« Le Journal du Dimanche » m’a interrogé il y a une semaine sur une série de sujets qui touchent à la liberté de disposer de soi. Ce genre d’exercice a l’inconvénient de la brièveté des réponses mais il a l’avantage de l’obligation de mettre en formules simples des réponses à des sujets complexes. J’ai pensé que la lecture de la partie de l’entretien consacré à ces questions intéressera mes lecteurs.
Jeudi soir, lors du troisième et dernier débat avant le premier tour de la primaire de la gauche, François de Rugy, suivi par Benoît Hamon, ont plaidé pour le droit à mourir dans la dignité. Cela va dans votre sens, vous qui êtes favorable au « droit d’éteindre la lumière »…
Ils ont fait œuvre utile. Cela facilite mon travail. Mais il faut parler clair et nommer les choses par leur nom : le suicide assisté. Ne nous cachons pas derrière des euphémismes. Les Français sont prêts à regarder cette idée en face. Le débat nous grandira tous. Ici il y a un grand décalage entre la maturité des gens, massivement pour, et les responsables politiques, plutôt frileux… Car en politique, les questions philosophiques font souvent très peur. Parler de la mort pour un politicien c’est typiquement le genre de sujet sur lequel il va biaiser. La formation moyenne des responsables politiques est extrêmement technocratique, elle est très peu littéraire et peu philosophique. Ce sont des sujets qui les encombrent.
Vous, au contraire, vous en avez fait l’une de vos marques de fabrique…
Il faut un débat sur la nature de la civilisation humaine à notre époque. L’avenir de la planète et celui de l’être humain sont à l’ordre du jour. Il ne faudrait pas que les questions de la présidentielle se résume à : combien ça coute ? Je veux introduire dans le débat le droit à être maître de soi-même. Il y a un lien direct entre le droit à l’avortement et le droit au suicide assisté. Je propose que ces deux droits soient inscrits dans la Constitution.
Depuis 2016, le droit à la « sédation profonde et continue » est autorisée… Cela ne suffit-il pas ?
Je récuse la loi qui s’applique aujourd’hui. Elle consiste à priver un mourant d’eau et d’alimentation. C’est la « diète noire », une torture qu’infligeait le dictateur Sékou Touré. S’ensuit une mort atroce. Le suicide assisté est le droit ultime de rester maitre de soi-même, de rester libre dans une circonstance contre laquelle on ne peut rien. C’est une liberté, pas une obligation, bien sûr. Il est misérable de devoir aller en Suisse ou en Belgique pour bénéficier du suicide assisté, comme autrefois on allait en cachette en car à Amsterdam pour un avortement.
Pourquoi êtes-vous hostile à la GPA, alors même que c’est le point d’aboutissement de cette liberté de disposer de soi-même que vous jugez fondamentale ?
Je comprends qu’en toute logique on pose cette question. J’y suis opposé pour une raison philosophique. Le corps n’est pas une marchandise. Ne sommes-nous pas tous pour la gratuité du don des organes ou du sang ? Quand vous vous êtes vendu comme une marchandise, vous n’êtes plus maître de vous-même. La GPA fait d’une femme un outil de production. Le jour où l’on me présentera une milliardaire qui par amour d’une femme pauvre d’un bidonville acceptera de porter son enfant, je réviserai mon point de vue.
Pour une femme malade qui ne peut pas porter d’enfant, quelle est votre objection ? La GPA n’est-elle pas alors la seule solution qui existe ?
Non, il y a aussi l’adoption. La GPA est fondée sur une illusion : que la filiation reposerait sur autre chose que de l’amour. Le lien biologique n’est pas fondateur de la relation humaine. L’amour prime sur la génétique
Depuis 2016, « l’achat d’acte sexuel » est sanctionné par une amende de 1 500 euros maximum. Faut-il aller plus loin ?
Il faut assumer un parti pris abolitionniste ferme. À tous ceux qui disent que la prostitution est métier comme un autre, je leur demande pourquoi ils ne le proposent pas à leur mère, à leur femme ou à leur fille.
Êtes-vous partisan de la PMA pour les couples de femmes ?
Oui. Il s’agit d’une capacité biologique que n’ont pas les hommes. C’est encore une fois la libre disposition de ses aptitudes qui ne nuit ni aux principes ni aux personnes.
Faut-il comprendre que vous considérez que le désir d’enfants est un droit ?
Non. Tous les désirs ne sont pas des droits. C’est aussi pour cela que je suis contre la GPA.