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Explication de vote de Jean-Luc Mélenchon le 28 juillet 2017 à l’Assemblée nationale sur le projet de loi pour redonner confiance dans la vie publique. Le président du groupe « La France insoumise » a dénoncé un texte qui ne traitait nullement du pouvoir corrupteur de l’argent et qui n’avait fait que mettre en avant les problèmes liés aux parlementaires.

Voici la retranscription de cette intervention :

M. Jean-Luc Mélenchon. Notre appréciation est que la majorité qui a imaginé ce texte a mangé son pain blanc. Vous aviez deux signaux à envoyer.

Le premier signal était un signal de type économique, que vous avez envoyé à certains milieux : cela a été l’abrogation du code du travail, incontestablement un signal libéral. Vous voici rendus à nationaliser STX : c’est le signal exactement inverse.

Vous avez aussi voulu répondre à une question qui se pose vraiment et que nous partageons. Une crise politique terrible travaille notre pays, dont ni l’actuelle majorité ni l’actuel Président de la République ne sont responsables. Sa racine profonde est dans la forfaiture de 2005 : le peuple français a voté non et ce non s’est traduit par un oui. Cette forfaiture s’est renouvelée quelques années plus tard : le traité budgétaire européen devait être renégocié, ce que n’a pas fait le Président Hollande. Depuis cette date, notre démocratie est totalement perturbée et faussée parce que, à deux reprises, la volonté profonde du peuple a été trompée.

Dans cette circonstance, vous avez pensé qu’il fallait se focaliser sur les turpitudes, inexcusables et inacceptables, en effet, de quelques parlementaires, qui ont faussé l’idée que se faisait le peuple français de sa représentation. Personne ne peut dire que le problème n’existe pas mais la crise politique ne se résume pas à cela. En le résumant à cela, on donne l’impression de ne pas s’intéresser au fond des choses, à savoir à la véritable cause commune qui est le poids de l’argent, le poids de l’argent qui défigure la décision publique, la morale à laquelle les Français de toutes conditions et de toutes opinions se rattachent, et les vertus dans lesquelles ils croient.

En ce moment même, l’épisode Pénicaud vient réduire à néant les efforts que vous avez voulu faire et les signaux que vous avez voulu envoyer. (Exclamations sur quelques bancs du groupe REM.)Mais oui ! Vous n’y êtes pour rien mais c’est ainsi : les gens se disent que ça continue, que c’est toujours l’argent qui a le dernier mot et que ceux-là même qui demandent des efforts sont ceux qui semblent le moins s’y astreindre eux-mêmes.

Par conséquent, la crise politique n’est pas terminée. La vague « dégagiste » va continuer à travailler notre peuple en profondeur. Nous avons affirmé qu’à notre avis il fallait déporter le débat pour le conduire là où se trouve la solution. Les Français ne vous demandent pas de reprendre confiance ; ils veulent que la politique serve à quelque chose. Or elle ne sert, semble-t-il, à rien, si c’est Bruxelles qui commande en tout pour ce qui concerne les politiques économiques et si tout le reste se réduit à un conseil d’administration déporté dans une assemblée nationale au service des grandes sociétés, dont l’appétit, semble-t-il inépuisable, ne répond à aucun intérêt national.

En un mot, je vous demande d’y réfléchir. Comment se fait-il que le Président de la République soit obligé d’intervenir pour nationaliser un chantier naval dont, en effet, nous avons besoin pour d’innombrables raisons, alors que les mêmes capitalistes que nous avons arrosés durant des mois, notamment avec le CICE – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – sont incapables de trouver la petite somme de 80 millions d’euros, dont il a été dit, je l’ai lu dans la presse, qu’elle équivalait à l’épaisseur d’un trait sur la ligne des comptes publics, c’est-à-dire à rien du tout ? Ils n’ont donc même pas de quoi prendre le risque d’acheter un chantier naval qui a dix ans de carnet de commandes remplis.

Cette classe parasite accable la République. Celle-ci se dirige vers une crise politique qui ne dépend pas de vous mais la conduira à une crise de régime, parce que c’est le fondement même qu’il faut changer. C’est le moment de redonner au peuple la capacité de discuter de sa façon de s’organiser. Les gaullistes l’ont fait en 1958, lorsque le régime était à bout de souffle ; c’était la seule façon de sortir pacifiquement du terrible trouble qui s’annonçait, peut-être même de la menace de guerre civile. Nous sommes dans une période comparable. Le trouble est extrême, la confiance est anéantie et ce que nous avons fait ne permettra pas de la rétablir.

C’est pourquoi nous vous avons proposé le référendum révocatoire, sans vous cacher que c’était une composante d’une stratégie beaucoup plus générale, qui conduit à la Constituante et à la révolution citoyenne.

Pour conclure, nous pouvons parfaitement admettre que nous sommes tous de bonne foi, même si nous ne partageons pas les mêmes constats, et vous avez certainement eu des certitudes en travaillant. Cependant, laissez-moi vous dire que ces quelques jours ont certainement aggravé les choses. C’était la nature même du débat. Comme on n’a évoqué que les turpitudes des parlementaires, on a passé des heures à amoindrir la confiance que les Français peuvent avoir dans leur représentation.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis certain que ce n’est pas ce que vous vouliez, mais c’est le résultat auquel on est arrivé. C’est pourquoi je vous félicite : vous avez bien travaillé pour l’aboutissement de mon projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs des groupe LC et GDR.)

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