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« Je suis le bulletin de vote stable et sûr » – Interview dans « Le Monde »

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melenchon le monde

Jean-Luc Mélenchon fait sa rentrée à Toulouse, dimanche 28 août. Le candidat à la présidentielle de « La France insoumise » a prévu de prendre la parole à l’occasion d’un pique-nique, avant de revenir sur son parcours politique dans un livre intitulé Le Choix de l’insoumission (éditions du Seuil, 384 p., 18 euros) à paraître le 8 septembre, à la veille de la Fête de l’Humanité.

Comment voyez-vous la prochaine campagne présidentielle ?

Ce sera une élection sans précédent, car la société s’est profondément décomposée au cours des derniers quinquennats. Ses principaux repères politiques se sont dissous. Le peuple peut aussi bien choisir une abstention de masse qu’une participation punitive sévère pour en faire le moment d’un grand coup de balai. Il s’agit moins de séduire des électorats traditionnels que de fédérer notre peuple autour d’objectifs communs. Avant l’été, avec la bataille contre la loi El Khomri, un espace politique se reconstruisait autour des questions sociales. Les attentats de l’été et les délires sécuritaires auxquels ils ont donné lieu ont à nouveau déplacé le centre de gravité vers des thèmes morbides desquels rien de positif ne peut venir. Or pour moi, les privilèges de l’argent sont la cause de tous nos maux. De l’écosystème à la démocratie, l’argent détruit tout ! Voilà ce qu’il faut régler.

Nicolas Sarkozy vient d’annoncer sa candidature à la primaire de la droite en l’axant sur l’identité et l’autorité. Craignez-vous que 2017 soit monopolisée par ces thèmes ?

Oui. On connaît la recette : la peur et les surenchères sécuritaires. Pour le menu peuple, le potage quotidien de la haine des musulmans est servi ! Pour le reste, Sarkozy, c’est la retraite à 64 ans et la suppression de la durée hebdomadaire du travail, c’est-à-dire une barbarie sociale effrayante. La droite va vouloir charger le bulletin de vote de communautarisme, d’ethnicisme, de questions religieuses… Moi, je veux le charger en positif d’objectifs sociaux, écologiques et démocratiques.

Arnaud Montebourg a annoncé sa volonté de se présenter à la présidentielle, avec des propositions proches des vôtres. Cette concurrence vous contrarie ?

Non. Elle me réjouit plutôt. Aujourd’hui, la peur est le seul lien proposé aux Français. Quand surgissent les candidatures d’Hamon, Montebourg, Duflot, Lienemann et Filoche, cela élargit l’espace pour d’autres thèmes. La première chose que ces candidatures disent, c’est que Hollande a échoué. Elles prononcent des condamnations très sévères. Les mots de Montebourg ont été très durs. Quand vous en avez trois sur quatre qui parlent, comme moi, de VIe République, de sortir des traités européens, de transition écologique, ça améliore la crédibilité et l’écoute de mon programme. Ils travaillent pour moi.

Comment allez-vous parvenir à exister dans la période à venir, qui va être monopolisée par les primaires à droite et à gauche ?

L’aspect positif, c’est que je ne suis pas dans leurs magouilles. Mais, en effet, je pourrais me retrouver en apesanteur. Il faut avoir des nerfs et de la patience. Il faut tenir bon la ligne. Certes pour l’instant, ça papillonne. Mais la scène va bientôt se fixer. Qui sera vraiment candidat ? Si Montebourg s’inscrit dans la primaire socialiste, il retourne sur le papier tue-mouches. En dehors, il explose le PS, affaiblit Hollande et le centre droit. J’y gagne dans tous les cas. Je suis le bulletin de vote stable et sûr.

Souhaitez-vous toujours une alliance avec le PCF ?

Je n’ai pas l’intention de me priver de la participation des communistes. Beaucoup sont déjà là. Ils sont tous les bienvenus. Sous quelle forme ? La porte est ouverte. Mais je préviens : la présidentielle et les législatives, pour moi, c’est la même campagne. Or Pierre Laurent qualifie de « tripatouillage » l’idée d’un accord national. Il veut des alliances « au cas par cas ». 577 stratégies ? Absurde ! Mais je refuse de polémiquer avec la direction communiste.

Certains maires ont décidé d’interdire le « burkini ». Les soutenez-vous, comme Manuel Valls, dans ce choix ?

C’est clairement une provocation politique. Le burkini n’est pas une tenue religieuse et je doute que le prophète ait jamais donné la moindre consigne concernant les bains de mer. L’instrumentalisation communautariste du corps des femmes est odieuse. C’est un affichage militant. Mais quand on est l’objet d’une provocation, mieux vaut ne pas se précipiter dedans. Pourquoi faciliter le travail de ceux qui voudraient capter la représentation de l’islam ? La masse des musulmans est excédée par une histoire qui les ridiculise. Valls a eu tort d’en rajouter. Mais qui est dupe de ses indignations à géométrie variable ?

Au lendemain du Brexit, vous avez déclaré : « L’Europe, on la change ou on la quitte. » Une sortie de l’UE est-elle une solution à vos yeux ?

La solution, c’est de la changer pour répondre à nos besoins : plan A. Mais il faut être capable de la quitter pour pouvoir la changer : plan B. S’il n’y a pas de plan B, le plan A ne fonctionne jamais. Ce qui me distingue de beaucoup d’autres courants de gauche, c’est que dans mon esprit, la nation est un levier de la bataille européenne. La France est forte. Et la situation, absurde : les dogmes économiques et politiques de l’Europe à l’allemande ont tout bloqué. Et on nous propose de continuer ! Tout le monde sait qu’un nouveau traité est prévu pour 2017. Donc le choix du prochain président est un choix sur l’Europe. Je veux faire de la présidentielle un référendum sur les traités européens. La bonne attitude consiste-t-elle à s’entêter dans la nullité actuelle ou à essayer de changer à fond le cours des événements ?

Vous avez critiqué la gestion du dossier des réfugiés par Mme Merkel. L’immigration peut-elle être une chance pour la France ?

La question est piégée. A des moments oui et à d’autres non. Je n’ai jamais été pour la liberté d’installation, je ne vais pas commencer aujourd’hui. Est-ce que, s’il venait dix mille médecins s’installer en France, ce serait une chance ? Oui.

En somme, vous êtes favorable à une politique des quotas, en fonction des besoins ?

Parfois. Mais je le répète : quand les gens arrivent, il faut une politique humaine et les traiter dignement. C’est-à-dire les accueillir autrement que dans les conditions de la « jungle » de Calais. L’urgent est qu’ils n’aient plus besoin de partir de chez eux. Je suis pour la régularisation des travailleurs sans papiers mais pas pour le déménagement permanent du monde, ni pour les marchandises ni pour les êtres humains. Emigrer est une souffrance.

En juillet, vous avez été critiqué pour avoir parlé du « travailleur détaché, qui vole son pain aux travailleurs qui se trouvent sur place ». Regrettez-vous cette formule ?

C’est une mauvaise querelle qui m’a été faite en tronquant mon propos ! Quelle hypocrisie ! Du PS au FN, tous ont voté le nouveau statut de travailleur détaché. C’est inacceptable. Cela doit être abrogé. Tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, y prêtent la main ne peuvent aboutir qu’à semer la haine et la xénophobie. Cette mise en compétition de chacun contre tous détruit tous les liens sociaux et répand une souffrance croissante dans notre pays à tous les étages de la société. Murés dans la peur du lendemain, les cœurs se ferment. Si je devais résumer ma priorité, il s’agit de rendre plus humaine une société qui l’est toujours moins. Voilà le vrai enjeu de l’élection de 2017.

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