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Mamère, Jadot et moi… le devoir de respect

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Cette semaine, j’ai eu l’occasion d’un magnifique dialogue avec Noël Mamère, à l’invitation de la Revue Regards et de « France info » sur le net. On peut dire que ce fut un bon succès d’audience en ligne. On peut encore l’écouter si on le souhaite. Sur le plan du contenu du débat, je crois que cela a été apprécié. J’en suis resté frustré cependant car tant de sujets n’ont pu être abordés. Mais je reconnais que tout n’est pas possible dans ce format. J’aurais aimé un moment d’échange sur Ellul qui est une source d’inspiration très directe pour Noël Mamère.

Ce moment avec Mamère a été totalement impréparé entre nous sinon pour convenir du lieu et de l’heure. Je crois que ni lui ni moi ne se sentait en danger avec l’autre. Pour moi c’est très important, cette situation « en confiance ». Les épisodes des dépêches truquées de l’AFP sur la Syrie, de « l’Internationale » que je ne chanterai plus selon Le Point suivi du hoax sur « abrutis » dans le même hebdomadaire servilement recopié par ses collègues, tout cela a fini de me dissuader de toute insouciance. Je me sais guetté à chaque instant et sans cesse provoqué ou manipulé. Cela fait donc partie de mes critères de choix des endroits où je me rends et des personnes que je rencontre. Le système médiatique est pervers en plus d’être mensonger, bourreur de crane et immoral d’une façon générale !

Ici, nos hôtes, la revue Regards et la chaine « France info » avaient été d’accord dès le départ pour que ce soit un cadre du type « dialogue » plutôt même que « débat ». J’avais dit ici en annonçant la rencontre qu’elle était sans enjeu (de pouvoir ou d’égo). De plus, je n’attendais pas que Noël Mamère annonce son soutien à ma candidature. Je savais, pour l’avoir lu avec du soin, que telle n’était pas sa disposition d’esprit à ce moment. L’idée essentielle pour moi était qu’on puisse parler de ces fameux « sujets qui fâchent » sur la planification, la Russie ou que sais-je encore ? Et qu’une voix respectée commence à plaider pour ma dédiabolisation. Peu importe qu’il reste après toute discussion des désaccords ! Pourquoi faudrait-il être en accord sur tout ? L’essentiel est de pouvoir se parler quand on appartient à l’évidence à la même branche dans l’arbre généalogique des visions du monde.

Pour ma part, je crois que n’importe quel écologiste peut être d’accord avec ma proposition d’introduire « la règle verte » dans la Constitution, et avec la mise en place de la planification écologique. Et je ne dis rien de la sortie du nucléaire qui vient des combats de l’écologie politique, ou de la sortie des énergies carbonées ou des protéines animales qui vient de chez les environnementalistes et des défenseurs des animaux. Et le passage à l’agriculture paysanne ? Ces questions-là sont des questions concrètes qui peuvent changer non seulement notre vie quotidienne mais la place de notre pays dans le monde.

Du coup, il me semble après cela que certains dossiers peuvent être mis au congélateur. Ainsi à propos de l’indépendance du Tibet (à laquelle je ne suis pas favorable) ou le rattachement de la Crimée à la Russie (qui me conviendrait mieux, certes, s’il faisait partie d’un paquet où seraient examinées toutes les anciennes frontières de l’URSS et peut-être aussi de celles des pays de l’ancien camp socialiste). Oui, ce bloc de désaccords peut être acté et mis en réserve. C’est possible en attendant que ces sujets deviennent des domaines concrets pour la France. Et je ne souhaite vraiment pas qu’ils le deviennent ! J’accepte de même de laisser faire le marché carbone auquel je suis hostile tant qu’une alternative ne pourra pas être défendue en commun par un groupe d’État à même échelle. Et je trouve magnifique que nous puissions défendre ensemble le tribunal de justice climatique de notre ami commun, le président de la République de Bolivie, Evo Morales. Pour ne parler que de cela en ce qui concerne l’échelle internationale. Mais ce dialogue tranquille est-il possible au-delà de Noël Mamère et moi ? Je le voudrai bien. Ça n’en prend pas le chemin avec Yannick Jadot.

Comme on le sait, la désignation interne du parti EELV a préféré Yannick Jadot comme candidat. Je ne connais pas les usages en telle situation pour un concurrent. Et je ne sais pas si féliciter est la bonne idée. Surtout si cela semble indiquer une préférence. Car ce n’est vraiment pas mon cas. Si j’avais une préférence personnelle, et au cas où cela aurait de l’intérêt pour la machine à buzz, je regarderai plutôt du côté de Michèle Rivasi. Je lui dois ma prise de conscience sur le nucléaire. À l’époque, elle bataillait sur l’impact de Tchernobyl en France. J’étais sénateur. Je l’ai écoutée.

Du coup, j’ai commencé à écrire à EDF des lettres très polies et mesurées. Je questionnais sur les risques que nous faisaient courir nos centrales. Je connaissais l’adresse car cela faisait plusieurs années que j’écrivais déjà. Mais c’était en faveur des centrales à sel fondu dont m’avait convaincu un atomiste de mes amis : Alfred Lecoq. Donc on me répond que tout va bien et qu’il n’y a aucun risque. Je trouvais la réponse un peu mécanique et pas très respectueuse de mon intelligence. Et je trouvais très discutable le style « tiens, mon gros, le tract de la direction » que ce bureau des réponses automatiques m’avait envoyé. Et comme j’étais, comme je le suis toujours, très imbu de la nature sacrée du mandat populaire qu’incarne un élu du peuple, je me chiffonnais d’agacement ! Du coup, je demande à visiter la centrale nucléaire de Nogent. Histoire d’en avoir le cœur net.

À l’époque d’il y a longtemps, Patrice Finel (aujourd’hui mon monsieur Afrique) et Marie-Noëlle Lienemann (sénatrice, hélas PS) avaient mené une grosse bataille contre cette centrale. Je les avais évidemment traités d’amis du retour à la caverne et ainsi de suite, avec les grosses pataugasses à clous qui me piétinent aujourd’hui à mon tour. Me voilà donc à Nogent. J’en suis ressorti convaincu : Rivasi, Finel et Lienemann avaient raison. Je ne vous dis pas comment je l’ai compris. Et bien compris. Parce que ce n’est pas le sujet que cette centrale à cet instant.

Le sujet, c’est pourquoi Rivasi peut se réjouir d’avoir convaincu au moins une personne qui pensait le contraire d’elle et qui a reconstruit une bonne part de son regard sur le monde à partir de là. Une chose que n’a pas fait Rivasi, c’est de tourner comme une girouette politicienne ni de m’insulter pour se définir. C’est mieux. Par exemple, Rivasi n’était pas assise aux premiers rangs des signataires de l’appel à une primaire de toute la gauche comme Emma Cosse huit jours avant d’entrer au gouvernement ! Elle n’était pas première derrière Cohn-Bendit pour signer l’appel à une primaire de toute la gauche avant de dire pis que pendre de cette idée avec des mots très juste pris dans nos argumentaires.

Tout ça, Jadot l’a fait. Mais je ne lui en veux pas. J’ai changé d’avis sur le nucléaire il y a trente ans, après un accident. Il peut bien avoir changé d’avis sur sa proposition de primaire. Surtout après qu’elle a échoué. Mais je lui en veux quand même. De ce ton qu’il prend à mon égard. Il reconnaît que je suis écologiste mais je dois « encore progresser », selon lui. Ben voyons ! Et qui va juger de mes « progrès » et me donner une image si je suis sage ? Pourquoi ce mépris, ces grands airs et cette prétention à juger l’authenticité des autres ? Pourquoi ne prend-il pas plutôt mes textes, mes livres pour me critiquer documents en main et avoir avec moi une confrontation rationnelle sur ce que doit être une pensée écologiste aboutie ? À supposer que cela puisse se penser de cette façon non évolutive et dogmatique !

Et surtout, voilà ce que je n’aime pas dans sa façon de s’adresser à moi. C’est cette façon de me jeter à la figure Poutine. Et de le faire en m’attribuant des raisonnements de débile : « moi, je ne trouve pas Poutine plus sympa que les Américains parce que je suis anti-américain ». C’est ce qu’il a déclaré à la presse quand on lui a demandé ce qu’il pensait de moi. Je n’ai pas l’intention de reprendre ici le fond de mon argumentation pour expliquer que je considère les Russes comme des partenaires quels que soient leurs dirigeants. Exactement. Comme le faisait la toute nouvelle et toute jeune troisième République avec la Russie de Nicolas II et De Gaulle avec l’URSS de Staline. Ce qui ne m’a pas empêché de préférer la révolution d’octobre au Tsar, et Trotsky à Staline.

Je ne demande pas à Jadot autant de nuances dans le goût politique. Je lui demande de respecter ce que je pense et dis vraiment et d’épargner aux débats publics les arguments de bas étage que le PS et ses bulletins paroissiaux distribuent sur le sujet à mon égard. De plus, il a tort de prendre les électeurs d’EELV auxquels il s’adresse pour des ignorants qui avalent tout rond une propagande aussi grossière. Donc oui, Yannick Jadot, je considère la Russie, Poutine ou pas, comme un partenaire et non comme un ennemi, au contraire des Américains et de leurs dévots français du style Hollande et les autres clients débiteurs des « Young leaders ». Je les plains : avec Trump ils vont devoir faire des efforts de goût, vous allez voir ! Mais mon point de vue sur la Russie m’a-t-il empêché de dire ce que j’avais à dire quand ma conviction l’exigeait ? Non. Pas du tout !

Dites, monsieur l’EELV en chef, vous avez la mémoire courte et drôlement sélective ! Vous avez été directeur des campagnes de Greenpeace, non ? Vous souvenez du jour où furent arrêtés et emprisonnés les militants de Greenpeace en Russie ? Vous vous en souvenez forcément, de l’arraisonnement de la plateforme de Gazprom dans l’Arctique, n’est-ce pas ? 30 militants ont tenté d’arraisonner la plateforme à bord d’un bâteau brise-glace. Tous ont été arrêtés pour piraterie. Et c’était bien de la piraterie au sens légal. On fit une tribune au nom du fait que ce n’était pas de la piraterie, mais un acte destiné à protéger l’inviolabilité de l’Arctique. C’est Noël Mamère qui avait préparé cette tribune. Nous l’avons signée et publiée ensemble.

Comment l’ancien directeur des campagnes de Greenpeace fait-il pour oublier les gens qui ont défendu ses militants aux prises avec le gouvernement de Poutine ? Est-ce à cause de moi ou de Noël Mamère que Yannick Jadot efface ce souvenir. Ou bien parce que les trente en question ont été libérés ? Je décide une punition légère pour Yannick Jadot. L’obliger à devoir relire le texte d’une tribune signée par un ami de la Russie contre une décision du gouvernement de ce pays. Et bien sûr, je lirai comme punition le texte de Jadot contre le centre de torture de nord-américain de Guantanamo. Et quand quelqu’un viendra dire que Jadot est comme Trump, contre CETA et TAFTA, je m’engage à dire que cela n’a rien à voir puisque moi aussi je suis contre et que tout le monde sait que je suis insoupçonnable d’affection aveuglée pour le gouvernement des États-Unis ! Je le jure !

Et si la presse lui applique le même traitement qu’a moi ? Et si elle dit « Yannick Jadot félicite Xi Jinping et le parti communiste chinois pourtant hostile au Dalaï Lama », pour avoir déclaré que la Chine avait un meilleur programme écologique que les USA ? Je dirai avec lui que c’est vrai !

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