Madame Muriel Ressiguier interroge le Ministre des finances sur la délinquance en col blanc que constitue la fraude fiscale.
Le 18 octobre, nous avons eu connaissance d’un nouveau scandale d’évasion fiscale baptisé “CumEx files”, concernant de vastes arnaques aux impôts sur les dividendes à l’échelle européenne. Des montages crapuleux entre des banques, des avocats fiscalistes et de grandes entreprises auraient lésé une dizaine de pays européens et leur population de 55 milliards d’euros dont pas moins de 3 milliards d’euros par an pour ce qui concerne la France, depuis une quinzaine d’années. Il s’agit en effet de manœuvres frauduleuses consistant à monter des dispositifs d’optimisations fiscales et de fraude fiscale dans lesquels les actions changent très vite de mains aux alentours de la date de paiement du dividende. Les propriétaires complices peuvent ainsi contourner l’impôt légitimement dû dans le cas des “Cum-cum” en brouillant les pistes, voire escroquer le fisc dans le cas des “Cum-ex” en se faisant rembourser plusieurs fois des impôts !
En effet, deux types de montages sont à différencier.
Dans le cas des “Cum Cum”, il s’agit d’un montage légal d’optimisation fiscale qui consiste à tirer profit des accords bilatéraux entre la France et un pays étranger, selon lesquels les investisseurs étrangers sont taxés à 0% sur les dividendes. C’est le cas de Dubaï par exemple. Quelques jours avant le versement du dividende, l’investisseur français vend son action à l’investisseur étranger qui reçoit les dividendes et est exonéré de taxes. Il restitue ensuite l’action et les dividendes à l’investisseur français qui, ayant échappé à la taxe, n’a plus qu’à lui verser une commission pour le service rendu.
Concernant les CumEx, le montage est plus complexe et relève véritablement d’une pratique illégale de fraude fiscale. Jouant sur les remboursements d’impôts auxquels ont droits certains investisseurs étrangers, 3 investisseurs complices se revendent en très peu de temps des centaines de milliers d’actions autour de la date de paiement du dividende. Grâce à cette technique, le fisc n’arrive plus vraiment à savoir qui est le véritable propriétaire de l’action. Il va donc être amené à rembourser plusieurs fois des taxes qu’il n’a même pas prélevées. Autrement dit, il s’agit d’un vol d’argent public en bande organisée et bien connu de tous auquel participent plusieurs grandes banques européennes.
Concernant la France, trois banques dont BNP Paribas, le Crédit lyonnais et la Société Générale seraient concernées et notre pays serait une cible de choix pour ces opérations. Selon les derniers chiffres du syndicat « Solidaires finances publiques », publiés dans un rapport daté du 12 septembre 2018, dans notre pays, le coût annuel de la fraude fiscale s’élèverait à au moins 80 milliards d’euros et pourrait même atteindre les 100 milliards. Or, si ces montages ont été identifiés par Bercy, le ministère des finances explique que les dossiers susceptibles de franchir la ligne rouge entre l’optimisation fiscale ( légale) et la fraude fiscale ( illégale) sont peu nombreux. Car pour pouvoir sanctionner, le fisc doit prouver que ces opérations ont une visée “exclusivement d’optimisation fiscale “ et relèvent de l’abus de droit. C’est précisément pour cette raison que le groupe France Insoumise a proposé de renforcer la notion “d’abus de droit” lors de l’examen de la loi de lutte contre la fraude, étant donné que la définition actuelle trop restrictive la rend inapplicable. Monsieur le ministre des finances, dans un climat tendu où la soif de justice sociale est criante qu’attend le gouvernement français pour rendre illégaux ces montages d’évasion fiscale d’une part, et pour sanctionner les montages de fraude fiscale d’autre part ?
Muriel Ressiguier