Intervention orale de Marie Duret-Pujol, candidate aux élections européennes, lors du meeting de Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Maurel à Pau, le 8 novembre 2018.
Depuis quelques semaines, le président de la République, aidé par un certain nombre de supplétifs (journalistes, éditorialistes, intellectuel·le·s y compris de « gôche » voulant se lancer en politique, entre Macron et Mélenchon, toujours « entre », « avec » ce serait louche et un bon supplétif doit donner l’impression d’être un peu en marge pour masquer qu’il ou elle est surtout et avant tout en marche), le président de la République donc entend non plus seulement imposer les débats du moment, les sujets qui comptent vraiment, les vrais sujets comme ils disent, mais la manière de débattre ou plus exactement les termes du débat car, comme tout bon monarque, obligé de tout faire lui-même il finit par incarner tous les discours, ceux de la majorité et ceux de l’opposition.
Ainsi en va-t-il du débat européen. Notre bon maître Emmanuel Macron prétend donc nous dire ce qu’il en est du débat européen. À son bon peuple, qu’il pense incapable de compter au-delà de deux tout comme il le pense incapable de traverser la rue pour trouver un emploi, il explique qu’il n’y a que deux options :
l’Europe ou le nationalisme,
la paix ou la guerre,
le libéralisme ou le protectionnisme,
le bien ou le mal,
bref lui ou le chaos.
Dans un tel cadre, Emmanuel Macron peut logiquement recevoir son nom de monarque, TINA, there is no alternative. Autrement dit, il s’agit de reproduire pour les élections européennes le schéma que nos élites raisonnables aiment tant, celui qui permet de gagner 100% du pouvoir avec moins d’un cinquième des inscrit.e.s,
soit Macron,
soit au choix Le Pen, Orban (Hongrie), Salvini (Italie), Kaczinski (prononcer Kachinski Pologne).
Macron donc, c’est-à-dire l’Union européenne, la Commission et ses directives, son libéralisme, son atlantisme toute l’Union européenne et rien que l’Union européenne.
Car, et nous l’avons débusqué avec succès en 2005, l’essence de ce que les Européen·ne·s raisonnables nomment le « projet » européen est une idéologie : le marché et rien que le marché. Rien que le marché, c’est-à-dire le marché et pas la démocratie. C’est le secret de famille des Européens, celui qui ne se dit pas mais que tout le monde connaît, les libéraux n’aiment pas la démocratie parce qu’elle entre en contradiction avec le marché. Ce qui inquiète les libéraux, ce qu’ils entendent quand le mot « démocratie » est prononcé, c’est le fait majoritaire. Ils craignent que la majorité arithmétique devienne une majorité politique. Ils se défendent alors en proclamant le bien-fondé et la valeur suprême des traités Européens.
J’entends déjà les raisonnables, les biens né.e.s, les biens élevé.e.s, dirent : « les traités peut-être, mais la France ne peut plus vivre au-dessus de ses moyens », « on ne peut dépenser que ce qu’on a ». La bonne gestion budgétaire (je traduis l’austérité pour l’éternité) n’a rien à voir avec les traités. Faux. L’Union européenne n’impose pas seulement, depuis le traité d’Amsterdam, des critères (déficit inférieur à 3% du PIB, dette inférieure à 60% du PIB, etc.), elle exige à présent une certaine politique budgétaire dont la règle est la baisse des dépenses publiques, moins d’école, moins d’hôpitaux, moins de services publics.
Je voudrais prendre un seul exemple pour montrer ce qu’il se passe quand nous échappons à la logique des traités, au tout marché. Il existe dans notre pays un objet, qui est une marchandise comme les autres dans beaucoup de pays y compris européens, cet objet est, je l’espère, d’usage courant pour chacune et chacun d’entre nous. Cet objet qui n’est pas une marchandise comme les autres en France, c’est le livre. Depuis 1982 en effet, la loi impose le prix unique du livre. Quelle ont été les conséquences de cette décision ? Deux principales. La première se situe au niveau de la vente des livres. En raison du prix unique, il n’est pas possible pour une librairie de vendre tel ouvrage « grand public » (les mémoires du chien de lady di ou bien les mémoires de celui ou de celle qui a bien connu le président de la République quand il était petit) au rabais et, en contrepartie, de vendre très cher tel autre livre supposé difficile.
Pourquoi c’est important ? Parce que le contenu des livres dits difficiles n’est pas réservé, en raison du prix, à ce que les spécialistes nomment le public captif (celles et ceux qui ont fait de longues études, les universitaires, etc.). Le ou la libraire peut les conseiller au plus grand nombre. Car le prix unique du livre a sauvé aussi les librairies qui n’ont pas pu se livrer à une concurrence par les prix, concurrence qui favorise toujours les grandes enseignes. Pour se distinguer, elles ont dû accroître leurs activités de conseil, les rencontres avec des auteurs, animant la vie culturelle de ce pays dans de très nombreuses villes. Et puisque les livres dits difficiles peuvent se vendre au-delà des deux cents ou trois cents exemplaires représentés par le public captif, il y a une deuxième conséquence positive : les maisons d’édition acceptent de publier ces ouvrages. Le prix unique du livre, en contradiction avec la concurrence libre et non faussée de l’Union européenne, nous lui devons donc une bonne partie de notre vie culturelle actuelle.
Quand ils disent « les traités », nous leur disons « culture », « émancipation de la personne humaine », « transition écologique », « protectionnnisme solidaire », « harmonisation fiscale par le haut », « contrôle des capitaux ».
Quand ils disent « les traités », nous leur opposons tout ce que les traités européens interdisent.
Quand ils disent « les traités », nous leur disons « la démocratie ».
Et pour que la démocratie advienne, nous disons à toutes et à tous ceux qui affirment que la révolution citoyenne, tout comme la Révolution française, ne s’adresse pas qu’à un seul peuple, à toutes celles et à tous ceux qui croient au progrès humain et social à la condition qu’il soit écologique, nous disons à celles et ceux qui veulent que cette démocratie sociale advienne et déferle en Europe aussi, pour que le vent de la démocratie fasse entendre son souffle en France comme il souffla en 1789 et résonne bien au-delà de ses frontières, nous disons : votons aux élections européennes pour les candidates et les candidats présenté.e.s par la France Insoumise.
Pour revoir le meeting :