M. Bastien Lachaud appelle l’attention de M le ministre de la Culture sur la situation économique préoccupante des artistes-auteurs, confronté à la crise du coronavirus.
La crise sanitaire du Covid19 se double d’un désastre économique pour de nombreux artistes-auteurs – qu’il soit par exemple plasticiens, graphistes ou photographes – dont les revenus chutent voire disparaissent pour les mois de mars et d’avril 2020. Leur domaine, la création, est au cœur du secteur de la culture, qui pâtit de plein fouet de la situation. En même temps, elle est sa branche la plus précaire. Aussi, si la situation professionnelle des artistes-auteurs est détériorée, l’ensemble de la culture en souffre et y perd. Il est urgent de protéger au maximum ces hommes et ces femmes, pour eux d’abord, et pour les amateurs d’art ensuite.
En temps normal, les artistes auteurs ont déjà une situation précaire pour la majorité d’entre eux. L’un, habitant de ma circonscription, témoignait : « Lorsque nous ne gagnons rien (expositions, ventes, ateliers), nous ne gagnons rien. Aucune sécurité ». Même son de cloche chez cet artiste basé en Maine-et-loire : « Nous n’avons pas de statut pour nous protéger ». Les artistes-auteurs n’ont pas de chômage ni de subventions pour les aider à vivre. C’est ce que constate le rapport Racine[1] L’auteur et l’acte de création remis au ministre de la Culture en janvier 2020, qui reconnait les difficultés des artistes-auteurs « La mission relève ainsi un phénomène déjà ancien de fragilisation des conditions de vie et de création des artistes-auteurs, aggravé récemment par des facteurs conjoncturels, tandis que les artistes-auteurs demeurent insuffisamment organisés pour faire entendre leur voix et que les pouvoirs publics ne les prennent qu’imparfaitement en considération dans leurs politiques ».
Avec le confinement, leur inquiétude quotidienne s’est accrue. L’artiste pantinois continue « quasiment toutes nos activités ont été annulées, et nos revenus avec. Nombre d’entre nous n’a pas d’autre revenu que celui d’artiste-auteur ». Même son de cloche chez son confrère, qui affirmait peu ou prou la même chose « je n’ai pas d’activité artistique en cours car suspendues, donc aucun revenu (ventes pendant les expositions, par exemple) jusqu’à nouvel ordre, c’est à dire la reprise du travail en intérim pour ce qui me concerne, ce qui veut dire aucune rentrée d’argent avant juillet ou août…Pour nous artistes plasticiens, tu es prof ou tu es pauvre ». A cause des difficultés à vivre pour les professionnels de ce domaine, plusieurs artistes cumulent ainsi deux emplois – même si cela n’est pas systématique comme il est rapporté plus-haut – celui d’artiste et parfois celui de professeurs quand des postes se libèrent, ou à défaut des métiers « alimentaires » sans lien avec la culture.
Actuellement donc, les institutions, entreprises et associations qui font travailler les artistes sont fermées, par respect des mesures sanitaires. Les musées et galeries d’art ne proposent plus d’expositions, les œuvres ne sont donc plus montrées, les vernissages ont été annulés, et il en va de même des concours organisés par les acteurs publics ainsi que des résidences d’artistes. Il est essentiel que le gouvernement prenne en compte la spécificité de leur situation et propose des mesures qui répondent efficacement à leur absence brutale de revenus.
Les aides proposées par le gouvernement rejoignent dans leurs immenses majorités les aides économiques alloués aux autres secteurs. Il est possible par exemple pour un artiste de demander le report de ses cotisations sociales. Ils ont aussi accès au fonds national de solidarité d’un milliard d’euros. Mais, la gestion de ce fonds demeure opaque.
Ensuite, les conditions d’éligibilité de cette aide – les mêmes selon les différents secteurs, à défaut de précision contraire du ministre de la Culture – n’apparaissent pas adaptées à la situation des artistes-auteurs. En effet, cette aide est proposée aux « entrepreneurs et professions libérales qui font moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires ainsi qu’un bénéfice annuel imposable inférieur à 60 000 € et qui « subissent une fermeture administrative ; ou qui connaissent une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019. ». Les artistes auteurs ne sont pas concernés par une fermeture de leur lieu de travail. Notons cependant qu’à cause du confinement, il est de fait plus dur de justifier ses déplacements et donc de se rendre sans heurts sur son lieu de travail, c’est-à-dire l’atelier pour les artistes. L’autre condition, non cumulative, et la comparaison entre le chiffre d’affaires du mois de mars 2020 et celui de mars 2019. Elle ne prend pas en compte le fait que les revenus des artistes ne sont pas réguliers mensuellement, et qu’ils varient considérablement d’une année à l’autre. Il est possible qu’un artiste vende une pièce 10 000 euros en mars 2019, et rien en mars 2020, et inversement. Ainsi, cette comparaison est impropre à leur situation particulière, faite de revenus épisodiques soumis aux aléas des ventes.
Bastien Lachaud souhaite donc savoir comment le gouvernement entend prendre en compte la situation particulière des artistes-auteurs – recul de la signature de contrats, recul des ventes par l’annulation d’expositions ou encore annulation d’intervention dans des établissements – dans le calcul des aides qui leur seront allouées via le fonds national de solidarité. Enfin, il souhaite savoir, de manière plus générale, comment la transparence de gestion de ce fonds sera garantie.
[1] https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/L-auteur-et-l-acte-de-creation