Question écrite au gouvernement. Mme Muriel Ressiguier alerte M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la situation inquiétante de l’éducation nationale.
Le 16 mars prochain, cela fera un an que les établissements scolaires sont soumis à des mesures sanitaires liées à la pandémie de la Covid-19. Les écoles ont été les premiers lieux publics à fermer et les premiers lieux à rouvrir le 11 mai 2020. Ainsi, la France a fermé pendant 10 semaines les établissements scolaires, contrairement à ses voisins européens, 30 semaines en Italie, 15 semaines en Espagne et en Belgique, 24 semaines en Allemagne et 26 semaines au Royaume-Uni. L’objectif de rouvrir et de maintenir ouverts les établissements scolaires prime sur les conditions de réouverture.
Dès leur réouverture, les protocoles sanitaires qui se sont succédés, ont été vécus comme improvisés, exempts de concertation et dépourvus de moyens conséquents. Après une année d’expérience et de recul sur la crise sanitaire, les décisions semblent toujours aussi improvisées. Pour compenser des lacunes de gestion, les écoles et les collectivités locales ont dû improviser et se sont mobilisées pour mettre à disposition des moyens : masques, matériel informatique, moyens humains… La gestion en local et la débrouillardise sont de mise en l’absence d’une réelle gestion au niveau national.
Alors que le nombre de contaminations est toujours aussi important, que 103 établissements scolaires et 1599 classes sont fermés, et que les mesures sanitaires au niveau national tendent à se durcir, vous assouplissez le protocole sanitaire dans les écoles primaires. Dorénavant il n’y a plus de distinction entre la covid et ses variants. Les professeurs ne sont plus considérés systématiquement comme “cas contacts”, même en présence d’élèves contaminés.
Comme solution vous proposez de déployer jusqu’à 300 000 tests salivaires par semaine dans les écoles primaires. Ces tests seront réalisés par 1700 médiateurs majoritairement étudiants en pharmacie et médecine, soit 35 tests par jour et par étudiants. On se demande comment ces étudiants pourront réussir leurs études rendues davantage compliquées notamment à cause des cours à distance et de leur précarité grandissante. La situation de détresse sociale et économique frappe particulièrement les étudiants. Rappelons que les étudiants en santé avaient déjà été fortement mobilisés durant le premier confinement pour être en première ligne et rémunérés en qualité de stagiaire quelques euros par jour. L’université doit rester une période d’apprentissage et les étudiants ne doivent pas compenser le manque de moyens humains dans les établissements scolaires. L’éducation nationale compte 7703 infirmiers pour 12,4 millions d’élèves, soit 1 infirmiers pour 1600 élèves ; et 976 médecins scolaires, soit 1 médecin pour 12 000 élèves en moyenne. La crise sanitaire pourrait être l’occasion de s’interroger sur les moyens la médecine scolaire et d’envisager des recrutements pérennes.
Il est en effet difficile d’être jeune en 2020. Les lycéens ne sont pas épargnés non plus : organisation de classe perturbée avec certains lycées ouverts, d’autres fermés d’autres encore en configuration mixte ; épreuves de spécialités au bac annulées (sauf pour les lycéens en CNED), sensation d’un diplôme au rabais avec un taux historique de 95% de réussite, portes ouvertes des établissements supérieurs annulées, sensation d’un avenir incertain. Les lycéens avaient jusqu’au 11 mars dernier pour faire leur voeux d’orientation sur la plateforme Parcoursup. En juillet dernier, au terme de la dernière phase de la procédure, 54 000 candidats n’avaient toujours pas de proposition. 69% des lycéens pensent d’ailleurs que la crise de la Covid-19 est un frein pour leur orientation post-bac. Ainsi, les lycéens ayant bénéficié d’un enseignement en présentiel à temps plein, avec un meilleur suivi, auront plus de chances de réussir leur orientation et à entrer dans le supérieur. C’est tout le modèle national d’égalité des chances qui est mis à mal.
Au-delà de la gestion de crise sanitaire, selon Eric Charbonnier, analyste à l’OCDE « La France est un des pays où les inégalités scolaires sont les plus élevées, avec la Belgique et l’Allemagne ». Dans un rapport suite à une enquête internationale, il apparaît que le niveau en mathématiques des élèves de CM1 est le moins bon parmi les pays de l’OCDE et qu’un jeune sur dix a des difficultés de lecture et parmi eux, la moitié se trouve en situation d’illettrisme. Actuellement la dépense par élève dans l’enseignement élémentaire est 8 % plus faible que la moyenne de l’OCDE.
Alors que le premier degré devrait compter 56 000 élèves en moins à la rentrée 2021, et que le second degré s’attend à accueillir 43 518 élèves de plus, Il est prévu la création de 2 489 postes dans le premier degré et une suppression de 1 800 postes dans le secondaire qui doivent être compensées par 1 847 ETP en heures supplémentaires annualisées. Mais les professeurs préfèrent se concentrer sur leur classe et les heures supplémentaires ne sont pas utilisées. Un rapport du Sénat de novembre 2020 confirme que les heures supplémentaires budgétées ne sont pas consommées. Ainsi, 12,3 millions d’euros de crédits pour les heures supplémentaires n’ont pas été dépensés en 2019, ayant pour effet d’augmenter le nombre d’élèves par classe.
Concernant l’attractivité des carrières des professeurs, un rapport de l’OCDE « Regards sur l’éducation » paru en septembre 2020 indique qu’après 15 ans de carrière, la moyenne des salaires des enseignants dans les pays développés est supérieure aux salaires français de 22,6% en primaire, de 22% en collège et de 27,3% en lycée. Un autre rapport de l’UNESCO de 2013-2014 révèle que dans 39 pays, augmenter les salaires des enseignants de 15% a conduit à une hausse de 6% à 8% des performances des élèves. Au regard de la situation dans les autres pays, le projet de revalorisation des salaires des professeurs français semble très peu ambitieux : 100€ net par mois à l’échelon 1, de 89€ à l’échelon 3 et dégressif jusqu’à 35,58€ par mois à l’échelon 6 et rien pour les autres échelons de 7 à 11 et les hors classe. La revalorisation salariale sera moins importante pour les contractuels : de 27€ à 53€ par mois. En tout et pour tout, seulement 31% des enseignants bénéficieront de ces augmentations. Les 69% des enseignants restants devront se contenter d’une prime informatique de 150€ par an accordée à tous. Ce qui ne répond pas aux attentes des enseignants.
Pas de mesure forte non plus pour les AESH qui ont interpellé plusieurs fois les gouvernements successifs sur leurs conditions de travail, le manque de reconnaissance, leur précarité financière et leur instabilité. Principalement recrutés au SMIC, en CDD et à temps partiel, ils gagnent en moyenne 740€ net par mois. Quant à la création des PIAL, elle n’a pas hélas amélioré la prise en charge des élèves en situation de handicap. Elle n’a pas remédié non plus à la pénurie des AESH, ni à leur situation de grande précarité.
Monsieur le Ministre, quelles mesures envisagez-vous de mettre en place pour remédier au malaise profond et grandissant qui touche l’ensemble des personnels de l’éducation nationale ? Comment allez-vous redonner confiance aux élèves et à leurs parents qui se sentent de plus en plus abandonnés par l’école républicaine dont la visée est de moins en moins émancipatrice et qui ne permet plus toujours de sortir du déterminisme social ?