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Le rejet du traité de libre commerce avec le Canada (CETA) par la majorité de l’assemblée wallonne est un évènement fondateur. Il fait franchir un seuil à l’histoire de l’Union européenne après le Brexit. Il illustre si bien ce qui travaille en profondeur l’opinion progressiste européenne. Ce rejet et le refus de céder des Wallons face aux pressions est aussi considérable que l’avait été en son temps les « non » français et néerlandais au traité constitutionnel de 2005.

Dans son effet immédiat, on voit clair : c’est le rejet du traité. Dans sa portée : à cette occasion, le vote est celui du cœur de la social-démocratie européenne la plus traditionnelle. Le PS belge n’est pas le Parti de gauche. C’est donc un signal qui aura des suites. En Belgique, le suicide eurolâtre de la gauche traditionnelle semble au point d’arrêt. Autre conséquence inévitable : une nouvelle fois, la volonté du peuple va être bafouée. Car les eurocrates veulent le traité. Ils le veulent absolument. Ils vont donc user des moyens de violences, tromperies, arguties et chantages qui leurs sont devenus dorénavant coutumiers. Ultimatums grossiers, litanies de récitations bien pensantes, tout y passe. Des menaces, ils passeront aux actes. Le chef du groupe des libéraux au Parlement européen, Guy Verhofstadt, un vociférant belge réactionnaire, a été prompt et clair : retirer aux nations le pouvoir de décision et le réserver au seul niveau européen. Paul Magnette, le Belge socialiste a répondu avec humour en tweet : « dommage que les pressions sur ceux qui empêchent des mesures contre la fraude fiscales ne soient pas aussi intenses ».

On peut donc penser qu’avec le spectacle de ces méthodes de brutes, notre travail va être facilité en France. De plus, une nouvelle fois, le PS français est du mauvais côté alors qu’un nombre croissant de ses membres et de ses électeurs a déjà fait leur deuil du discours euro-béat traditionnel. Car les gesticulations du PS contre le TAFTA ne s’étendaient pas au cas du CETA. Au contraire, le PS le trouvait très convenable. Les frondeurs étaient d’une discrétion amandine (« non, écoute on ne peut pas tout critiquer ! On est déjà contre le Tafta »). Que le coup d’arrêt vienne de leurs aimables homologues belges ne fait que mieux voir la lâcheté ordinaire de tout ce petit monde et de l’équipe gouvernementale de Hollande en particulier. Il montre par contraste tout ce que le PS aurait pu faire jusqu’à ce jour si ses élus avaient été fidèles à leur mandat !

De même, le silence du gouvernement Tsipras montre ce que vaut la stratégie de soutien aveuglé du PGE (le parti de gauche européenne présidé par Pierre Laurent). On peut donc penser aussi que le mauvais coup que préparent les eurocrates sera totalement visible pour le grand nombre des Français et augmentera en proportion le dégoût et le rejet pour ce système. Le nombre de ceux qui vont encore comprendre ce qu’est devenu « le rêve européen », « l’Europe qui nous protège » « les pères fondateurs » et autres sornettes misérables des euro-bêlants. Dès lors, le terrain sera plus meuble pour nos semailles.

J’ajoute que dans le contexte, nous ne devons pas nous limiter à critiquer la mécanique de la violence de l’eurocratie et de sa dictature de fait. Il s’agit d’aller sans cesse sur le fond du problème posé : les conséquences de la financiarisation du monde sur l’ordre politique, écologique et social. Et le faire positivement : on peut agir et gouverner autrement. Le procès de notre époque dominée par le libre-échange et la transnationalisation du capitalisme doit s’ouvrir sur des perspectives concrètes. Tous les points d’appui nous sont utiles non seulement pour faire comprendre le désastre annoncé mais davantage encore pour faire avancer vers les points d’appui pour agir autrement. C’est dans cet esprit que je me suis emparé du soutien au mandat de l’ONU pour un traité qui oblige les multinationales et transnationales à respecter « et protéger » les droits humains.

Ainsi, lundi 24 octobre je me trouvais à Genève pour participer à la deuxième session du groupe de travail de l’ONU qui prépare ce traité. Dans le jargon de la diplomatie on dit « un cadre juridique contraignant » pour « traité contraignant ». J’userai donc aussi de ce terme et je prie qu’on excuse d’avance les restes dans ma manière de dire qui témoigneront d’une longue journée d’immersion dans le bain de l’ONU.

J’ai déjà évoqué ce traité dans plusieurs de mes discours, textes et vidéos. Mais je sais que l’attention n’est pas accrochée. J’ai l’habitude. J’ai commencé tout seul la bataille contre le TAFTA en 1997, juste un an après que le premier vote sur le sujet soit intervenu au Parlement  européen. J’étais encore seul du « Front de gauche » de l’époque à l’inscrire dans mon programme pour les élections  européennes de 2009. S’il en est ainsi, c’est que les questions de politiques internationales sont longues à pénétrer l’espace politique en France. Elles doivent franchir le double barrage de la servilité et de l’ignorance médiatique. Sur la scène officielle en effet, toute l’attention est polarisée par les romans médiatiques des guerres des méchants contre les gentils, ici et là dans le monde, selon l’endroit où campe l’armée nord-américaine, « la coalition », « les alliés », « la communauté internationale » et autres litotes serviles du vocabulaire des services politiques des médias officiels.

Dans le cas de ce traité, « les alliés » ont été vent debout. Les États-Unis ont été pris de court alors qu’ils étaient parvenus à rendre inopérante, pendant quarante ans, toute tentative de parvenir à un quelconque accord concernant les multinationales. Comme beaucoup d’autres ils pensaient que l’initiative prise par l’Équateur (pays méchant) et l’Afrique du Sud (pays suspect) serait immédiatement ensablée. Patatras : une majorité a été réunie. L’Union européenne (gentils) a pourtant voté contre le mandat donné au groupe de travail. La France (zélée ex-suspecte) s’est donc trouvée impliquée dans le vote négatif. Puis les États-Unis et l’Union européenne ont essayé de faire élire un Portugais à la tête du groupe de travail contre la candidature de Maria Fernanda Espinoza proposée par l’Afrique du Sud et l’Équateur. Ensuite, dès la première réunion à Genève, les USA ont mis en cause la présidente et quitté la salle, suivis par l’Union européenne. La France (zélée mais suspecte) est restée comme « observatrice ». Depuis, l’Union européenne est revenue à la table et la France jappe avec joie autour des jambes des faces de pierre de la Commission revenues pour saboter de l’intérieur le processus. On va voir comment.

Les Européens et les Français à leur suite militent pour étendre le traité aux « autres entreprises ». Bref un débordement par la gauche du processus. En fait : un véritable sabotage. Car aucun traité mondial obligeant toutes les entreprises du monde de toutes tailles ne peut naturellement être conclu. Tout le monde le comprend. Mais le représentant de l’Union, fort contrarié de me voir là, a pourtant qualifié de « tromperie » l’horizon fixé par le mandat si la discussion tentait d’y aboutir. Il est particulièrement cynique de voir l’Union européenne, qui s’interdit a elle-même toute harmonisation sociale, la prôner pour le monde entier. Et il l’est tout autant de voir la diplomatie d’un gouvernement qui a fait la loi El Khomri marcher à sa suite.

J’en reste là. Il y avait deux insoumis à la tribune ce jour-là dans le panel des « conférenciers » dans lequel je me trouvais : Susan Georges et moi… On peut écouter son propos sur le site de l’ONU. Mon argumentation a été filmée. Elle est disponible sur ma chaîne YouTube. Vous avez déjà été nombreux à m’accompagner à cette occasion. Il faut retenir ici qu’une tentative est en cours. Elle vaut la peine d’être soutenue activement car elle est un point d’appui pour un discours positif sur l’alternative au libre échange sur le mode anti écologique et social de la concurrence libre et non faussée.

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