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Pour les villes populaires, quelques mesures, mais pas de changement de cap

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Un article du groupe thématique Quartiers populaires de la France insoumise

Le 29 janvier 2021, Jean Castex, en visite à Grigny, a annoncé une série de mesures de soutien aux villes populaires. Ces annonces sont le fruit d’une longue bataille menée par les maires, les fonctionnaires et les militants associatifs.

Un gouvernement dans un premier temps sourd aux revendications des villes populaires

Il aura fallu trois mois au gouvernement pour entendre les revendications des banlieues françaises. Mi-novembre, 200 maires de villes populaires ont dénoncé, dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, la politique de « non-assistance à territoires en danger ». Percutées de plein fouet par les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, les villes populaires ont été, pourtant, les grandes oubliées du plan de relance. Aucun moyen n’a été prévu pour aider ces villes à faire face à l’urgence sociale et sanitaire. En somme, ni les populations en grande précarité, ni les collectivités en première ligne de la réponse sociale, n’ont émargé à ce plan de relance.

Les élus locaux avaient enjoint Emmanuel Macron de consacrer 1 % du plan de relance aux quartiers populaires, c’est-à-dire un milliard d’euros. Par la suite, des amendements reprenant cette demande avaient été déposées à l’Assemblée nationale. Malgré le soutien des parlementaires insoumis mais aussi de nombreux groupes d’opposition, ces amendements furent tous rejetés en bloc par la majorité du gouvernement.

La prise de conscience tardive du gouvernement

Les maires, les militants et les habitants de ces villes populaires ont poursuivi leur lutte. Le gouvernement a dans un premier temps refusé de reconnaître publiquement de « trou dans la raquette » dans son plan de relance. Mais, experts après experts, notes après notes, rapports après rapports, l’exécutif a dû se rendre à l’évidence et constater l’aggravation dramatique de la situation des habitants des quartiers populaires. Ce sont les populations de ces quartiers qui ont porté l’essentiel de l’effort du pays depuis le début de crise, ayant, pour la plupart, des métiers ne pouvant s’exercer à distance. Pourtant, ce sont eux qui ont payé le prix sanitaire de cet engagement. Par exemple, la Seine saint Denis est le département en tête des décès dus à l’épidémie.

Le risque politique de voir une jonction s’opérer entre ces franges de la population et leurs édiles locaux, toutes tendances confondues, n’est pas pris à la légère par Matignon. Alors, loin des caméras et des hémicycles, les négociations se sont engagées avec les associations d’élus. C’est de ces échanges qu’est née l’idée d’un Comité interministérielle des villes (CIV) dédié à la question des quartiers populaires. Ce Comité a pour but de définir et coordonner une nouvelle politique en faveur des villes populaires. Forte de la personnalité et de l’engagement de son Maire, à fortiori avec l’image utile pour le gouvernement que sa sensibilité communiste offre, c’est la ville de Grigny qui a été le décor de ce CIV. Plusieurs réunions de préparation, d’une part avec les principaux maires concernés, d’autre part avec les ministères, se sont succédé durant le mois de janvier afin de préciser les contenus et de caler la « hauteur » de la réponse gouvernementale aux « légitimes attentes » des quartiers populaires.

Quelle vision d’avenir ?

Les mesures présentées à Grigny le 29 janvier visent donc tout autant à répondre à des problématiques réelles, qu’à couper l’herbe sous le pied d’un futur mouvement social. Il s’agissait aussi d’affirmer l’utilité pour les quartiers populaires des mesures sécuritaires inscrites dans la loi Sécurité globale, ou identitaires de la loi contre les « séparatismes ». Il est particulièrement significatif d’entendre Jean Castex débuter son discours de conclusion du CIV de Grigny par un appel à lutter contre la radicalisation islamiste. Sous couvert d’une posture républicaine, le gouvernement continue son assaut contre les musulmans.

À l’issue de ce Comité, le Premier ministre a annoncé un effort total de 3,3 milliards. Les crédits annoncés consistent principalement en une rallonge de 2 milliards d’euros pour le programme de rénovation urbaine. Ces 2 milliards permettront de financer de nouveaux projets et ceux mis en attente. Le but est de mieux répondre aux besoins d’équipement de services publics et de santé. En matière d’emploi et d’insertion, le gouvernement annonce 700 millions pour les quartiers populaires. En somme, des nouveaux moyens sont annoncés pour l’emploi, la rénovation urbaine, les services publics, la sécurité, la justice ou encore le sport. Néanmoins, les arts et la culture sont les grands oubliés de la liste des annonces.

Pour les villes directement concernées ou du moins les plus « visibles dans les radars », ces annonces contiennent des avancées incontestables. Grigny par exemple gagne, vieille revendication mainte fois portée, un financement de 7 millions des travaux d’urgence de rénovation urbaine. Mais, ce qui manque à l’ensemble des annonces du 29 janvier, c’est la capacité à changer de cap, à repenser les politiques publiques. Il s’agirait de substituer une logique de résultats face à l’appauvrissement et aux inégalités ; en lieu et place de l’actuelle logique de bons sentiments. Ces mesures ne traduisent aucunement un plan d’ensemble qui s’attaque aux inégalités ou à la fracture sociale entre les territoires. Les 120 quartiers prioritaires sont devenus plus de 1000. Les 6 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté d’alors sont maintenant presque le double. Ces derniers mois, les files d’attente se sont allongées pour obtenir une aide alimentaire d’urgence. Notre pays est entré massivement dans l’ère de la précarité et la pauvreté. La qualité de mesures gouvernementales doit être jugée à cette aune. Le compte n’y est pas.

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