TRAPPES - Face à la résignation, les succès de l’auto-organisation

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Après avoir suivi une formation à la « méthode Alinsky » par le pôle auto-organisation de la France insoumise, une coordination de groupes d’action du sud Yvelines a décidé de la mettre en pratique durant l’hiver dans le quartier Castiglione Del Lago, à Trappes. Le point de départ a été le témoignage d’Ibrahim : « Dans ma résidence, il y a de gros problèmes avec le chauffage. J’ai même une voisine qui fait signer une pétition. ». Le rendez-vous fut alors pris. Ironie du sort, la députée de la République en Marche Nadia Haï fraîchement élue dans la circonscription de Trappes habitait ce quartier dans sa jeunesse, et une partie de sa famille y vivait encore. Ce qui n’aura pas manqué de pimenter l’expérience !

Rapidement, une rencontre a pu se tenir avec Fatima, cette habitante pleine de courage qui se battait depuis deux ans déjà pour que le bailleur fasse le nécessaire pour que le froid ne s’installât plus dans les appartements. Elle raconte ses lettres recommandées laissées sans réponse, la pétition qu’elle est allée faire signer aux voisin·e·s, ces deux années de combat pour la dignité, pour ne plus avoir froid chez soi. A force de sonner aux portes, elle a rencontré des alliés : Aziz et Maurice, habitants historiques de ces bâtiments construits au début des années 70 : « Il n’y a eu qu’un seul ravalement de façade en presque 50 ans, vous vous rendez compte ? ». L’état de l’isolation chez lui en disait long sur l’indifférence du bailleur, Efidis, quant à la vie des habitant·e·s. « On paye nos charges, c’est normal qu’on demande de ne pas avoir froid chez nous, non ? ». La colère ne laissait pas de place à la résignation, bien que le sentiment de ne pas être entendu grandissait, et commençait à user le trio mobilisé. Cette rencontre a permis de les relancer, d’entraîner une nouvelle dynamique : « Nous, on ne va pas faire les choses à votre place, on sera là pour vous appuyer, mais c’est votre combat. » leur répétait régulièrement Randy, un insoumis de la ville voisine de Saint Cyr l’Ecole venu en renfort.

Quelques jours plus tard, une réunion avec les habitant·e·s se tenait dans un hall d’immeuble. Plus d’une trentaine de personnes était présente. Ils/Elles décidèrent alors de refaire signer une pétition. Frédéric, animateur d’un groupe d’action de Trappes, les aiderait à l’écrire. Et un groupe irait lui-même la faire signer à chaque voisin·e pendant le week-end. La tentative de déstabilisation et de récupération de la part de la députée LREM lors de la réunion n’aura pas entaché leur motivation de se battre eux-mêmes pour leurs conditions de vie : ils n’attendront rien non plus de la députée qui n’avait, jusqu’ici, rien fait pour le froid que subissait sa propre famille.

Une autre décision fut prise ce soir-là : une dizaine de personnes irait porter la pétition dans les locaux du bailleur, le lundi même. Les deux actions furent menées à bien : le collectif obtint une centaine de signatures, et réussit à la donner directement à une directrice territoriale du bailleur lors de leur déplacement.

Les deux semaines suivantes, le bailleur fit des prises de température, à nouveau, dans les appartements. Pendant ce temps, une quinzaine de militantes et militants insoumis enchaînait les porte-à-porte dans le quartier pour lister les problèmes individuels, et constituer une liste de contacts pour la future association de locataires. Presque tous les habitant·e·s se plaignaient du froid, et nous invitaient à venir observer : l’isolation était déplorable, le froid s’infiltrait par des fenêtres mal dimensionnées, l’humidité ravageait les murs de certaines pièces (voir ci-contre)… Certain·e·s ont été obligé·e·s d’acheter des chauffages d’appoint. D’autres nous racontent qu’ils enchaînent les rendez-vous chez le médecin pour les enfants : « L’eau de la douche est déjà pas très chaude, mais avec ce froid, quand ils en sortent, vous pouvez être sûr qu’ils sont enrhumés ! », déplorait une mère de famille. Il en va de même pour les nombreuses personnes âgées rencontrées, qui n’en pouvaient plus de cette situation.

Mais l’action collective allait payer, et la victoire intervint rapidement : le bailleur décida d’augmenter la température générale d’un degré. Un petit degré qui ferait sans aucun doute la différence à la fin de cet hiver difficile.

L’autre victoire fut celle d’établir un dialogue avec le bailleur qui, jusqu’ici, s’y refusait. Ils n’auraient plus d’autre choix que de les écouter et d’agir en conséquence. D’autant plus que les locataires avaient décidé de créer une association. Avec l’aide d’un insoumis pour les démarches administratives, ce fut chose faite après l’inscription en préfecture, le 14 mai dernier. Les habitant·e·s ont démontré que face à la résignation, le collectif l’emportait ; et qu’ils étaient capables de résoudre leurs problèmes sans que quelqu’un ne vienne le faire à leur place, à la condition de s’organiser, de se regrouper, pour agir ensemble et ne pas se laisser entraîner dans la fatalité du « de toute façon, je ne peux rien y faire, ils ou elles sont plus forts. ». Auto-organisé·e·s, les habitant·e·s de Casteglione del Lago ont montré qu’ils/elles étaient plus forts et pouvaient gagner.

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