Romain Dureau, candidat pour les prochaines élections européennes représentait la France insoumise ce jeudi 11 avril à Paris, au Séminaire organisé par la Coordination Sud (collectif d’ONG de solidarité internationale) sur le thème « PAC : quelle cohérence avec le développement des agricultures paysannes du Sud ? ».
Les principales listes aux élections européennes étaient invitées à présenter leurs analyses et propositions concernant la réforme de la PAC et sa mise en cohérence avec le développement de l’agriculture vivrière des pays du Sud.
Une PAC incohérente, pour le Nord comme le Sud
La Politique Agricole Commune (PAC) européenne est aujourd’hui incohérente avec les enjeux du XXIe siècle, que ce soit pour les pays du Nord ou du Sud. Elle repose en effet sur une logique des années 1950 aujourd’hui totalement dépassée : il s’agissait à l’époque d’augmenter la productivité du travail (c’est-à-dire la production agricole par travailleur·se) et les rendements (la production par hectare) afin de nourrir une Europe ravagée par la Seconde Guerre mondiale.
Cette logique productiviste ne se justifie absolument plus aujourd’hui, dans un contexte de surproduction et de dommages environnementaux massifs : érosion de la biodiversité, changements climatiques, etc. L’un des symboles de cette dérive productiviste est l’importation de soja OGM d’Amérique latine pour nourrir les troupeaux européens. La production (dont l’extension repose sur la déforestation massive) et le transport de ce soja sont responsables d’importantes émissions de gaz à effet de serre et sont donc une menace pour l’écosystème terrestre. Mais il s’agit également d’une absurdité du point de vue alimentaire : faire consommer ce soja au bétail européen est le détournement de surfaces agricoles qui devraient être mises en priorité au service de l’alimentation des sud-américain·e·s ! A titre d’exemple, le Brésil exporte chaque année environ 45 millions de tonnes de soja et 12 millions de brésilien·ne·s souffrent de la faim, du fait d’une extrême pauvreté. Ce sont pour beaucoup des paysans chassés de leurs terres par les puissants agro-industriels qui produisent ce soja.
Faute d’une réforme profonde des mécanismes de la PAC (notamment la répartition des aides directes), l’Union européenne a été incapable de faire face à la crise de surproduction agricole, notamment depuis les années 1990 et le choix de déréguler les marchés agricoles européens. Aujourd’hui, la seule perspective de gestion des excédents agricoles européens est de les écouler sur le marché mondial, où la compétition et la spéculation sont féroces. Le résultat est dramatique tant pour les agriculteur·rice·s européen·ne·s que pour les agriculteur·rice·s du Sud.
• En Europe, les prix intérieurs ont été alignés sur ceux du marché mondial (marché d’excédents), qui ne couvrent pas les coûts réels de production, si bien que la valeur ajoutée et les revenus des exploitations ont fortement chuté ; les subventions européennes de la PAC (principalement les aides directes réparties au prorata de la surface) sont indispensables pour maintenir à flot de nombreuses exploitations.
• Dans les pays du Sud, notamment en Afrique de l’Ouest, les droits de douane sont maintenus très bas (5% environ) sur de nombreux produits importés de l’Union européenne, si bien que ceux-ci arrivent sur le marché africain à un prix de dumping (du fait des subventions européennes) significativement inférieur au prix des produits locaux ; la conséquence est une forte déstabilisation des agricultures paysannes locales, qui ne peuvent se développer ni se structurer, si bien que l’indépendance alimentaire de nombreux pays africains a fortement diminué.
Changer la PAC et protéger les agricultures paysannes du Sud
Pour en finir avec ces aberrations et mettre la PAC européenne en cohérence d’une part avec les enjeux du XXIe siècle, notamment la lutte contre les changements climatiques, et avec les objectifs de développement des agricultures du Sud (objectifs inscrits dans le Traité de Lisbonne), la France insoumise propose :
1. La régulation et la protection des marchés européens pour permettre la mise en place de prix rémunérateurs pour les agriculteur·rice·s européen·ne·s et limiter la surproduction.
2. La mise en place d’un mécanisme de restitution des aides publiques lorsqu’un produit agricole européen est exporté hors du marché intérieur, ceci afin de supprimer les effets de dumping sur les marchés ouest-africains notamment.
3. L’interdiction de l’importation d’OGM pour l’alimentation du bétail européen et la taxation des importations de protéines (protectionnisme aux frontières de l’UE).
4. La transition écologique de l’agriculture européenne par la réorientation de l’ensemble des fonds de la PAC vers cet objectif, avec notamment : la réintégration agriculture-élevage, le soutien à l’autonomie protéique des élevages, la diminution de la consommation de produits animaux et la relocalisation des productions (par exemple, les fruits et légumes) au plus proche des lieux de consommation.