections européennes de mai pourrait être un moment décisif pour l’UE et notre message est clair. Nous sommes disposés à faire quelque chose que l’élite européenne ne peut ni ne veut faire : proposer de vraies solutions face aux problèmes aux politiques libérales dressées contre les peuples.
Ce n’est pas un secret que de dire que la crise climatique est face à nous. Et la politique climatique que l’Europe mettra en œuvre dans les prochaines années aura un impact mondial. Ce sont nos mouvements qui portent les politiques climatiques les plus cohérentes, car il sera impossible de sortir de l’impasse climatique dans laquelle nous sommes sans sortir des Traités européens actuels. Nous ne nous contenterons pas de changer de politique d’investissement. Nous voulons mettre fin à notre dépendance aux combustibles fossiles et couper les liens avec les puissants intérêts économiques qui génèrent d’énormes profits en détruisant la planète. Pour nous, la question du climat est liée à la fois à l’égalité et à la démocratie. Nous proposons d’améliorer les déplacements en train, l’élimination des combustibles fossiles et le renforcement des investissements écologiques. Mais nous voulons aller encore plus loin.
La menace climatique diffère des autres questions politiques en ce que le temps presse. Nous n’avons pas le luxe d’attendre. Chaque année qui passe, ce sont des émissions de CO2 supplémentaires qui s’accumulent dans l’atmosphère qui affecteront notre planète pendant des siècles, voire des millénaires. Chaque année qui passe sans action limite nos possibilités. Selon le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les dix prochaines années sont cruciales pour l’humanité. Le Parlement européen est élu pour un mandat de cinq ans, ce qui signifie que les politiciens élus en mai dirigeront l’UE pendant la moitié de ces dix ans et auront en ce sens un rôle déterminant.
La montée de l’extrême droite et la crise climatique sont toutes deux liées en ce qu’elles ont été enfantées par l’économie et l’élite pro-marché. La menace du chômage répand l’angoisse économique et les inégalités déchirent nos sociétés. Ceux qui croient que les gens accepteront discrètement l’injustice sociale croissante se trompent.
La logique du capitalisme est le carburant qui alimente la hausse continue des émissions de CO2. L’oligarchie laisse les forces du marché faire alors que nous savons que le marché ne peut pas résoudre la crise climatique. Ils placent leurs profits avant la planète, et ce alors même que notre planète est en train de mourir. Nous devons tous nous demander : à quoi peuvent bien servir les politiciens qui pensent l’humanité uniquement sous le prisme des individus et refusent de voir notre interdépendance fondamentale ? À quoi servent aussi les partis politiques qui ne veulent pas s’attaquer aux multinationales qui sont parmi les plus grands pollueurs sur la planète ? Pour sauver le climat, nous avons besoin de politiques prêts à affronter les grandes entreprises et les lobbyistes. Des politiciens qui croient que le changement est possible et qui comprennent qu’ensemble, nous pouvons faire la différence.
L’Europe a aussi besoin d’une meilleure forme de coopération, plus démocratique. Il faut redonner plus de pouvoir aux États et aux peuples, et les intérêts des grandes entreprises doivent être mis en échec. Nous voulons reprendre le pouvoir aux bureaucrates et aux lobbyistes européens. C’est pourquoi la coopération entre nos mouvements est importante dans cette campagne électorale. Nous lancerons un appel aux électeurs ensemble et parlerons de notre alternative.
Nous voulons utiliser notre position critique vis-à-vis de l’UE pour créer une coopération européenne plus démocratique, plus juste et plus durable. En lieu et place de la résignation, nous voulons insuffler l’espoir et la détermination. Lorsqu’un gouvernement propose une réforme progressiste et humaniste au lieu de suivre les ordres de l’UE, nous le soutenons. Lorsque les États membres refusent d’accepter des privatisations de masse, nous les soutenons. Quand l’UE fait le choix augmenter les dépenses militaires, nous proposons nous de dépenser cet argent pour inverser le changement climatique. C’est notre message aux électeurs lors de cette élection.
Nous ne pouvons imaginer qu’il y ait quoi que ce soit de plus important que de sauver le climat et faire reculer l’épidémie d’autoritarisme et de racisme. Ne vous méprenez pas, vous, les peuples détenez la clé du changement en Europe.
Jonas Sjöstedt, député, président du Vansterpartiet (Suède)
Manon Aubry, tête de liste aux élections européennes, La France insoumise (France)
Miguel Urban, député européen, Podemos (Espagne)
Marisa Matias, députée européenne, Bloco de esquedra (Portugal)
Nikolaj Villumsen, député, tête de liste aux européennes, Enhedlisten (Danemark)